Cacao, quand tu nous tiens…
Dernièrement, Isabelle Mouilleseaux parlait à ses lecteurs du cours du cacao et de sa vertigineuse grimpée. +70% depuis novembre. Et un record historique atteint il y a quelques jours à 2 184 livres la tonne à Londres.
Ce même jour — le 25 septembre — à Paris, Sylvie Bellanger-Guillaume, négociante en cacao de spécialités et fondatrice de sa propre maison, Silco SA, intervenait lors d’un petit déjeuner organisé par Thomson-Reuters. Son point de vue converge avec celui d’Isabelle sur nombre de points. Retour sur l’un d’entre eux : la Côte-d’Ivoire, la Mecque du cacao.
L’injuste prix du cacao en Côte-d’Ivoire
"L’Afrique de l’Ouest et notamment la Côte-d’Ivoire [40% de l’offre mondiale à elle seule] ‘fait’ le marché, du moins en ce qui concerne les fondamentaux", rappelle Sylvie Bellanger-Guillaume, qui le qualifie de "pays de référence du cacao".
Et justement, ce géant est devenu un sujet de préoccupation pour toute la filière, en raison du déclin, quantitatif et qualitatif, de sa production. La crise politique et militaire, qui a déchiré le pays entre 2002 et 2007, n’explique pas tout. D’ailleurs, déclare Sylvie Bellanger-Guillaume à propos de la Côte-d’Ivoire, "le cacao a beaucoup monté ces derniers mois sur les marchés internationaux, mais le planteur n’en bénéficie pas".
Le rendement ivoirien quatre fois plus faible que l’indonésien
D’une manière générale, le prix du cacao ne parvient qu’imparfaitement au planteur ivoirien. Selon les derniers chiffres (2002) de l’International Cocoa Organization (ICCO), c’est en Côte-d’Ivoire et au Ghana, les deux premiers producteurs de cacao au monde, que la proportion du prix de marché qui arrive jusqu’à la poche du planteur est la plus faible. Respectivement 57% et 52%, contre 85% pour le numéro trois mondial, l’Indonésie, et 99% au Brésil.
Notons au passage que le rendement est de l’ordre de 300 kilos/hectare en Côte-d’Ivoire, soit quatre fois moins qu’en Indonésie.
Les dieux sont tombés sur la tête !
De par ses origines pré-colombiennes, la dénomination botanique du cacao est theobroma (en grec, "la boisson des dieux"). Si dieu du cacao il y a, ses voies sont impénétrables. "En Côte-d’Ivoire, la fiscalité sur le cacao est à ce point lourde que les droits de douane et les reversements aux organismes para-étatiques coûtent parfois plus chers que la fève elle-même !", précise la négociante. De quoi décourager les exportateurs locaux et par voie de conséquence les planteurs, même si les autorités s’efforcent de corriger le tir.
Après les taxes, le planteur est maintenant confronté à d’énormes industriels, les "presseurs" qui transforment la fève dans leurs usines — parfois implantées sur place — et fournissent les chocolatiers comme Nestlé, Mars ou Hershey. Les plus gros de ces "gros" : le groupe suisse Barry-Callebaut, et les négociants-transformateurs américains Cargill et Archer Daniels Midland (ADM).
Nous verrons la suite dès demain.