Présentés comme un levier de négociation ou de souveraineté, les tarifs douaniers fonctionnent en réalité comme une taxe à la consommation déguisée, nuisible à la croissance et payée par les ménages américains.
Nous nous sommes sans doute trompés au sujet des droits de douane.
Oui, bien sûr, ils ont toujours été une mauvaise idée… et ils le sont encore. Tout ce qui entrave notre capacité à commercer librement nous appauvrit, réduit notre liberté de choix et nuit à la qualité des biens et services disponibles.
Lorsque la « bombe tarifaire réciproque » lancée par l’administration a explosé en plein vol en avril, nous pensions que les droits de douane allaient discrètement disparaître, comme un invité qui vient de se ridiculiser lors d’une fête.
C’est à peu près ce qui s’était passé avec le Canada sous le premier mandat de Donald Trump : l’administration dénonçait un commerce « déloyal », a déchiré l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), puis – après de longues négociations – a conclu un accord quasiment identique. Le commerce a repris comme si de rien n’était.
Nous pensions que les négociations avec les autres pays se dérouleraient de la même manière. Mais non. Même avant les hausses du 1er août, les droits de douane ont atteint leur plus haut niveau depuis 70 ans, et ils continuent d’augmenter. USA Today rapporte :
« Trump a annoncé que les Etats-Unis allaient imposer un droit de douane de 15 % sur les importations japonaises, dans le cadre d’un accord qu’il a qualifié de ‘deal énorme’, sur Truth Social le 22 juillet. Il avait auparavant menacé d’un tarif de 24 % dès le 1er août, date à laquelle une nouvelle salve de droits de douane doit s’appliquer à une large partie du monde. »
Bloomberg :
« Les bénéfices de GM chutent : les droits de douane de Trump ont ajouté 1,1 milliard de dollars de coûts. »
Bloomberg à nouveau :
« Ce sont les entreprises et les consommateurs américains, et non les entreprises étrangères, qui paient les droits de douane de Trump. »
Money Talks News :
« Une étude prévoit que les droits de douane imposés par Trump coûteront 2 400 dollars par an aux familles.
Des chercheurs de Yale estiment que la stratégie tarifaire globale de Trump augmentera les dépenses des ménages américains de 2 400 dollars cette année, en raison de hausses de prix touchant tous les secteurs, de l’habillement à l’électronique. »
Et ce n’est pas tout. Trump menace désormais d’appliquer un tarif de 35 % au Canada et d’augmenter le taux « universel » de base de 10 % à 15 %, voire 20 %.
La semaine dernière, nous avons vu à quel point les droits de douane pouvaient être utilisés de façon absurde ou contre-productive : pour servir des objectifs de politique étrangère, influencer la politique intérieure d’autres pays, accroître les profits des cartels de la drogue, ou encore récompenser les grands donateurs politiques… ou pour semer le chaos dans l’économie.
Ils peuvent également être utilisés pour enrichir ceux qui les imposent. Money Talks News rapporte :
« Une enquête de ProPublica révèle qu’une douzaine de fonctionnaires ont effectué des transactions avant la chute des cours provoquée par les droits de douane
Une enquête de ProPublica révèle qu’une douzaine de fonctionnaires ont vendu leurs actions juste avant que les annonces tarifaires de Trump ne fassent chuter les marchés. Ces transactions opportunes soulèvent des questions sur l’éthique au sein du gouvernement et sur la transparence des marchés. »
En théorie, les taxes sur la consommation ne sont pas les plus néfastes. Elles freinent la consommation, laissant le capital des épargnants s’accumuler, et contribuent à limiter la dette fédérale en augmentant les recettes fiscales.
Mais elles n’en demeurent pas moins des taxes particulièrement insidieuses.
L’impôt, en démocratie, est censé être équitable. On ne devrait pas taxer davantage un républicain qu’un démocrate, un plombier qu’un charpentier. Pourtant, depuis des décennies, niches fiscales et crédits d’impôt sont utilisés pour récompenser certains, punir d’autres, et canaliser l’argent public vers les priorités politiques du moment.
Vous voulez promouvoir les voitures électriques ? Offrez un crédit d’impôt. Vous voulez décourager le tabagisme ? Taxez les cigarettes.
Au moins, dans ce cas, le Congrès – représentant du peuple – a son mot à dire. Ce n’est pas le cas avec les droits de douane. Le président des Etats-Unis peut les imposer unilatéralement, en visant des pays, des secteurs, des régions, voire des produits ou des entreprises spécifiques, comme le faisaient jadis les lois d’exception que la Constitution entendait précisément éviter.
NakedCapitalism rapporte :
« Washington vient d’imposer un droit de douane de 17 % sur les importations de tomates – qui proviennent presque toutes du Mexique. Une décision prise quelques jours seulement après l’annonce, par Trump, de nouveaux droits de 30 % sur de nombreux produits mexicains non couverts par l’accord USMCA. »
Ni les démocrates ni les républicains ne semblent vouloir renoncer à ce pouvoir arbitraire. Les droits de douane pourraient donc devenir un élément permanent des finances américaines en fin de cycle impérial : une taxe à la consommation déguisée, qui donne au gouvernement plus d’argent à distribuer, plus d’occasions de corruption… et un levier supplémentaire pour frapper quiconque lui barre la route.
Les Européens paient déjà des taxes à la consommation allant jusqu’à 27 % (en Hongrie). Et la vie continue.
Alors si l’équipe Trump finit par imposer une taxe douanière moyenne de 10 %, cela ne sera pas la fin du monde.
Mais quel que soit le gain fiscal espéré – 300 milliards de dollars cette année –, il sera probablement compensé par un ralentissement de la croissance et une baisse des recettes ailleurs.
Et avec le temps, entravée par les droits de douane, l’économie américaine deviendra moins compétitive.
1 commentaire
Les droits de douane seraient « la fin d’un cycle impérial ». Tout à fait exact. Encore faut-il rappeler que le déclin économique et social des USA et de l’Occident en général se dessine depuis plus de trente ans et ne doit rien à Trump qui est au pouvoir depuis 6 mois. Droits de douane ou pas, la Mondialisation a rattrapé l’Occident et sanctionné ses prétentions Mondialistes.