▪ Bank of America a réalisé une enquête auprès de 200 gérants de fonds d’investissement (qui pèsent 560 milliards de dollars) du 7 au 13 janvier — c’est tout frais. Elle révèle que 55% d’entre eux ont l’intention de surpondérer leurs portefeuilles en actions (contre 40% début décembre) tandis qu’un quart d’entre eux ont l’intention de conserver les positions en l’état.
Cela fait donc un sympathique total de 80% d’optimistes… ce qui confirme les résultats de précédentes enquêtes — allant toutes dans le même sens — dont nous avons déjà rendu compte depuis début janvier.
Bank of America précise que ce pourcentage de bulls est le plus élevé observé depuis le pic historique de juillet 2007. Par ailleurs, elle indique que le nombre de gérants redoutant que la Fed se soit fourvoyée en imprimant des centaines de milliards de fausse monnaie est tombé pratiquement à zéro.
Ils sont si nombreux à s’engraisser en dormant avec le "QE2" qu’ils ne souhaitent plus qu’une chose : que rien ne change, ou tout du moins pas dans un avenir prévisible. Ils en sont à ce point convaincus qu’ils font ultra-majoritairement le pari que la Fed ne relèvera pas ses taux avant le premier trimestre 2012, voire le deuxième… Cela tout en étant convaincus à 72% que l’inflation va continuer de progresser en 2011, au-delà du score cible des 2%.
Les prix de la nourriture à leurs plus hauts historiques… le gallon d’essence à 3 $ contre 2,5 $ début 2010… les produits importés en hausse de 4%… l’explosion du coût des loyers (+5%) ou des assurances santé (+10%) ne les impressionnent pas : Ben Bernanke ne bougera pas !
Il s’en est expliqué : le marché du travail reste atone, la pression sur les salaires demeure à la baisse, donc pas d’inflation à l’horizon.
Il pourrait par ailleurs invoquer la dernière enquête de la NAHB (syndicat national américain des constructeurs de maisons individuelles) dont le baromètre mensuel stagne sur son plancher historique de 16. Parallèlement, l’institut Case-Shiller note une raréfaction rampante du crédit et des anticipations de plus en plus baissières sur la valeur des biens immobiliers.
▪ Les délais de vente et de revente s’allongent (toujours selon l’enquête NAHB publiée hier) et les revenus salariés se contractent, réduisant d’autant les flux d’investissement consacrés aux placements boursiers. Pourtant, Wall Street pulvérise record sur record et affiche une confiance univoque dans la poursuite du mouvement haussier du Nasdaq et du S&P 500.
Un stratège en chef d’une grosse firme d’investissement de la côte ouest réaffirmait — comme tant d’autres avant lui — que les cours ne peuvent que grimper. Cela simplement compte tenu de l’argent directement injecté chaque matin par la Fed dans les caisses des primary dealers, qui s’empressent de lui fourguer leurs créances à risques en l’échange d’argent frais pour acheter à la place des actions, quelle que soit la teneur de l’actualité du jour.
Cela a le mérite d’être clair. C’est une piqûre de rappel pour ceux qui nous lisent et qui s’accrocheraient encore à l’illusion que les cours de bourse reflètent un tant soit peu une quelconque réalité conjoncturelle présente ou à venir : seule compte l’anticipation d’un argent demeurant éternellement gratuit.
▪ Des opérateurs prétendaient avoir acheté des valeurs bancaires dans l’anticipation d’un renforcement du fonds de soutien européen aux pays en difficulté. Les sherpas de l’économie réunis à Bruxelles ont convenu de se hâter lentement (de ne rien faire, pour l’exprimer plus clairement) et de conditionner une éventuelle aide à de sévères mesures d’austérité.
Résultat, les taux longs remontent au plus haut au sein des PIGS, tandis que la "fuite vers la qualité" a fait rechuter le rendement des Bunds de trois points de base.
La hausse des valeurs bancaires dans ces conditions semble relever davantage de la méthode Coué que du constat d’une embellie mesurable sur les marchés obligataires… Cela n’a pas empêché Madrid de s’envoler de 3% après l’adjudication de cinq milliards d’euros de bons du Trésor qui s’est déroulée sans histoire — puisque, comme nous l’avions souligné, la BCE, au besoin, ramasse tout.
De toute façon, il ne sert à rien de s’appesantir sur des éléments concrets, bons ou mauvais. En effet, aucune indication qui fâche n’est prise en compte : l’inflation a fait un bond de 1% en décembre au Royaume-Uni (+3,7% en rythme annuel) mais Londres salue cette excellente nouvelle par une envolée de 1,15%.
A notre humble avis, les trimestriels comptent également pour du beurre s’ils n’étayent pas le consensus haussier. Le géant Citigroup rate de loin le consensus d’un bénéfice de 8 cents par titre (le gain est de très exactement inférieur de moitié à 4 cents) — mais le recul ponctuel du compartiment bancaire n’empêche pas le Dow Jones de rallier les 11 850 points.
Les industrielles se seraient-elles inspirées d’une hausse de l’indice Empire State compilé par la Fed de New York ? Tout dépend de la façon d’interpréter le chiffre paru mardi : il s’établit à +11,9, contre +10,4 en décembre — c’est donc une progression… mais les économistes anticipaient une hausse supérieure à 13 en janvier (oublions vite ce détail).
▪ Tout s’est passé comme si toutes les ombres au tableau avaient été dissipées par avance par la publication du seul baromètre mensuel de confiance des milieux d’affaires allemand, l’indice ZEW. Il a grimpé d’un coup de 4,5 à 15,4 en janvier — il demeure cependant encore très en-deçà de sa moyenne historique de 26,8. La portée universelle de cet indice, dont se réjouissent aussi bien les Grecs que les Japonais ou les Californiens, ne vous aura pas échappé !
Il importe peu que le dollar monte ou baisse, que les taux se détendent ou non, que le pétrole vaille plus de 92 $ ou moins de 88 $ (il remontait hier soir vers le sommet de la fourchette à 91,5 $ le baril)… la seule alternative pour les actions, c’est "le nord", c’est-à-dire la hausse.
Conséquence imparable de ce constat, les places européennes engrangent 1,2% en moyenne. Le CAC 40 a terminé hier au plus haut du jour, mais également depuis neuf mois, sur un gain de 0,95% à 4 012 points.
Il est assez cocasse de constater que l’indice affichait ce même score il y a très exactement un an, jour pour jour, avec un plus haut intraday de 4 019 le 19 janvier 2010… 48 heures plus tard, Paris avait reperdu 4%.
Avec un taux d’optimisme de 77% à 82% selon les sondages, une réédition de ce scénario semble impensable en 2011.
Nous sommes d’accord : avec un taux réel d’inflation voisin de 4% dans les pays développés et de 8% au sein des BRIC, la correction que plus personne n’anticipe (gloire en soit rendue à la Fed) devrait être d’autant plus sévère.