Que se passera-t-il si l’inflation dépasse trop largement le taux recommandé de 2% ? Pas de souci : les banques centrales décréteront simplement que le « bon taux » est en réalité supérieur… Tant mieux pour les marchés actions, tant pis pour les épargnants !
La crise sanitaire a donné aux « colombes » de la politique monétaire l’opportunité de faire pression en faveur de l’adoption d’un objectif d’inflation plus « flexible ».
En août 2020, alors que les banquiers centraux cherchaient de nouveaux moyens de justifier la poursuite des mesures de relance, la Fed a adopté une nouvelle politique consistant à poursuivre un objectif d’inflation de 2% par an en moyenne. Cela implique que la Fed pourrait désormais fixer un objectif de taux d’inflation supérieur à 2% pendant certaines périodes, pourvu que l’inflation moyenne s’établisse à long terme autour de 2%.
Même cette annonce n’a pas suffi aux partisans d’une inflation toujours plus rapide des prix. Des voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer l’abandon pur et simple de l’objectif de 2% et son relèvement.
Par exemple, Greg Ip, du Wall Street Journal, notait début septembre que Jerome Powell semble miser sur un retour rapide du taux d’inflation à 2%.
Mais que se passera-t-il si l’inflation ne redescend pas comme prévu ?
Ip affirme que si l’inflation reste supérieure à l’objectif, la Fed pourrait tout simplement de relever sa cible officielle :
« Une stratégie que [Powell], ou son successeur, devrait envisager dans ce cas de figure consiste tout simplement à relever l’objectif d’inflation. »
Pourquoi vouloir une inflation plus élevée ?
Ip reprend à son compte l’opinion répandue selon laquelle il existerait un « arbitrage mythique entre la hausse de l’emploi et l’inflation », comme le décrit Brendan Brown.
Pour Ip, l’augmentation de l’inflation est nécessaire pour générer une expansion économique alimentée par les créations d’emplois. Il ajoute :
« Pourquoi une inflation plus élevée serait-elle une bonne chose ? La théorie économique nous enseigne qu’une inflation stable et légèrement plus élevée devrait se traduire par une réduction de la fréquence et de la gravité des récessions. Nous aurions également moins besoin de recourir à des outils de politique monétaire exotiques tels que les programmes de rachat d’obligations par la banque centrale, qui comportent le risque de gonfler de nouvelles bulles sur les marchés financiers.
D’un point de vue plus pratique, si l’année prochaine l’inflation est plus proche de 3% que de 2%, un relèvement de l’objectif d’inflation évitera à la Fed de devoir augmenter les taux d’intérêt pour faire baisser l’inflation, ce qui aurait pour conséquence de détruire des emplois. »
Selon Ip, la Fed se retrouve piégée en raison d’un objectif de taux d’inflation trop bas. Elle aurait donc besoin de plus de flexibilité.
Plutôt que d’être contrainte d’enclencher un resserrement de sa politique monétaire simplement parce que l’inflation des prix a dépassé l’objectif de 2%, Ip voudrait s’assurer que la Fed puisse continuer à soutenir l’économie jusqu’à ce que l’inflation des prix dépasse 3%, voire 4%.
Et qui sait, après cela, peut-être que la « théorie économique » nous enseignera qu’une inflation à 5% constitue un objectif plus approprié… Bien sûr, un tel chiffre serait tout aussi arbitraire que celui de 4% ou de 2%.
Quel est le taux « optimal » ?
Le besoin de relever l’objectif de taux d’inflation s’explique essentiellement par des raisons politiques. Vraisemblablement, plus l’inflation se maintiendra longtemps au-dessus de l’objectif ciblé, plus la Fed se sentira contrainte de freiner l’inflation au travers d’un resserrement de sa politique monétaire.
Après tout, l’adoption officielle d’un objectif de 2% implique qu’il s’agit nécessairement du taux d’inflation « optimal ». Une inflation supérieure à ce taux serait vraisemblablement « trop importante ». La Fed s’étant progressivement rapprochée de cet objectif de 2% depuis 1996 et l’ayant formellement adopté en 2012, sa crédibilité serait en jeu si elle décidait tout simplement d’ignorer l’objectif.
Il y a fort à parier, cependant, que si l’objectif d’inflation était porté à 4%, nous n’entendrions guère parler actuellement d’un resserrement de la politique monétaire, d’une normalisation ou de tout autre effort visant à réduire l’inflation des prix.
La Fed aurait alors les mains libres pour maintenir encore plus longtemps le robinet de la création monétaire grand ouvert sans avoir à prêter attention aux critiques affirmant qu’elle a « perdu le contrôle » de l’inflation des prix. Ce serait formidable pour le cours des actions et les prix de l’immobilier.
Les gens ordinaires, en revanche, s’en sortiraient beaucoup moins bien.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.