Les moyens de paiement sont en pleine révolution. La Chine, laboratoire de la disparition des espèces, s’oriente vers les applications sur mobile.
Certaines fintechs sont parvenues à faire fondre les commissions sur les transferts d’argent interdevises tout en restant rentables. Certaines banques ripostent en développant des solutions à la pointe du paiement sans contact.
Sur mobile, la techno-dictature chinoise mène la marche
Au-delà des cartes bancaires avec puce NFC, bagues et autres montres connectées, c’est surtout par le biais du paiement mobile que se déroule le véritable exode vers les solutions de paiement sans contact.
La Chine a dans ce domaine un temps d’avance sur l’Occident. Avec son président à vie, son système de notation des citoyens pour mieux contrôler leur accès aux crédits, désormais étendu à leurs déplacements en train ou en avion, l’Empire du Milieu prend chaque jour un peu plus l’allure d’une techno-dictature.
Pas étonnant donc que le pouvoir politique n’oppose aucune objection à ce que ses 772 millions d’internautes utilisent les solutions de paiement mobile des géants du web locaux, Tencent (WeChat) et Alibaba (AliPay). Quoi de mieux en effet que le développement d’une société sans cash pour garder un parfait contrôle sur sa population ?
Et en Europe ?
Face à de tels développements, notre secteur bancaire semble quelque peu en retard, comme le relève Laurent Alexandre…
Les solutions du type Apple Pay ne se répandent que bien plus lentement. Le Crédit Mutuel Arkéa a annoncé au mois de décembre être compatible avec la solution de paiement mobile d’Apple. Fortuneo et Boursorama l’ont suivie au mois de mars. Au total, seulement une dizaine d’établissements propose Apple Pay en France.
Pour Google Pay, il faudra attendre le troisième trimestre 2018 pour que le service soit introduit sur le territoire français par le groupe BPCE, à en croire Les Echos.
Au mois de février, la fintech Lydia (dont je vous ai déjà parlé) a levé la bagatelle de 13 M€. Comment cette application mobile qui permet notamment de régler ses dépenses et de solder ses dettes entre particuliers (gratuitement) et de particulier à (certains) professionnels (moyennant une commission de 0,7% à 1,5%) a-t-elle prévu d’utiliser cette somme ? La start-up parisienne déclare vouloir poursuivre son assaut du marché européen. Objectif : passer de un million à deux millions d’utilisateurs en 2018.
Ces fonds devraient également servir à développer de nouvelles fonctionnalités encore confidentielles, hormis un IBAN universel prévu pour l’été. Celles-ci viendront étoffer l’offre de l' »application métabancaire » qui intègre désormais une « MasterCard universelle reliée à tous vos comptes » et une carte virtuelle pouvant être intégrée à Apple Pay. L’application est disponible en version gratuite et en version payante, pour 2,99 € par mois.
Sans aucun salarié dédié au marketing, cette fintech mise sur le bouche à oreille pour concurrencer Paypal, une marque perçue comme (si vous avez plus de 30 ans, accrochez-vous)… ringarde par les millenials !
Pumpkin, sa principale concurrente française, pourrait bientôt se voir injecter 15 M€ par le Crédit Mutuel Arkéa qui l’a rachetée à 80%. Selon La Tribune :
« L’autre concurrence pourrait bien venir des banques elles-mêmes. BNP Paribas va proposer le paiement entre amis par SMS dans son appli ‘avant l’été’ alors qu’il existait dans une application à part, peu utilisée, Mes Transferts. »
Tout cela en attendant l’arrivée du paiement instantané dans les banques de la Zone euro à partir de novembre prochain.
Les pionniers du paiement sur internet investissent dans les services d’épargne
C’est PayPal qui a commencé. Alors que banques et néobanques développent des solutions de paiement instantané, le leader mondial des services de paiement en ligne fait le chemin inverse !
Au mois de décembre, PayPal a investi plusieurs dizaines de millions d’euros dans la plateforme d’épargne en ligne berlinoise Raisin, qui collabore déjà avec N26 (malheureusement, N26 Savings, le compte à terme qui permet de voir ses dépôts rémunérés jusqu’à 1,64%, n’est pas encore accessible aux clients français). PayPal aurait-elle prévu de diversifier son offre ? Ca serait de bonne guerre !
La rente des données, ce pétrole du XXIe siècle…
Une épreuve de lobbying a opposé fintechs et banques traditionnelles au sujet du web scraping, ce procédé informatique qui permet de récolter toutes les données bancaires d’un client sur accord de ce dernier. Grâce au redoutable lobbying qu’elles ont mené dans le cadre de la directive DSP2, les banques pourraient voir ce cauchemar prendre fin en septembre 2019.
Cependant, les banquiers n’ont pas fini de passer de sales nuits. Car comme le relève le consultant Nicolas Bouzou, ceux qui maîtrisent la data, ceux qui savent tout de vous, ce ne sont pas les banquiers : ce sont les GAFA !
« Là, on a le big data, c’est-à-dire que ce n’est plus la peine de poser des questions qui n’ont pas de sens à des gens qui mentent ! », commente le fondateur du cabinet Asterès.
Or les GAFA ont déjà débarqué sur le marché. Le pionnier est Amazon, la firme de l’homme le plus riche du monde !
Bien sûr, il existe une alternative à un monde dans lequel les moyens de paiements seraient centralisés aux mains de quelques mastodontes…
Bitcoin et altcoins : vers une plus large adoption grâce à une régulation progressive ?
Les cryptomonnaies vivent un début d’année difficile. L’une des raisons qui permettent d’expliquer la correction en cours est la crainte suscitée par les perspectives de régulations, lesquelles pourraient en fonction des Etats être drastiques comme elles pourraient au contraire se révéler très souples.
Cette régulation est une étape inévitable du processus de développement des cryptomonnaies. Plus les Etats du monde seront clairs sur la politique qu’ils comptent mener vis-à-vis des cryptos, plus les utilisateurs sauront s’ils peuvent à nouveau se fier aux cryptomonnaies ou non.
D’aucuns estiment que le bitcoin pourrait avoir tous les atouts nécessaires pour réussir là où PayPal a échoué : devenir une nouvelle monnaie mondiale, comme le prévoyait le projet originel de la firme américaine, plutôt qu' »un ‘simple’ service de paiement pour eBay », comme le précise le site crypto-france.com. Peter Thiel lui-même n’a-t-il d’ailleurs pas déclaré au mois de mars que le bitcoin constitue « une protection contre un monde qui pourrait s’effondrer » ?
Le G20 a donné un signal positif. Mark Carney, le président du Financial Stability Board, a en effet déclaré le 18 mars que les « crypto-actifs ne constituent pour le moment pas un risque pour la stabilité du système financier ». Cela pourrait changer « si les crypto-actifs devenaient significativement plus utilisées ou interconnectées avec le coeur du système financier régulé. » Mais pour l’heure, le FSB n’appelle pas à une régulation drastique des cryptos.
[NDLR : Les cryptomonnaies sont un actif anti-système qui pourrait se révéler très précieux lors de la prochaine crise… mais n’en achetez pas avant d’avoir lu ceci.]
En France, Bruno Le Maire semble avoir adopté une nouvelle attitude (notez que j’évite soigneusement de parler d' »opinion » et a fortiori de « conviction ») vis-à-vis des cryptomonnaies. Dans une tribune publiée le 20 mars sur Numerama, le ministre de l’Economie et des Finances a en effet déclaré « sur les crypto-actifs également, nous entendons bien rester à la pointe ! »
Notre ministre cesserait-il de louvoyer pour s’en tenir à cette sage position ?