Les marchés réagissent avec agilité face aux signes d’inflation, tandis que des stratégies complexes émergent pour minimiser ses effets perçus.
Le spectre du retour de l’inflation aux Etats-Unis n’aura pas fait grimper le stress à Wall Street plus de 24h ! Et que dire des places européennes qui s’empressent de pulvériser leurs records à peine 36 heures plus tard (CAC 40 à 7 750 points, Euro-Stoxx50 à 4 750 points) ?
Le VIX, lui, replonge littéralement (-12% sous les 14, après un pic de +13,7% mardi) et retombe en zone de « complaisance ».
Et à peine les indices US se sont-ils, durant une unique séance, écartés des sommets que les acheteurs se jetaient déjà frénétiquement sur les valeurs qui avaient consolidé la veille.
La liste des favorites de mercredi ressemblait d’ailleurs furieusement à celle de février 2023, ou novembre et décembre dernier… puis encore à celle des cinq dernières semaines de hausse à Wall Street (depuis le 8 janvier dernier).
Il s’agit – vous l’aurez sûrement deviné – de la dizaine de champions du secteur des semi-conducteurs.
L’indice de référence, le SOXX, rugit de nouveau avec un gain de +2,3%, qui s’avère deux fois et demi supérieur à la hausse du S&P (+0,95%), lequel a renoué avec les 5 000 points, au centième de point d’indice près.
C’est dire la précision de la programmation algorithmique… et l’aspect édifiant de cette démonstration qui ne doit rien au hasard.
En effet, le retour du S&P 500 au-dessus des 5 000 points est survenu à 48H de la séance des « Trois sorcières », le Nasdaq 100 revient à 1% des 18 000 points testés l’avant-veille.
Voilà pour l’aspect « tactique » de la hausse de Wall Street… mais comme cela commence à donner le vertige, les « faiseurs d’opinion » chargés de rendre les scénarios les plus impensables aussi banals qu’un programme de rachat de titres par Apple depuis dix ans s’empressent de relativiser le CPI moins favorable qu’espéré publié mardi et qui avait déclenché des dégagements bénéficiaires sur les semi-conducteurs (après +20% en ligne droite depuis le 4 janvier).
La hausse de +0,1% des prix en données « core » à 3,9% (hors alimentation et énergie) semble insignifiante, mais Wall Street anticipait 3,7%… et surtout espérait +3,6% en rythme annuel.
C’est cette différence de 0,2% à 0,3% par rapport aux anticipations et une trajectoire obstinément haussière des prix des services qui fâchent et ont occasionné une brusque tension des taux (+18 points sur le « 2 ans » à 4,655% mardi, contre 4% fin décembre 2023).
Les T-Bonds US à 10 ans ont par ailleurs atteint 4,326% mardi soir, leur pire score de clôture depuis le 28 novembre 2023.
C’est une réaction épidermique et manifestement excessive, nous expliquent les « faiseurs d’opinion » dès mardi soir. Ils ont déroulé sur les plateaux des chaînes financières un nouveau narratif qui minore « l’inflation perçue » pour séduire l’énorme contingent de « permabulls » – qui ont adhéré au concept qu’avec l’I.A « cette fois, c’est différent », malgré une envolée de certaines valeurs du secteur qui ringardise les écarts observés fin 1999 puis au début de l’an 2000.
Il y a une partie du narratif anti-inflationniste auquel nous pouvons adhérer : la Chine (qui célèbre sa « golden week ») affiche une contraction globale des prix (c’est donc une déflation à la japonaise qui semble s’installer) et cette baisse va s’exporter vers les Etats-Unis et l’Europe.
La réfutation serait cependant aisée : l’Europe et les Etats-Unis vont instaurer des barrières douanières très sévères pour stopper les importations de véhicules chinois (les tarifs et la qualité sont imbattables pour les constructeurs allemands ou américains) et de textile à bas coût (le prix d’un t-shirt pourrait par exemple doubler en France et passer de 5 € à 10 €… et ce ne sont que des exemples parmi d’autres de mesures hyper-inflationniste car subies au final par le consommateur).
Mais imaginons que la raison l’emporte, que les prochains trimestres soient exempts de guerre des prix, de sanctions douanières… Rien ne garantit que le prix des carburants vont demeurer sages, vu le taux de déplétion des réserves des pays OPEP (2% à 5% par an) qui ne connaît aucun signe de ralentissement, bien au contraire.
Ajoutons à cela le risque géopolitique qui semble, en effet, préoccuper plus sérieusement la Fed que Wall Street.
Mais le prix des carburants est justement exclu du calcul du « CPI core », ainsi que les prix alimentaires (et ceux-là progressent encore à un rythme de 5,1% sur les douze derniers mois) et les « faiseurs d’opinion » viennent d’avoir une nouvelle idée qui frise le génie : le prix des loyers, et plus généralement le coût du logement avec les mensualités de crédit qui flambent, devraient eux aussi être exclus de l’indice « core » parce qu’ils sont à leur tour devenus trop « volatils ».
Et devinez pourquoi ils le sont davantage en 2024 qu’en 2023 ou en 2022 ?
A cause des flux de migrants ! Et on parle de 2,5 à 2,8 millions au cours des douze derniers mois (le rythme est passé de 50 000 personnes par semaine au 1er semestre 2023 à plus de 60 000 individus en fin d’année)… contre 835 000 migrants « installés » (avec permis de séjour longs) pour l’ensemble de l’année 2021. Il s’agit d’un triplement du nombre de personnes à loger, mais dans l’intervalle, très peu de maisons ou habitats collectifs ont été construits (flambée des taux oblige) dans les principaux Etats qui les accueillent (Californie, Texas, Nouveau-Mexique, Floride). Cela fait exploser les prix des loyers dans les Etats frontaliers du Mexique.
Comme la décision d’accueillir en masse des migrants est politique, et que cela perturbe le fonctionnement normal du secteur immobilier (rendu hyper volatil), il faudrait donc exclure le logement de l’indice « Core » qui deviendrait alors « hyper-Core »… mais c’est déjà celui-là que regardent les optimistes qui veulent croire que l’inflation « réelle » (par opposition au côté artificiel des prix liés à l’immigration) est définitivement vaincue par la Fed.
Et ce qui est épatant dans ce concept de l’indice « hyper-core », c’est que chaque fois qu’une composante dérive à la hausse, et hop, on trouve une bonne justification pour l’exclure… et ainsi, il ne subsistera que les éléments les plus stables qui tirent le « CPI » vers l’objectif des 2% d’inflation.
Cela vous paraît grotesque ?
Détrompez-vous, cela fait 30 ans que le CPI est « bidouillé », avec une sous-pondération des composantes volatiles et une surpondération des composantes déflationnistes (ordinateurs, smartphones, nourriture livrée à domicile, etc.).
Et cela fait 30 ans que cette falsification de la réalité économique passe comme une lettre à la poste, pour le plus grand profit des marchés… c’est pourquoi il ne sera jamais question de « rectifier ».