La capacité d’explication et d’analyse a posteriori des « experts » est brillante alors que la capacité d’anticipation de ces mêmes experts est au mieux médiocre. Pour de multiples raisons : la peur d’avoir raison tout seul, le confort de se tromper avec tout le monde, la force des habitudes qui consiste à considérer l’état actuel des marchés comme l’état normal du monde, les contraintes institutionnelles qui interdisent d’anticiper officiellement des krachs d’actifs.
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Cependant, l’exercice de prévisions à partir de l’analyse traditionnelle des fondamentaux est gravement faussée pour au moins deux raisons :
1/ L’omniprésence et la prétendue omniscience des banques centrales. L’institutionnalisation des mesures non conventionnelles prises par les banques centrales a créé une forte liquidité qu’il sera impossible de reprendre. Les volumes de transactions spéculatives sur les marchés et donc la taille des bulles d’actifs (en volumes traités, en positions ouvertes et donc en appels de marge exigés et en pertes potentielles en cas de retournement) sont sans précédents connus.
2/ L’afflux de liquidités a provoqué la chute des rendements des obligations de toute nature. Dès lors, beaucoup d’investisseurs ont été chercher (jusqu’au printemps 2015) du rendement sur des actifs plus risqués. Ces investisseurs peuvent être confrontés à de brusques besoins de vendre : regain d’aversion au risque, respect de ratios prudentiels de plus en plus contraignants, appels de marge, demande de cash de la part de clients. Dans l’incapacité de trouver preneur pour des actifs de moins en moins liquides ou devenus illiquides, nos investisseurs seront, comme aujourd’hui, contraints de vendre le meilleur de leur portefeuille.
Dans ces conditions, comment anticiper l’évolution des taux longs en Zone euro et que penser de l’évolution des indices boursiers ?
Les taux longs bougent au rythme des prix du pétrole. Les actions, elles, suivent l’évolution du régime de change de la Chine |
Les deux ressorts du marché sont les seules choses qui dégagent un consensus parmi les acteurs (économistes, investisseurs, traders, hedge funds…). Les taux longs bougent au rythme des prix du pétrole. Les actions, elles, suivent l’évolution du régime de change de la Chine.
Si ces ressorts sont bien identifiés, cela n’est pas suffisant pour les anticipations ; qui l’emportera de la création monétaire de la banque centrale (destinée à acheter des actifs financiers aux vendeurs qui reçoivent en face du cash, donc de la liquidité) ou des fondamentaux économiques ?
Marchés obligataires et prix du pétrole : quelle est la vraie relation ?
L’évolution des taux longs (je parle des emprunts d’Etat de la Zone euro hors pays fragiles) dépend aujourd’hui du niveau des prix du pétrole (et surtout de son effet sur les prix à la consommation).
On ne voit pas, à part des événements politico-militaires violents et durables dans un grand pays exportateur, ce qui pourrait faire flamber le prix du baril. Si tel était le cas, qui l’emporterait entre une hausse de l’inflation consécutive à ce choc pétrolier (facteur haussier taux longs) ou la liquidité continuant à se réfugier sur le marché obligataire dans un contexte d’aversion au risque (facteur baissier taux longs) ?
Nous considérons que les risques de maintien à un niveau très bas des taux longs sont en réalité plus importants que les risques de choc obligataire.
Si la baisse des prix du pétrole se poursuit, du fait du ralentissement de la Chine, que va-t-il se passer sur les taux longs ? Les marchés anticiperont des risques déflationnistes en Zone euro et une amplification des rachats d’actifs par la BCE même si la baisse des prix du pétrole devrait donner du pouvoir d’achat aux ménages.
Mais les excédents commerciaux de la Chine vont s’amenuiser avec deux conséquences nuisibles : sorties de capitaux de plus en plus fortes ; accélération de la baisse du yuan. Dans les deux cas, la Banque de Chine sera amenée à vendre des obligations souveraines en dollar et en euro.
Dans cette configuration, l’évolution des taux longs euro dépendra fortement du rapport de forces qui s’établira sur les marchés entre l’acheteur de dette publique euro en dernier ressort, la BCE et les nouveaux vendeurs d’obligations d’Etat en euro (dont la banque centrale de Chine).
L’effet BCE est sans doute plus puissant que l’effet Banque de Chine |
Et là, bien malin qui pourrait dire qui l’emportera. L’effet BCE est sans doute plus puissant que l’effet Banque de Chine. Nous considérons là aussi que les risques de maintien à un niveau très bas des taux longs sont en réalité plus importants que les risques de choc obligataire
Donc quel que soit le scénario pétrole, nous n’arrivons pas à imaginer des remontées de taux longs durables dans la Zone euro malgré des tensions obligataires ponctuelles dans certains pays du sud de la zone.
Marchés actions et évolution du yuan
Pour anticiper l’évolution des indices boursiers en considérant que le régime de change chinois est le paramètre important, quatre cas de figure doivent être envisagés :
– La Chine stabilise son taux de change. Dans ce contexte, l’absence de dévaluation ne détériore pas la compétitivité des entreprises de l’OCDE et les marchés actions remontent.
– La Chine stabilise son taux de change mais au prix d’une forte diminution des réserves de change de la banque centrale. Les marchés actions rentrent dans un vrai cycle baissier car la Banque centrale de Chine ne contribue plus à la croissance de la liquidité mondiale puisque ses réserves de change ne s’accroissent plus ; pire, ces réserves baissent tout comme celles des banques centrales de pays émergents et exportateurs de pétrole. Tout ceci peut cependant être relativisé car certaines grandes banques centrales (BCE et Banque du Japon) sont contributrices à la croissance de la liquidité mondiale.
Le fameux triangle d’incompatibilité de Mundell nous dit qu’on ne peut avoir tout à la fois fixité du change, liberté des mouvements de capitaux et indépendance de la politique monétaire. Il faut sacrifier l’un des trois côtés du triangle. Et si vous considérez que la Banque centrale de Chine ne peut rétablir les contrôles de capitaux au moment où elle internationalise sa devise, vous devez attendre d’importants mouvements du yuan.
– La Chine laisse donc flotter sa devise et les conséquences sont favorables pour les marchés actions qui se concentrent sur les aspects liquidité : la Chine n’a plus besoin de puiser ses réserves de change et donc de vendre des actifs financiers des pays de l’OCDE.
– La Chine laisse flotter sa devise mais les marchés financiers regardent les fondamentaux et les risques de pertes de parts de marché en Asie des entreprises occidentales.
Nous pensons que les fondamentaux reprendront le dessus et anticipons donc une poursuite de la baisse des indices boursiers |
Non seulement nous accordons plus de crédit à un scénario de rupture de l’arrimage dollar-yuan, mais en outre à l’intérieur de ce scénario, nous pensons que les fondamentaux reprendront le dessus et anticipons donc une poursuite de la baisse des indices boursiers.
Mon scénario central pour les mois qui viennent
– Un maintien durable des taux longs allemands et français à leur niveau actuel (respectivement 0,25% et 0,60% aujourd’hui) voire à des niveaux encore plus bas, aussi surréaliste que cela puisse paraître.
– Une baisse encore plus significative des indices boursiers. Nous fixons, par exemple, un objectif de 2 800-3 000 sur le CAC 40 d’ici l’été 2016, niveaux vus lors des périodes de stress les plus significatives en Zone euro ces cinq dernières années (été 2011 avec les rumeurs sur la liquidité de la Société Générale, novembre 2011 avec la crise de la dette publique italienne et juin-juillet 2012 avec la crise espagnole bancaire et souveraine).
Comme d’habitude, c’est la psychologie de masse qui « fera le marché ». Cette anticipation-là est-elle possible par un seul individu, fusse-t-il banquier central ?