Avec le report probable de toute hausse de taux directeur, les rachat d’actions ont encore de beaux jours devant eux en 2016… Disons au moins jusqu’à mi-décembre ; c’est du 50/50, car le prochain mouvement de taux pourrait ne pas survenir avant l’investiture du nouveau — ou de la nouvelle — président(e) des Etats-Unis et se situer ainsi début février 2017.
Vous avez peut-être lu une étude d’HSBC selon laquelle les entreprises américaines ont racheté pour 2 100 milliards de dollars de leurs propres actions.
En jetant ce chiffre sur nos écrans, HSBC omet de préciser que plus d’un tiers de ces rachats s’est déroulé au cours de la seule année 2015. La courbe prend un aspect exponentiel à partir de 2013 et tend désormais « vers l’infini et au-delà ».
Les entreprises accumulent de la dette pour faire disparaître des centaines de millions de titres |
HSBC souligne à juste titre que cette somme n’a servi ni à la formation des employés, ni à la construction de nouvelles usines, ni au remboursement des emprunts — au contraire, les entreprises accumulent de la dette pour faire disparaître des centaines de millions de titres. Et une partie seulement des « trésors de guerre » de certains champions de la profitabilité est restituée aux actionnaires sous forme de dividende.
L’essentiel de cet argent est parqué dans des paradis fiscaux et serait lourdement taxé s’il était rapatrié aux Etats-Unis.
Une des astuces consiste à « emprunter » l’argent nécessaire au versement d’un dividende auprès des filiales offshore gorgées de cash… mais le procédé reste très limite.
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C’est pourquoi plusieurs sociétés de premier plan ont cherché à délocaliser — fiscalement — leur siège social américain dans un pays où les profits ne sont que faiblement taxés ; l’Irlande fait comme vous le savez partie des destinations de prédilection.
Même Carl Icahn, qui fut longtemps l’un des plus virulents partisans du « retour de valeur à l’actionnaire », est maintenant d’avis qu’il y a « trop de rachats d’actions, et pas assez d’effort de consolidation des bilans ».
Et il ajoute : « comme les dirigeants sont payés en actions, ils sont tentés d’appliquer des stratégies visant à faire monter le cours des actions sans augmenter la valeur intrinsèque de l’entreprise ». Bien au contraire : les rachats de titres — sauf exceptions remarquables comme Apple, Google, Merck ou Exxon — accroissent le volume de l’endettement sans générer les cash flows permettant d’en assurer le remboursement.
Le champion toutes catégories des rachats au sein du Dow Jones reste IBM qui use et abuse du procédé jusqu’à la caricature, avec 4,5 milliards de dollars de rachats en 2015.
IBM a fait disparaître 20% du flottant sur cinq ans mais n’a réussi à augmenter le bénéfice par titre que de 15%. En ce qui concerne la hausse réelle du bénéfice découlant de l’activité commerciale, elle n’est que de 11%.
Les cours ne suivent plus
Même avec des taux zéro et des effets d’annonce soigneusement distillés, le bilan pour les actionnaires s’avère de moins en moins favorable. Certes, le rendement des titres en portefeuille se maintient ou progresse… mais les cours ne suivent plus.
Le panel des entreprises ayant le plus « épongé » leur flottant affichait une performance boursière de -2% en 2015, dividende inclus… contre pratiquement +10% pour celles qui ont maintenu leurs dividendes sans rien racheter. Sur trois ans, la performance globale tourne autour de -3%, malgré plus de 1 500 milliards de dollars — soit l’équivalent de deux années complètes de quantitative easing, quand la Fed injectait des liquidités à pleine rotatives.
Elle a cessé d’alimenter la turbine monétaire il y a deux ans. Pourtant, les rachats d’actions s’accélèrent depuis lors… il n’y aurait donc pas de lien !
Il y en a pourtant un et pas des moindres : peu importe la provenance et la couleur des billets, ce qui compte c’est l’abondance à l’échelon planétaire.
Quand de l’argent surgit à Francfort ou à Tokyo par le jeu des échanges financiers transatlantiques (beaucoup d’émissions en euro sont absorbées par des firmes basées à Londres et à New York), il ne faut que quelques minutes pour que les nouvelles liquidités irriguent la planète finance dans son intégralité.
20 milliards d’euros de plus chaque mois ne suffisent plus à maintenir l’ensemble des places boursières à flot |
Cependant, même 20 milliards d’euros de plus chaque mois ne suffisent plus à maintenir l’ensemble des places boursières à flot. Comme il n’y en a pas assez pour tout le monde, les gérants américains ont pour priorité de soutenir leur propre marché domestique.
Ils liquident donc sans état d’âme des positions sur les places asiatiques et en Europe afin de maintenir le « totem absolu » du S&P 500 à la verticale… même lorsque des vents contraires soufflent sur la croissance mondiale.
Le problème c’est qu’il y a de moins en moins de contrepartie acheteuse, comme le démontre l’évanouissement lent mais irréversible des volumes depuis trois mois. Si bien que même sans pratiquer des ventes massives, cela débouche sur des écarts de -9% à -10% sur le CAC 40 et l’EuroStoxx 500.
Le CAC 40 vient symétriquement d’effacer en une demi-séance la moitié des pertes subies au cours des 14 précédentes avec seulement 15% des volumes traités durant la phase corrective.
A quand le retour du fixing qui permet de décider d’un cours quotidien convenant à tout le monde, en économisant beaucoup de moyens humains et informatiques ?
Vu les volumes, cela permettrait d’abaisser sensiblement les frais de transactions et d’affecter les « robots-traders » à des tâches plus utiles… comme le suivi et le calcul de la trajectoire des centaines de milliers de débris qui orbitent autour de notre planète et qui menacent les prochaines missions spatiales habitées !
2 commentaires
C’est en partie exact. Ce que l’auteur omet d’expliquer c’est que les dirigeants des plus grandes entreprises qui rachètent massivement leurs actions sont eux-même payés en actions pour la plus grosse partie de leur rémunération annuelle. Ainsi, en préservant un cours élevé de l’action de leur employeur, ils maintiennent la valeur de leur compensation. De plus nombreux sont des plans d’actions liés à la performance qui est elle-même mesurée via l’EPS (Earning Per Share, ou Bénéfice Par Action) qui est artificiellement gonflé par la diminution de l’encours d’actions.
En termes de cash-flow les entreprises ne sont pas particulièrement perdantes, surtout si le taux de rémunération de l’action se situe au-dessus du taux payé sur l’endettement. Par exemple mon employeur paye un dividende de 3% alors qu’il emprunte à 2,1% sur 10 ans.
Comptablement c’est une ineptie que de remplacer du capital par de la dette et à l’école on nous a toujours expliqué qu’il était plus sain d’agir inversement.
Lorsque les taux vont augmenter, cela ne va pas affecter la charge d’intérêt sur la dette déjà émise tout en dévaluant la valeur de marché de celle-ci. A ce moment, ils pourront racheter moins cher leur dette lorsque les taux monteront au plafond. Mais pour cela il faut qu’ils puissent compter sur des cash flows en croissance… ce qui sera impossible vu qu’au lieu d’investir dans des moyens de production supplémentaires ils ont racheté au prix fort leurs actions.
Si cela s’avère une excellente opération à court terme, cela risque d’être un pur désastre à long terme.
argument original pour la suppression du flash trading lol