Pour aborder les suites de l’épidémie de coronavirus, il vaudrait mieux accepter de regarder en face quelques réalités… même si elles peuvent déranger certains.
J’espère que vous allez bien, cher lecteur, et que les semaines de confinement qui se suivent et se ressemblent n’entament ni votre santé, ni votre moral, ni votre énergie.
Il en faut pour affronter sereinement cette véritable comédie humaine qu’est devenue la gestion de crise du Covid-19, qui se prolongera encore de longues semaines.
Nous avons eu droit à une fantasque déclaration de guerre contre un virus, à la restriction sans précédent des libertés individuelles à l’échelle d’une population, à la désignation de héros devant être applaudis à heure fixe, et à la condamnation médiatique de prétendus responsables livrés à l’opprobre populaire (gouvernements successifs, Asiatiques, Italiens, riches qui ont l’outrecuidance de voyager, etc.).
Pour assurer la cohésion sociale en cette période troublée, nos dirigeants font naître des mythes nationaux qui cimentent l’opinion publique.
Certains, comme la prétendue inutilité des masques chirurgicaux, ont du plomb dans l’aile depuis quelques jours.
D’autre durent encore. Je vous propose aujourd’hui de passer en revue trois d’entre eux. Bien qu’acceptés quasi-unanimement dans l’Hexagone, ils ne résistent pas à l’épreuve des faits et sont de bien mauvais conseillers lorsqu’il s’agit de prendre des décisions éclairées.
La lecture de cette Chronique ne vous donnera bien sûr pas l’occasion de briller dans les dîners (annulés pour cause de confinement) mais elle vous permettra d’orienter efficacement vos décisions d’investissement.
La mondialisation est responsable de l’épidémie…
Il est de bon ton de fustiger les voyageurs, les étrangers, la mondialisation et plus généralement le libre-échange comme principaux responsables de l’épidémie de Covid-19.
C’est oublier un peu vite que la pandémie de coronavirus, si elle est sans doute la crise sanitaire la plus brutale à laquelle nous ayons personnellement été confrontés, n’est pas la pire des pandémies à l’échelle de l’humanité – loin de là. Avec sa létalité aujourd’hui évaluée à environ 1% des malades déclarés, le Covid-19 fait pâle figure par rapport aux pires fléaux de l’Histoire.
La grippe espagnole, entre 1918 et 1920, a tué entre 2,5% et 5% de la population mondiale. C’était avant l’essor de l’aviation civile et des délocalisations.
La deuxième pandémie de choléra, débutée en 1826, fit plus d’un million de victimes et sa létalité mesurée dans certaines zones françaises dépassa les 2,5%. C’était avant que la première ligne de chemin de fer ne soit posée en France.
La peste noire, vers 1350, toucha l’Europe, l’Asie et l’Afrique du Nord. Elle emporta 30% à 50% des Européens en cinq ans et décima environ 25 millions de personnes. C’était avant l’invention de la chaise à porteurs.
Ces quelques exemples prouvent que les pandémies n’ont pas besoin des moyens de transport modernes et des ouvertures de frontière pour exister.
… et le pangolin nous met au chômage
La presse généraliste et nos hommes politiques, qui font mine de découvrir les effets socio-économiques du confinement depuis quelques jours, présentent la récession comme le fait du coronavirus.
Ne vous laissez pas abuser par ce raisonnement fallacieux.
Livrée à elle-même, l’épidémie de Covid-19 aurait fait disparaître selon les estimations entre 40 et 80 millions de personnes dans le monde avant la fin de l’année. Pour comprendre l’impact qu’auraient eu ces décès sur l’organisation mondiale, il faut rappeler qu’il meurt chaque année 57 millions de personnes et qu’il en naît près de 147 millions.
Si terribles qu’ils soient, les décès liés au coronavirus n’auraient eu aucune conséquence économique détectable. Perdre 40 millions d’êtres humains, c’est revenir à la population… d’octobre 2019. L’économie mondiale, qui ne fait pas dans le sentiment, n’aurait pas eu le moindre frémissement.
Si les frontières sont fermées, si les trains sont à l’arrêt et les avions cloués au sol, si huit millions de salariés sont au chômage technique en France, ce n’est pas à cause de l’épidémie mais à cause des décisions politiques qui ont été prises pour y faire face.
Cette distinction est absolument vitale. Lorsque les dominos tombent les uns après les autres comme actuellement, identifier les causalités étape par étape est primordial pour éviter de tomber dans les généralisations hâtives.
Le confinement est une mesure de santé publique pérenne
C’est sans doute le mythe qu’il nous sera le plus compliqué de remettre en question alors que « rester chez vous » est devenu plus qu’un slogan, un véritable tic de langage dans l’Hexagone.
Les épidémiologistes le répètent depuis le mois de février : en l’absence d’un vaccin, seule l’immunité de groupe permet à long terme d’éteindre une pandémie. Cette vérité qui dérange, qui a pu être évoquée à voix haute dans les pays anglo-saxons, est totalement taboue dans les pays latins.
Nous faisons mine d’oublier que confiner trop efficacement une population, c’est la laisser naïve face au virus.
C’est pour cette raison que le conseil scientifique du Covid-19 réclame, quinzaine après quinzaine, la prolongation du confinement. L’argument avancé est le suivant : si nous levons le confinement maintenant, le grand pic de contamination que nous cherchions à éviter aura lieu.
C’est tout à fait vrai. Et ce le sera encore le 11 mai, dans six semaines, en juillet…
Singapour en a fait l’amère expérience. Après avoir été considérée comme un modèle de gestion de l’épidémie grâce à savant mélange de distanciation sociale, de tests massifs et d’isolation des malades, la cité-Etat fait face à un terrible rebond des contaminations. Entre début mars et début avril, le nombre de malades a été multiplié par dix.
Les pays qui empêchent l’exposition de leur population au virus se condamnent à vivre avec l’épée de Damoclès du pic de contamination. Ne croyez pas que le confinement à la française soit la norme internationale : d’autres pays comme les Pays-Bas, l’Allemagne, ou la Suède suivent une politique différente basée sur les recommandations de distanciation sociale.
Ils freinent, parfois avec plus d’efficacité que la France, la diffusion du virus. Mais ils ne prétendent en aucun cas protéger sur le long terme leurs citoyens de l’inévitable confrontation avec l’agent pathogène – car c’est chose désormais impossible, le virus étant présent sur toute la planète.
Confiner encore et encore pour retarder l’inéluctable est l’équivalent sanitaire de l’impression monétaire qui tente, depuis 2009, de faire passer la crise de solvabilité occidentale pour une crise de liquidité. C’est apporter une réponse immédiate mais temporaire à un problème de fond, le tout au prix de concessions monumentales. Vient un moment où la confrontation avec la réalité ne peut plus être repoussée. Le prix à payer est alors décuplé par tout le temps passé dans le déni.
Ces trois mythes sont d’autant plus insidieux qu’ils reviennent comme des mantras dans le discours politico-médiatique. Prendre conscience qu’il ne s’agit que de fables destinées à galvaniser la population en période de crise, c’est déjà commencer à s’extraire de leur influence.
Mieux encore, vous pouvez les utiliser à votre profit pour vos investissements, comme nous le verrons dès demain.