Il existe des facteurs haussiers et baissiers qui pèsent sur les cours de l’or noir, mais certains vont prendre le dessus dans les prochains mois.
Quelle trajectoire suivront les cours du pétrole ? C’est une question qui revient très souvent (et à laquelle il est très difficile de répondre) sur les marchés à l’heure actuelle.
L’inflation persistante, les pénuries dues en partie à la guerre en Ukraine, l’offensive du gouvernement Biden sur les producteurs de pétrole et de gaz naturel, ainsi que la réouverture de l’économie chinoise après avoir passé le pic de la pandémie, pourraient nous pousser à tabler sur une hausse des cours.
Le récent épisode de désinflation, la récession qui se dessine à l’horizon et la destruction de la demande causée par la remontée des taux d’intérêt de la Fed et par sa volonté de baisser les salaires pourraient en revanche nous conduire à miser sur une baisse des cours.
Quel scénario prévaudra dans les mois à venir ?
La lutte acharnée des cours du pétrole
Commençons par un récapitulatif des tendances de cours observées l’an dernier : le prix du baril de pétrole (plus précisément le prix du contrat à terme du baril de WTI négocié sur le Nymex) a atteint 123,70 $ le 8 mars 2022, peu après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a eu lieu le 24 février.
Le prix du baril s’est ensuite replié à 95,04 $ le 16 mars, lorsque l’on a su que les sanctions ne mettraient pas un terme immédiat aux exportations de pétrole russe. De fait, la Russie continue à exporter son pétrole à ce jour, mais les exportations sont soumises à un plafonnement des prix, imposé par les Etats-Unis et l’Europe, mais aussi à des limites d’exportation applicables aux pétroliers.
Le prix du baril de pétrole a atteint un nouveau sommet temporaire de 122,11 $ le 8 juin. Cette hausse a coïncidé avec le pic d’inflation aux Etats-Unis et au début de la saison estivale. A partir de là, le prix du baril du pétrole n’a cessé de baisser.
Le 9 décembre, le prix du baril s’était replié à 71,02 $. Cela représente une chute de 42% par rapport au sommet atteint en juin. Actuellement, le baril de pétrole vaut environ 76 $. C’est donc plus que le point bas touché en décembre, mais inférieur d’environ 35% au pic atteint en juin.
Alors que les hausses de cours survenues en mars et en juin avaient été provoquées par des craintes de rupture d’approvisionnement et par une inflation sans précédent depuis 40 ans, les points bas touchés récemment s’expliquent par des forces contraires.
Les craintes de rupture d’approvisionnement ont laissé place à une destruction de la demande causée par les hausses des taux de la Fed et par le ralentissement de l’économie américaine. De nombreux indicateurs avancés (notamment l’inversion des courbes de taux pour les bons du Trésor américain et pour les contrats à terme sur l’eurodollar) laissent entrevoir une récession, qui a peut-être déjà commencé.
Le taux d’inflation, tel que mesuré en rythme annuel par l’indice des prix à la consommation, est passé de 9,1% en juin 2022 à 6,5% en décembre. C’est un taux qui reste certes élevé, mais qui a baissé tous les mois entre juin et décembre. L’inflation a laissé place à la désinflation et tout porte à croire que cette tendance se poursuivra.
Pour faire court, les pénuries d’approvisionnement et l’inflation ont poussé le prix du baril de pétrole à 122 $. La destruction de la demande et la désinflation l’ont ramené à 76 $. Dans la mesure où la Fed continue à relever ses taux, l’économie américaine (et l’économie mondiale) continue à ralentir et l’inflation se tasse, il est raisonnable de penser que le prix du baril du pétrole pourrait se replier à 50 $, c’est-à-dire le prix qui était le sien le 3 janvier 2021.
Une recette secrète pour pousser les prix à la hausse ?
Bien sûr, faire des prédictions n’est jamais aussi simple. Toute prévision baissière doit faire fi du récent rebond des cours. Quelles sont les raisons de ce rebond et pourquoi devrions-nous nous attendre à ce que la hausse des prix du pétrole se poursuive ?
Alors que la demande se contracte à cause de la récession qui se profile à l’horizon, il se trouve que l’offre se contracte encore plus rapidement. Contrairement à début 2022, lorsque les ruptures d’approvisionnement étaient largement dues à des raisons logistiques et géopolitiques, les pénuries d’offre sont fondamentales au moment où j’écris ces lignes.
Depuis l’entrée en fonction de l’administration Biden, la Maison-Blanche a entrepris de détruire l’industrie américaine des hydrocarbures. On connaît la litanie. Le gouvernement a abandonné le projet d’oléoduc Keystone XL qui devait relier l’Etat d’Alberta, au Canada, aux Etats-Unis. Il a interdit le forage des nouveaux gisements de gaz naturel en mer. Il a suspendu les licences d’exploitation des nouveaux gisements de pétrole et de gaz sur des terrains publics. De nouvelles réglementations ont été mises en place pour limiter la fracturation hydraulique.
Dans le cadre de l’Inflation Reduction Act (loi pour la réduction de l’inflation), signée en 2022 (et qui ne pourrait pas plus mal porter son nom), le gouvernement a débloqué 1 000 Mds$ pour mettre en place son nouveau « pacte vert », qui est une véritable escroquerie. Il prévoit notamment des subventions pour les véhicules électriques et les panneaux photovoltaïques et le financement de parcs éoliens en mer.
Ces actions radicales se sont accompagnées de nombreuses initiatives des Etats, de la Californie au New Jersey, consistant à interdire la vente de voitures équipées de moteurs à combustion interne après 2035 et à déployer des bus scolaires et des systèmes de transport urbain électriques. D’autres pays comme les Pays-Bas et l’Australie ont pris des mesures similaires.
Mais il y a des problèmes avec ces politiques.
Energies vertes : que du vent
Les alternatives éoliennes et solaires au pétrole et au gaz ne permettent pas de fournir la puissance de base dont le réseau a besoin pour fonctionner. Il n’y a pas assez de lithium, de nickel, de cobalt, de graphite et de cuivre dans le monde pour construire en quantité suffisante les batteries nécessaires pour remplacer les véhicules équipés de moteur à combustion interne par des véhicules électriques. Si les véhicules électriques venaient à se démocratiser, l’énergie nécessaire pour les charger détruirait le réseau.
Pourtant, tous ces échecs « verts » appartiennent encore à l’avenir. Les représentants du Forum économique mondial de Davos (y compris certains à la Maison-Blanche) poursuivront leur offensive contre le pétrole et le gaz pendant plusieurs années. Par conséquent, les dirigeants dans majors pétrolières réduisent les dépenses d’investissement et leurs activités d’exploration.
Il faut entre 10 et 15 ans pour développer un nouveau gisement, car les étapes sont nombreuses : découverte, acquisition des droits, autorisation environnementale, agrément réglementaire, dialogue politique, installation des infrastructures, connecter les sources d’énergie aux puits de forage, etc. Il pourrait se passer 10 ans de plus avant que le secteur du pétrole commence à rentabiliser ses dépenses d’investissement considérables.
Mais quel dirigeant d’entreprise du secteur de l’énergie voudrait dépenser des milliards de dollars dans l’exploration et la production de pétrole sur 20 ans alors que les dirigeants politiques ont entrepris d’éradiquer l’utilisation du pétrole et du gaz naturel dans 10 ans ?
Aucun.
Des limites de production
Les producteurs d’énergie continueront à exploiter les gisements actuels, quand bien même ils se tarissent rapidement. Les nouveaux gisements ne sont pas exploités car les politiques ont décidé de combattre les hydrocarbures. Certains gisements seront même fermés car certaines majors pétrolières comme Chevron, Shell, Exxon Mobil et BP ont arrêté leurs opérations en Russie ou vendu leurs intérêts dans le pays à des Russes.
Les nouveaux exploitants ne disposent pas des ressources techniques dont disposent les majors pétrolières pour maintenir la production aux niveaux antérieurs dans l’environnement hostile qu’est la Sibérie. Dans la mesure où la Russie continue à produire du pétrole, celui-ci est de plus en plus vendu à la Chine et à l’Inde, ce qui concourt à réduire l’approvisionnement vers l’Occident.
Aux Etats-Unis, les goulets d’étranglement de l’offre en énergie ne se limitent pas à la production de pétrole. Les raffineries constituent un maillon essentiel de la chaîne d’approvisionnement en énergie car elles transforment le pétrole brut en produits distillés comme l’essence, le diesel et le kérosène. Aucune nouvelle raffinerie n’a été lancée aux Etats-Unis depuis 1977. Les raffineries existantes vieillissent et nécessitent d’importants travaux de maintenance et de réparation pour continuer à produire, en quantité insuffisante qui plus est.
Pour faire court, la résorption temporaire des goulets d’étranglement logistiques et l’atténuation des pressions inflationnistes alors qu’une récession se profile ont poussé les cours du pétrole à la baisse.
Impossible d’abroger la loi de l’offre et de la demande
Cela étant, l’inflation pourrait se stabiliser plus rapidement que ce que pensent de nombreux observateurs, à cause de la récession. Les problèmes d’approvisionnement reviendront hanter les marchés de l’énergie, pas pour des raisons logistiques, mais à cause d’un manque d’investissements nouveaux, ce qui est une réaction compréhensible face à l’offensive des anti-carbones hystériques de la Maison-Blanche et de leurs alliés européens.
La guerre en Ukraine ne prendra pas fin de sitôt et la probabilité d’une victoire russe laisse entrevoir des sanctions encore plus dures sur l’énergie russe. Par ailleurs, les attaques terroristes iraniennes perpétrées contre Israël et les mesures de représailles adoptées par le gouvernement israélien à l’encontre de Téhéran pourraient se traduire par de nouvelles restrictions sur les exportations de pétrole iranien.
Le débat entre ceux qui parient sur une baisse des cours du pétrole et ceux qui tablent sur une hausse se conclura en faveur des derniers. Les entreprises pétrolières prospèreront dans ce contexte, non pas car elles exploiteront de nouveaux gisements ou produiront plus, mais parce qu’elles vendront bien plus cher leur production existante.
Les écologistes ne peuvent pas abroger les lois de la physique et les politiques ne peuvent pas abroger la loi de l’offre et de la demande. Les cours du pétrole augmenteront.