Et entraîne avec lui la valeur de votre argent…
La semaine dernière, à l’occasion de la fête du Travail, nous nous étions demandés pourquoi il n’y a pas de célébration équivalente pour le capitalisme.
Et nous n’avons alors vu personne se demander si la situation des travailleurs s’améliorait ou pas.
Combien gagne le salarié moyen aujourd’hui ? Combien gagnait-il il y a 10, 20… 50 ans ? Est-il vraiment mieux rémunéré ? Et s’il ne l’est pas maintenant – avec les génies de la Fed et de Wall Street pour le soutenir, des politiciens et activistes éclairés pour le guider, et le brillant soleil du capitalisme américain pour l’éclairer – quand ?
Nous avions évoqué les « prix-temps » qui prétendent montrer que le type moyen gagne désormais cinq fois plus d’argent par heure travaillée qu’il le faisait avant 1980.
C’est relativement simple. Vous prenez un panier de matières premières – du blé, du maïs, du minerai de fer – et vous suivez l’évolution de leurs prix par rapport aux salaires.
La conclusion, cependant, n’apaise pas notre trouble. Elle ne rentre pas dans le moule de ce que nous pensons savoir… et de ce que nous pensons voir.
L’heure de gloire du capitalisme
Ajuster une donnée à l’inflation est plus facile à dire qu’à faire, mais, d’après une publication du Pew Research Center datant de 2018, « le salaire moyen réel actuel [c’est-à-dire le salaire en prenant en compte l’inflation] dispose à peu près du même pouvoir d’achat qu’il y a 40 ans ».
Puis, récemment, une nouvelle étude a montré que « les salaires réels n’ont pas augmenté depuis 1965 », aux Etats-Unis. Oh oh. C’est presque 60 ans sans augmentation, durant une période dont nous pensions qu’elle était l’heure de gloire du capitalisme.
Alors, qu’en est-il vraiment ? Est-ce que le travailleur de 40 ans est cinq fois plus riche que son père ? Ou condamné à être plus pauvre ? Ou encore pire ?
L’un des problèmes avec la théorie des « prix-temps » est que c’est de la pure théorie. Ce n’est qu’une idée. En pratique, les gens n’achètent pas des paniers de leur matières premières préférées. Ils paient leur dîner, achètent une maison… une voiture. Alors, combien cela coûte d’acheter ces choses ?
D’après le bureau des statistiques du travail, les prix alimentaires ont augmenté de plus de 3 000% durant les 100 dernières années. Et les salaires ? Le salaire horaire moyen en 1923 était d’environ 40 cents. Aujourd’hui, il est de 11 $, soit environ 2 600% de plus. D’après ces chiffres, le travailleur d’aujourd’hui est plus pauvre. Ce qui lui coûtait une heure de travail lui coûte désormais environ une heure et 10 minutes.
Et son tacot ? Les F-Series de Ford ont fait office de cheval de trait pour le travailleur américain depuis leur introduction en 1948. Un exemplaire tout beau tout neuf était à l’époque vendu pour 1 279 $. Le bureau des statistiques du travail nous indique que, en prenant en compte l’inflation, c’est l’équivalent de 13 836 $ en 2023.
Mais où pouvez-vous acheter un pick-up F-Series pour 14 000 $ aujourd’hui ? Nulle part. D’après les données du site spécialisé Edmunds, le prix de base est désormais supérieur à 47 000 $. En termes d’heures travaillées, il faudra trois fois plus de temps à l’acheteur pour se permettre de se l’offrir.
Temps et argent
En pratique, le travailleur moyen peut seulement se le permettre en s’endettant. Les pick-ups sont rares ; mais, grâce aux génies susnommés, le crédit est abondant. Désormais, le travailleur pourrait très bien ne plus jamais posséder de pick-up. Il ne fait que le louer à Wall Street. Voici un extrait d’un article d’Autoweek datant de 2020 :
« Un pourcentage croissant de pick-ups sont achetés par des personnes qui profitent de crédits allant jusqu’à 84 mois ; des avantages comme le report de paiement ou des taux nuls, prévus pour empêcher l’effondrement complet des ventes, semblent fonctionner alors même que le chômage explose. Dans le même temps, les mensualités et montants empruntés pour de nouveaux achats de véhicules augmentent. »
Les théoriciens des « prix-temps » diraient que « oui… mais c’est un meilleur pick-up ». Et c’est bien le cas. La technologie progresse. Les pièces s’améliorent. Certaines options deviennent des nécessités. Mais cela reste un pick-up. Et les mêmes avancées technologiques qui en font une meilleure voiture, logiquement, devraient avoir permis de la construire pour moins cher.
Sauf qu’en réalité, c’est plus cher. En temps comme en argent.
Regardons maintenant du côté de l’immobilier. Là, l’image est moins brouillée par les améliorations technologiques. Aujourd’hui, vous pouvez aussi bien acheter une maison construite en 1923 qu’une autre qui a été bâtie en 2023.
Il y a 100 ans, une maison moyenne aux Etats-Unis vous aurait coûté 3 200 $, d’après US News. Statista indique que le prix moyen d’une maison est aujourd’hui de 392 000 $. Mais qu’en est-il de la maison construite en 1923, équipée de certains des progrès technologiques qui ont marqué ce siècle ? Le progrès a fait son œuvre. Les salaires ont avancé. La maison est restée peu ou prou la même. Elle devrait coûter bien moins cher, non ?
L’ultime garant
De nouveau matériaux de constructions et de nouveaux outils – les canalisations en PVC, les pistolets à clous, les fausses boiseries – auraient dû rendre les maisons moins chères à construire également. Mais, dans les deux secteurs – l’ancien et le neuf –, tout est plus cher.
Nous sommes allés voir ça de plus près. Nous nous sommes rendus sur un site d’annonces présentant « de vieilles demeures à vendre ». Nous avons regardé plus précisément celles dans le Maryland, un Etat que nous connaissons plutôt bien. Nous avons éliminé tous les manoirs historiques et autres exemples aberrants. Puis nous avons fait l’addition des maisons disponibles… divisé par le nombre qui sont en vente pour trouver une moyenne, et nous avons obtenu 571 000 $. Mmmh… C’est plus cher, pas moins.
Les vieilles maisons sont censées être généralement moins chères. Elles ne sont plus à la mode. Et elles ont souvent un tas de problèmes à régler. Un chauffe-eau défaillant. Une charpente pourrissante. De mauvais câbles. Peu importe. Mais, avec quelques mises à jour – de nouveaux comptoirs en granit, des cuisine et salle de bain refaites à neuf, un nouveau coup de peinture – nous pouvons supposer que le prix d’une vieille maison est similaire au prix d’une maison neuve. Mais où se situe leur prix par rapport à une maison achetée il y a 100 ans ?
A 40 cents de l’heure, il aurait fallu 8 000 heures de travail pour acquérir la maison moyenne de 1923. Celle de 2023 – en supposant qu’elle coûte 390 000 $, rénovations comprises – coûtera 35 000 heures de travail, soit près de cinq fois plus.
D’après ces chiffres, le travail n’avait pas de raison de faire la fête – ni cette année… ni les années qui ont suivi 1923. Les salaires réels n’ont même pas commencé à suivre les coûts réels.
Quel genre d’économie force une couronne d’inflation sur la tête du travailleur… et le crucifie sur une croix d’inepties ? Quel genre de gouvernement le laisse plus pauvre… année après année… tout en accumulant 33 000 Mds$ avec son nom comme garant ?
Il doit manquer quelque chose au tableau. Mais quoi ?
3 commentaires
L’abomination bancaire qui marionnetise les banques centrales et la corruption étatique.
Ce dérapage de la relation salaire/produit fabriqué tient aussi en partie à la productivité des hommes dont le bénéfice revient pour la plus grande partie aux apporteurs financiers. La cause sociale a toujours un temps de retard et l’effet cumulatif dans le temps nous amène au constat actuel
Ce dérapage salaire-prix est patent dans l’immobilier des métropoles. Quand on constate l’accessibilité économique des longères traditionnelles situées dans les zones à la fois les plus agréables et les moins peuplées du territoire français, on peut considérer que l’économie sur le prix du m2 pour une demeure présentant tout ce qui fait un bien de luxe au centre d’une métropole (murs en pierre, grandes surfaces,vue dégagée, calme, verdure, espaces privatifs , usage facile des automobiles) justifie facilement les difficultés de recours à un artisanat local qui s’est raréfié suite à l’exode rural et les priorités imposées par l’éducation nationale. La condition la plus discriminante est bien sûr de trouver une source de revenu située sur place, mais je constate que les manuels n’ont pas de difficultés à travailler pour les néo-ruraux qui s’installent, et ces néo ruraux ont soit recours au télé-travail, soit se sont ménagés une rente suffisante par leur travail passé, soit implantent ou trouvent une activité sur place . En conséquence, il me parait réaliste de s’attendre à un exode rural à l’envers même si il se ferait à pas de souris. La baisse éventuelle de la redistribution sociale sera sans doute mieux vécue là où les services publics sont plus clairsemés que dans des métropoles où ils sont plutôt à risque de se dégrader, faute des ressources notamment financières, énergétiques et hydriques pour les maintenir. D’autre part à force d’accumuler des infrastructures de plus en plus complexes et enchevêtrées, il faut multiplier les emplois et les intrants pour les gérer et tout cela a un coût qui n’est pas compensé par une production exportable, à part peut-être le tourisme. mais le tourisme de masse a aussi un coût par les infrastructures qu’il multiplie aux quatre coins de la planête qui sont en compétition les unes avec les autres et qui deviennent des poids morts obsolètes lorsque les destinations changent : les jeux olympiques sont une caricature répétée de ces dépenses massives d’argent public qui finissent dans les bénéfices des entreprises privées et la corruption massive des instances supranationales, tout en laissant les territoires gérer pour longtemps des tas de béton . Un retraité, dont le revenu figure dans la dette publique de son pays, a tout intérêt à diversifier son patrimoine ailleurs que dans les prêts à l’état qui y prospère encore., notamment grâce à l’indulgence de ses créanciers, jusqu’à ce que l’exode des vrais prêteurs soit remplacé par l’intervention exponentielle de la planche à QE d’abord puis à « PQ » enfin.