Jerome Powell continue à monter ses taux d’intérêt. Ils restent négatifs en Europe. Ce grand écart ne sera pas tenable longtemps.
La fin de l’année approche. Il est temps de prendre un peu de recul.
L’existence puis la persistance de taux négatifs dans l’Eurozone a été un électrochoc mental en ce qui me concerne.
Les explications habituellement données par les experts médiatisés étaient d’une niaiserie déconcertante.
Aucun être humain normal n’est prêt à payer pour prêter son argent, c’est-à-dire accepter de ne plus disposer de sa propriété. Un être humain normal accepte cependant de payer pour voir son argent en sécurité, avoir un service de coffre-fort.
Mais un prêt n’est pas un coffre-fort. Le risque est supérieur à celui du coffre-fort car le prêteur emploie l’argent tandis que le coffre-fort se contente de conserver sans rien faire.
Contrairement à ce que prétend toute une frange d’économistes nourris par l’argent des contribuables et n’ayant jamais produit de biens ou services que des gens seraient disposés à acheter librement et sans contrainte, il n’existe pas de rendement sans risque.
Même un prêt d’Etat comporte un risque : celui de la révolte des contribuables ! Ce risque est d’ailleurs d’autant plus grand que la pression fiscale est forte.
Un gérant professionnel, Guillaume Nicoulaud, expliquait en début d’année 2018 pourquoi des obligations à taux négatifs sont souscrites :
« Il se trouve que la réglementation impose aux gérants de fonds (les OPCVM en droit français) de ne pas détenir plus de 10% de liquidités. En d’autres termes, quelles que soient les conditions du marché, nous sommes légalement tenus d’investir au minimum 90% des actifs qui nous sont confiés.
[…] quand la Banque centrale européenne pratique des taux d’intérêts négatifs sur les avoirs que les banques détiennent auprès d’elle, ces dernières font la même chose avec nous.
Concrètement, si le compte bancaire en euro d’un fonds est créditeur, il se verra appliquer un taux égal à celui du taux de dépôt au jour le jour de la BCE (la Overnight Deposit Facility) soit, actuellement, -0,40%. »
Donc si les taux sont négatifs, c’est essentiellement pour des raisons réglementaires qui s’ajoutent aux manipulations de la BCE.
Cette politique monétaire force des gestionnaires et les dépositaires d’épargne à choisir un « moindre mal » pour parquer l’argent qu’ils ne souhaitent pas investir.
Cette situation contre nature est le résultat direct des agissements de nos grands planificateurs centraux omniscients. Mais pourquoi est-elle acceptée ?
Construction et déconstruction de la monnaie
Cet électrochoc que constituent les taux négatifs m’a conduit à me pencher sur l’histoire de la monnaie depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours, et à l’arrivée des cryptomonnaies, bitcoin en tête.
Ces recherches m’ont permis d’aboutir à quelques repères. Il y a eu une très lente phase de construction de la monnaie durant laquelle quelques principes empiriques se dégagent. Cette construction est le résultat du cumul de l’expérience de nos ancêtres de Sumer et Hammurabi en passant par Aristote, Platon, Oresme, Cantillon…
- Un échange mutuellement enrichissant consiste à échanger quelque chose contre autre chose.
- Les échanges ont commencé sans monnaie avec du crédit (de la dette).
- Une promesse de payer, un crédit (et donc une dette) n’est cependant pas quelque chose de tangible et comporte toujours un risque. Les échanges peuvent s’en trouver faussés.
- La « monnaie marchandise » est quelque chose, contrairement au crédit. C’est donc un moyen d’échange plus fiable que le crédit.
- L’usage de la « monnaie marchandise » permet d’étendre et de multiplier les échanges en éliminant les registres de dettes, les tiers de confiance et la barrière du langage.
- L’or et l’argent ont été empiriquement consacrés comme monnaies marchandises après de multiples essais (bétail, coquillages, céréales, jade…).
- Il existe un lien très fort entre monnaie, impôt et pouvoir politique.
- Le pouvoir politique préfère le crédit, qu’il peut mieux contrôler, à la monnaie marchandise qu’il ne contrôle pas.
- Monnaie et crédit ont coexisté pour sceller les échanges, mais l’or et l’argent restaient le refuge ultime des citoyens contre les manipulations monétaires des pouvoirs en place.
Après John Law et malgré la faillite du « système », comme l’appelait lui-même son promoteur, une lente phase de déconstruction de la monnaie s’achève. De Law à Keynes en passant par Roosevelt et Nixon.
Cette déconstruction a consisté à progressivement écarter le grand public de l’or et de l’argent pour forcer le monopole de la monnaie d’Etat uniquement disponible sous forme de crédit. Après avoir discrédité l’or et l’argent, les grands argentiers veulent même bannir le cash, les espèces. Ils veulent que la forme ultime de monnaie soit la dette d’Etat.
Cette phase de déconstruction de la monnaie s’achève cependant car les banquiers centraux sont acculés – Jerome Powell comme Mario Draghi. Comme nous le verrons demain, 2019 sera donc une année charnière dans la crise monétaire qui s’annonce.