▪ Les marchés n’ont tiré aucun profit secondaire du délit d’initié sur Intel, qui les avaient fait bondir de 2% mardi. Les voici à présent rattrapés par les fondamentaux qu’ils avaient délibérément ignorés depuis le début de la semaine au nom de la priorité accordée à la bonne fortune des entreprises phare du S&P et du Nasdaq.
Les premiers trimestriels de la saison éclipsent une série ininterrompue de mauvais chiffres économiques publiés depuis lundi. Ceci démontre une nouvelle fois que les entreprises multinationales ne sont qu’en est qu’en partie tributaires de la conjoncture que nous observons en Europe ou aux Etats-Unis.
Les plans de relance qui insufflaient, comme autant de perfusions financières, un semblant de vie à nos économies occidentales sont débranchés les uns après les autres. Les "World Companies" comptent plus que jamais sur le dynamisme des BRIC pour leur permettre de dégager de solides profits en 2010.
▪ Un secteur en particulier illustre l’immensité des attentes des firmes occidentales, celui de l’automobile. Les ventes de véhicules neufs en Chine ont grimpé de près de 50% sur un an au premier semestre 2010 ; le total dépasse les neuf millions d’unités.
Pour le seul mois de juin, les ventes totales de voitures ont bondi de 23,5% par rapport à juin 2009, à 1,4 million d’unités. Un record de 1,74 million avait été enregistré en mars, juste avant que Pékin ne se résolve à réduire les aides pour les achats de petits modèles et les rendre accessibles aux classes moyennes urbaines et aux habitants des zones rurales.
En 2009, les ventes de voitures en Chine avaient totalisé 13,65 millions d’unités, permettant au pays de devenir le premier marché mondial devant les Etats-Unis. L’année 2010 devrait se solder par un total de 18 à 20 millions de nouvelles immatriculations, en incluant les utilitaires. Les experts, qui dégainent leur calculette, nous promettent déjà 30 millions pour 2012, 45 millions en 2013 (autant que de véhicules vendus sur le reste de la planète), avec un objectif de 100 millions pour 2015.
En y ajoutant l’Inde, le Brésil, la Malaisie et l’Indonésie, vous obtenez sur cinq ans, de 2010 à 2015, un cumul de 500 millions de véhicules commercialisés dans les pays dits émergents. Un demi-milliard de voitures en plus circulant sur la planète, cela représenterait une hausse de 50% en cinq ans… c’est vertigineux ! Ceci nous promet une floraison sans précédent de stations-service en Asie du Sud-Est et un record d’émission de CO2 comme l’humanité n’en a jamais connu.
La hiérarchie mondiale des constructeurs est complètement bouleversée. Le Japon, avec huit millions d’unités produites par an (dont 50% sont exportés), vient de perdre sa place de numéro un mondial au profit de la Chine (13,7 millions). Les Etats-Unis n’occupent plus que la troisième place, avec six millions d’unités, devant l’Allemagne (5,5 millions), la Corée du Sud (3,5 millions), le Brésil (3,3 millions) et l’Inde (trois millions).
Faites le total des purs émergents à fin 2009 et vous obtenez un total de 20 millions. Avec la Corée du Sud, cela fait 23,5 millions… et en ajoutant le Mexique, Taïwan et les ex-Pays de l’Est (dont la dynamique Tchéquie), cela fait plus de 30 millions… contre 26 millions pour les pays du G7 et 10 millions pour l’Eurozone (également détrônée par la seule Chine l’an passé).
Mais voilà, les extrapolations qui inspirent ceux qui ont ramassé du Peugeot et du Renault durant neuf séances d’affilée, sur l’annonce d’accords de production en Chine, ne tiennent pas la route.
Même si la Chine, l’Inde et le Brésil représentent un marché de trois milliards de clients potentiels en 2015… combien de citoyens de ces pays seront effectivement solvables, même en encourageant une exceptionnelle générosité de la part des banques ?
Et combien l’auraient été en Chine en 2009 et début 2010 si Pékin n’avait mis en place un régime de taxes extrêmement avantageux (une véritable subvention déguisée) pour les acheteurs de véhicules produits sur le sol national ?
Nous sommes bien convaincu de la fausseté des prévisions qui dopent les cours des constructeurs automobiles en Europe depuis début juillet.
▪ Tout comme nous sommes convaincu que les trimestriels d’Alcoa, Intel, JP Morgan ou AMD ne constituent pas un échantillon représentatif des résultats trimestriels qui seront portés à notre connaissance d’ici la fin du mois.
Le scénario de juillet 2009 ne se répètera pas. Surtout pas avec la perspective d’un double creux conjoncturel et d’une épargne mondiale insuffisante pour couvrir les besoins mondiaux de refinancement des dettes souveraines.
▪ Ces quelques soucis mineurs sont venus tempérer l’euphorie qui régnait 48 heures auparavant. Il fallait bien s’attendre à un repli technique après une série de sept hausses consécutives sur l’Eurotop 100 (et un gain cumulé de 9%). Le CAC 40 a rechuté de 1,4% et l’Euro-Stoxx 50 d’autant… mais Wall Street est parvenu pour la deuxième fois consécutive à clôturer à l’équilibre.
La grande leçon de ce jeudi, c’est que lien entre la hausse des actions et celle de l’euro, considéré comme un baromètre de l’aversion au risque, semble rompu depuis 48 heures. Les indices boursiers consolident alors que la monnaie unique s’envole de 1,5% à 1,2940 $ (+8,5% en un mois).
C’est surtout le dollar qui rechute contre toutes les devises, victime d’une série de statistiques macro-économiques négatives qui s’enchaînent depuis mardi.
▪ Le spectaculaire plongeon du billet vert (-3% en 48 heures) soutient mécaniquement Wall Street. Il avait compensé mardi et mercredi le creusement du déficit commercial américain… ou la baisse des ventes de détail ainsi que la chute ce jeudi de l’indice Philly Fed (retombé à 5,1, contre 8 en juin, alors qu’une petite progression était attendue), ainsi que le plongeon de l’indice Empire State (-14,5 points en juillet à 5,1).
Un ralentissement de l’activité dans le secteur manufacturier se dessine clairement. La Fed a déjà intégré cette réalité dans le compte-rendu de sa dernière réunion de politique monétaire : elle revoit à la baisse de 0,2% les prévisions de croissance 2010, à 3,8% au maximum contre 3,7% au mois de mai.
Mais Wall Street s’attend déjà à ce que la progression du PIB américain ne dépasse pas les 2,7% cette année et les 3% en 2011. La Fed suggère même que la croissance pourrait connaître un passage à vide qui justifierait la mise en oeuvre de nouvelles mesures de soutien.
Traduisez : de nouvelles injections de liquidités et le gonflement de son bilan par le biais de la monétisation de la dette fédérale.
La Fed prépare tout doucement les marchés à la mise en place d’un plan de rachat des "muni-bonds" … C’est peut-être cette prise de conscience — tout autant que les mauvaises statistiques de cette mi-juillet — qui a provoqué le K.-O. technique du dollar en pleine "Intelmania".