▪ Les marchés ont renoué de façon assez brutale avec une réalité que nous n’avions jamais perdue de vue depuis le 25 novembre dernier. Nous n’allons pas refaire l’inventaire des difficultés du moment, mais simplement savourer la confirmation de la propension des investisseurs à se réfugier mentalement dans de véritables paradis artificiels, avec ou sans le concours de certaines substances qui altèrent temporairement la perception du réel.
Cela fait bien longtemps que les vapeurs d’opium se sont dissipées sur les deux principales places chinoises. Les Bourses de Shanghai et de Shenzhen ont enfoncé de nouveaux planchers annuels, ce qui confirme les signaux de rupture à la baisse du tout début de la semaine. C’est une sérieuse alerte pour les détenteurs d’actions, d’où qu’ils opèrent sur la planète.
▪ Mais le principal facteur d’inquiétude (et de déstabilisation) des bourses du Vieux Continent demeure la vulnérabilité de l’euro. En effet, ce dernier chute de plus de 3,5% depuis lundi matin — avec une culmination sous les 1,34550 $.
Sans avoir esquissé la moindre amorce de rebond en 48 heures, l’euro s’est enfoncé mercredi matin sous les 1,30 $. Quelques heures plus tard, il inscrivait un plus bas de 1,2945 $, son plus faible niveau depuis janvier dernier.
Une véritable onde de défiance vis-à-vis des actifs libellés en euro a déferlé mercredi après-midi faisant une victime privilégiée : le CAC 40. L’indice parisien a dévissé de 3,33% (-100 points en ligne droite), plombé par une chute de 7,4% de BNP Paribas et 8% de la Société Générale.
Cette séance s’avère la plus mauvaise depuis le 8 décembre dernier ; elle a achevé d’effacer l’intégralité des gains engrangés depuis le 29 novembre dernier (moment de l’injection de dollars par la Fed).
▪ Une fois analysées les avancées du sommet de Bruxelles, les investisseurs ont vite réalisé qu’ils n’ont rien de concret à quoi se raccrocher pour anticiper une sortie de crise. Il aura d’ailleurs fallu moins d’une semaine pour qu’Angela Merkel affirme qu’il n’est pas question de « gonfler le moteur » devenu bien poussif du FESF ou du MES.
Cerise sur le gâteau, le Bundestag exige de garder le contrôle de toute initiative concernant d’éventuels prêts de la BCE en faveur du FMI.
Les marchés espéraient que des engagements à plus de rigueur de la part des pays européens conduisent la BCE à dégainer le « bazooka » (grande expression à la mode s’agissant d’une intervention musclée pour dissuader la spéculation)… Ils ont vite réalisé que l’Allemagne ne l’autorisait qu’à brandir un pistolet à bouchon.
Alors c’est bien le sommet de Bruxelles qui fait « plop », et l’euro avec ! Typiquement le genre de petit bruit ridicule auquel on s’attend de la part d’une arme de pacotille.
Les marchés ont vite cessé de croire que l’Allemagne avait retenu la leçon des attaques qui ont visé l’euro à plusieurs reprises depuis deux ans. Ils sont bien conscients que faute d’initiatives concrètes pour protéger les emprunteurs les plus fragiles, les agences de notation ne feront pas de quartier.
Ils redoutent de nouveaux abaissements de notation en cascade dans l’Eurozone — pas seulement des dettes souveraines des Etats mais également de toutes les catégories d’émetteurs institutionnels.
Standard & Poors, Fitch et Moody’s savent pertinemment que les besoins de refinancement des pays européens, mais aussi des banques et des assureurs français, espagnols, italiens vont atteindre un pic historique au cours du premier trimestre 2012.
▪ Le dollar de son côté ne se renforce pas seulement du fait des attaques qui visent spécifiquement l’euro. Il gagne du terrain face à toutes les devises depuis mardi. La Fed a décidé de laisser ses taux directeurs inchangés sans laisser transparaître la moindre intention de mettre en place un nouveau programme de quantitative easing début 2012.
Le regain de vigueur du dollar, qui semble appelé à se poursuivre au moins jusqu’au prochain remaniement des membres votants de la Fed en février prochain, n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour les détenteurs d’or.
Le métal précieux dévissait de 5% mercredi soir, sous la barre des 1 600 $, pour inscrire un plancher de 1 566 $ à la mi-séance.
Il apparaît plus que jamais évident que l’or ne constitue pas une protection contre la baisse de la monnaie unique mais bien contre celle du dollar. La remontée de 4% du billet vert en une semaine provoque une correction deux fois plus importante du cours de l’once d’or, laquelle passe en quatre séances de 1 720 $ à tout juste 1 570 $.
Le signal baissier s’est enclenché avec la cassure des 1 700 $ de l’once d’or. Il s’est confirmé avec une clôture qui s’inscrit 1% en-deçà du plancher du 26 septembre dernier (1 595 $).
Avec la cassure du support ascendant oblique long terme (les chartistes le situent vers 1 560 $ l’once), c’est la tendance haussière dans son ensemble qui serait remise en cause. Cela pour plusieurs mois et même plusieurs trimestres, avec comme principal objectif le retracement de la moyenne mobile à 104 semaines (deux ans) qui gravite vers 1 400 $.
Certaines rumeurs — invérifiables au stade actuel — évoquent des ventes provenant de Chine. Vous n’aurez aucun mal à faire le lien avec le signal baissier majeur évoqué en début de chronique, sachant que Shanghai ne constitue pas seulement un gigantesque casino boursier mais également une nouvelle place forte de la spéculation sur les matières premières… et le métal précieux !
Ajoutez-y un euro qui part en vrille… et vous obtenez à la fois le coupable, le mobile et l’arme du crime !