Ce texte ne parle pas des marchés… mais de ce qui vous attend. La problématique des marchés est une sorte de cristallisation de la problématique d’ensemble en cette rentrée d’automne.
Le S&P 500, l’indice phare mondial, est à environ 1% de son sommet historique. Sous la surface des marchés, derrière l’unanimité, il y a de profondes divergences… et très certainement de lourdes pertes dissimulées.
La communauté spéculative à effet de levier, en particulier, a été secouée. Elle a pris des claques sur les actions en raison des valses-hésitation de Powell, puis elle a pris des claques sur le nouveau jusqu’au-boutisme de Draghi, puis elle a pris des claques sur l’incroyable rebond des taux longs – avant de finalement perdre sa culotte sur l’envolée des cours du pétrole.
Il y a eu des pertes sanglantes en Argentine et plus généralement sur les devises des pays émergents.
Les marchés obligataires sont devenus instables, aussi instables que les marchés d’actions, à la hausse comme à la baisse. Les stratégies longues/courtes ont été matraquées. Les positions courtes sont devenues très erratiques.
Plus grave encore que l’immobilier en 2007
La semaine passée, l’instabilité a envahi les marchés du funding – les marchés de financement au jour le jour –, avec des effets de contagion pour d’autres véhicules de financement à court terme aux Etats-Unis et à l’étranger.
Le funding, le financement au jour le jour, c’est le sous-jacent de tout, absolument tout – encore plus sous-jacent que ne fut l’immobilier en 2007. C’est la croyance en la hausse perpétuelle de l’immobilier qui a produit la crise de 2008 : c’est la croyance que la liquidité sera toujours là, disponible, qui un jour produira la grande crise.
On a transféré les questions de solvabilité et de rentabilité sur une seule question : celle de la liquidité.
En clair chacun utilise le levier d’une part… et d’autre part croit qu’il va réussir à sortir avant les autres. Cela signifie que tout repose sur la croyance en la liquidité perpétuelle – et cette croyance, c’est l’invariant qui constitue la fondation du système, son axiome de base.
Nous avons expliqué à maintes reprises que le vrai sous-jacent, le sous-jacent de tout, c’est la liquidité : eh bien, ceci est en passe d’être démontré.
Les actifs sont soufflés en bulle par l’intermédiaire des liquidités primaires, les vraies, augmentées des liquidités secondaires c’est-à-dire celles qui sont produites par le leverage, l’effet de levier.
Au final, toucher aux repos – au financement au jour le jour –, c’est toucher à la Caisse. Au Grand Robinet.
Une fenêtre de vulnérabilité s’est ouverte
La communauté spéculative à effet de levier est la source marginale de liquidité sur tous les marchés, qu’ils soient américains ou mondiaux.
Non seulement cette communauté a été confrontée à un risque accru sur l’ensemble de ses positions ou ses avoirs, mais elle va être également confrontée à l’incertitude du marché du financement de court terme jusqu’à la fin de l’année.
L’analyste et gestionnaire de hedge fund John Hussman utilise la notion de « trappe », de fenêtre : eh bien, une fenêtre de vulnérabilité s’est ouverte. Cela ne veut pas dire que les éléments vont se déchaîner et s’engouffrer dedans – cela signifie qu’elle est ouverte et que cette fois, ils peuvent s’engouffrer, le piège est tendu.
La logique d’un cycle de marché, c’est celle du glissement des positions des mains fortes vers des mains de plus en plus faibles. Comme l’a dit un des Rothschild : « En Bourse, j’ai toujours vendu trop tôt. » Il veut signifier qu’en Bourse, les mains fortes vendent toujours tôt aux mains faibles.
Les joueurs ont des mains de plus en plus faibles. Ils feront preuve de moins de tolérance à la peine.
Cette dynamique accroît les chances que la faiblesse du marché incite d’abord à la réduction des expositions, puis à la réduction des risques et finalement au désendettement. Tout ceci va se renforcer circulairement… avec la possibilité, un jour, d’un événement qui précipite les liquidations.
Les marchés ont déjà été très vulnérables au cours des années passées, mais ils l’étaient avec un environnement positif. Rien à voir avec l’environnement actuel, négatif, pourri tous azimuts. Les économies, les relations commerciales, la géopolitique… tout dysfonctionne, tout est inquiétant aujourd’hui.
Les banquiers centraux ont brûlé de précieuses munitions, ce qui a entraîné des excès problématiques en fin de cycle.
Les corps sociaux sont fracturés, émiettés, la confiance est au plus bas. Il y a des dissensions dans les rangs des élites, au sein même des cercles du pouvoir.
Attention aux phases de transition
Où que l’on regarde, nous sommes en phase de transition – et ce sont les phases de transition qui sont toujours les plus dangereuses.
Cet automne sera la saison de tous les dangers.
Ce sera la saison de tous les dangers parce que l’on est bout du rouleau d’un cycle, parce que l’on joue les prolongations, parce que les solutions anciennes aux problèmes ont été utilisées sans succès, parce que le doute s’est installé.
Il s’est installé alors que toutes valeurs sont fausses, « bullaires », aussi bien les valeurs financières que celles qui traversent nos sociétés. Ce monde manque maintenant de conviction ; c’est essentiel.
Il est tout à fait possible pour la Fed de créer des réserves bancaires supplémentaires. Il est possible de baisser encore les taux, d’acheter des titres à long terme, de passer aux taux négatifs, de spolier les contribuables et les citoyens – mais tout cela aura un coût terrible.
Tout cela fera pencher encore un peu plus la balance risk/reward, la balance entre les bénéfices attendus et les pertes à venir.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]