▪ Imaginez un pauvre soldat de l’infanterie allemande en 1943. Provenant d’une bonne famille de Hambourg, enrôlé dans la Wehrmacht hitlérienne et envoyé sur le front de l’est. Frigorifié, malheureux, affamé la plupart du temps, traqué par les « terroristes » dans les bois… tandis que des millions de soldats soviétiques — y compris les redoutables troupes sibériennes — étaient déterminés à le tuer.
Il semblait si fier dans son nouvel uniforme, quand il est parti. On lui a dit qu’il défendait la chrétienté contre les bolcheviques assoiffés de sang. Il y croyait. Il faisait confiance au Führer et au Reich. Qui n’y croyait pas ?
Et voilà que des doutes commençaient à s’insinuer dans son esprit.
Il avait vu des civils fusillés par ses propres troupes. Il avait aidé à envoyer des prisonniers russes et polonais vers les camps, où… d’après les rumeurs… peu d’entre eux survivaient. Certains de ses camarades parlaient ouvertement d' »exterminer » les juifs. Ils parlaient d’eux comme étant des « sous-hommes », comme s’ils n’avaient pas le droit de vivre.
Pour empirer les choses, il battait désormais en retraite.
Assis dans sa tranchée, il s’est peut-être tourné vers son ami…
« Ludwig… k’en penses-tu ? Zommes-nous les méjants ? »
Et s’il n’a pas posé cette question… il aurait dû le faire.
▪ Qui sont les méchants aujourd’hui ?
Les Iraniens ? Les Russes ? ISIS ? Les Syriens ? Les Kurdes, les sunnites, les chiites ?
Nous lisons les journaux. Mais nous n’arrivons pas à suivre — pas plus que le gouvernement. La semaine dernière, par exemple, Bherlin Gildon, un Suédois que le gouvernement britannique avait accusé de favoriser le terrorisme, a été libéré. Il avait été arrêté en octobre dernier, au motif qu’il avait rejoint un groupe terroriste syrien et qu’il aidait à leur fournir des armes. Un méchant, à coup sûr !
Oups : les accusations ont été annulées lorsqu’on a appris que le groupe rebelle en question était soutenu… par le gouvernement britannique.
En quelques minutes, Gildon s’est transformé — de terroriste en combattant pour la liberté.
Ceci dit, c’est ainsi que les choses se passent au Proche-Orient depuis longtemps. Le bien et le mal semblent ne pas réussir à se décider. Un homme est un pécheur. Puis il est un saint. Il n’est pas racheté par la foi, mais par la curieuse politique des empêcheurs de tourner en rond.
Oussama ben Laden était un gentil — soutenu par les Etats-Unis, lorsqu’il tentait de bouter les Russes hors d’Afghanistan. Puis il est devenu le pire d’entre les pires lorsqu’il s’est retourné contre les Etats-Unis. Saddam Hussein aussi était un allié de la CIA… pratiquement installé au pouvoir par les Américains. Plus tard, les Etats-Unis lui ont donné des milliards pour l’aider à lutter contre l’Iran. Quelque chose doit avoir mal tourné dans leur relation : plus tard, les Américains l’ont abattu.
Bien entendu, la CIA a laissé des traces dans tout le Moyen-Orient — causant confusion et chaos partout ou presque. Un tripatouillage mène à un autre. Les Etats-Unis soutenaient les rebelles contre le gouvernement syrien — sauf qu’il s’agissait souvent de ceux-là mêmes qui faisaient partie d’ISIS, censé personnifier Satan. Que faut-il en penser ? De quel côté être ? Qui sont les bons ?
Les professionnels de la défense — le FBI, la CIA, la NSA et toutes les autres agences zombies — étaient censés être les bons. Ils étaient censés nous délivrer du mal. Mais après tant de de récits de torture, d’espionnage, de mensonges, d’assassinats, de meurtres, Guantanamo, Abou Ghraib, les viols, les drones et tout le reste — nous commençons à nous poser des questions.
A suivre, tandis que nous continuons notre série Le bon, la brute et le truand…