La Fed pourrait provoquer une inflation non contrôlée, ou un atterrissage brutal de l’économie… Et pourquoi pas les deux ?
Bloomberg :
« Nouriel Roubini, surnommé Dr Catastrophe, prédit un atterrissage brutal de l’économie américaine ou une inflation hors de contrôle :
‘Il faudrait que la Fed rehausse son taux directeur bien au-dessus des 4% (entre 4,5% et 5%) pour réellement repousser l’inflation vers les 2%’, a déclaré le président-directeur général de Roubini Macro Associates dans un entretien sur Bloomberg Television. »
Tout est dit. Voici les deux choix qui s’offrent à nous. Continuer à gonfler la bulle. Ou la laisser éclater.
Pour Roubini, ceux qui espèrent que la Fed changera de cap, pour passer d’un resserrement à un assouplissement de la politique monétaire, se fourvoient.
A court terme, il a certainement raison. Les gouverneurs de la Fed ne sont pas stupides. Du moins, pas de manière conventionnelle. Il leur a fallu étudier pendant des années pour devenir les simplets qu’ils sont aujourd’hui.
Et ils restent des êtres humains ! N’oublions pas : comme tout le monde, ils n’aiment pas que les gens se moquent d’eux dans leur dos. Or, désormais, tout le monde voit qu’ils ont fait une énorme erreur en tardant à relever les taux. Ils ont ensuite fait une autre énorme erreur en tardant à reconnaître le risque que représentait l’inflation et une troisième grosse erreur en pensant qu’elle ne serait que transitoire.
Au lieu de cela, l’inflation s’est ancrée et elle appauvrit les consommateurs depuis plus d’un an.
Jusqu’au cou
Désormais, les gouverneurs de la Fed doivent expier leurs fautes et faire le bien pour prouver que ce ne sont pas de véritables ordures.
Comment ?
En prenant le contrôle de la situation. C’est ainsi qu’ils récupèreront de la crédibilité. Or, cela signifie, comme l’explique Nouriel Roubini, que la Fed devra rehausser son taux directeur à un niveau supérieur au taux d’inflation. (Point de référence : en 1982, la Fed a porté son taux directeur à un niveau supérieur de 600 points de base, soit 6%, à l’indice des prix à la consommation afin de dompter l’inflation. Le taux directeur est actuellement de 600 points de base… sous le taux d’inflation).
Le problème est que plus les taux augmentent, plus les gens ont du mal à rembourser leurs dettes. Les taux ultra bas de la Fed ont incité les gens à emprunter de l’argent. Ils sont désormais endettés jusqu’au cou. Or, en règle générale – mais pas tout le temps –, la dette doit être refinancée de temps en temps, ce qui signifie que les gens doivent payer des intérêts beaucoup plus élevés. Entre juin 2021 et juin 2022, la mensualité moyenne des prêts hypothécaires a ainsi augmenté de 700 $.
Tous les banquiers centraux apprennent par cœur la théorie keynesienne des banques centrales. Elle est très simple et se fonde sur une histoire de la Bible : Joseph interpréta le rêve du pharaon, dans lequel ce dernier aperçut sept vaches avec la peau sur les os et sept vaches maigres, comme le signe annonciateur d’une famine imminente qui durerait sept ans.
Le pharaon lança alors une politique contra-cyclique consistant à stocker du grain durant les années prospères, afin d’avoir quelque chose à manger durant les périodes de vaches maigres.
Dans le cas qui nous intéresse, la Fed a rehaussé ses taux durant les années de prospérité et les a abaissés lorsque la famine menaçait. C’est en tout cas la théorie.
En pratique, la Fed n’a pas la moindre idée de ce qui se passe et, humains avant tout, les gouverneurs de la Fed préfèrent les périodes de prospérité à celles de vaches maigres et n’ont rien contre un petit tour de passe-passe pour continuer à se goinfrer. En gros, ils abaissent les taux même quand l’économie prospère. En 2019, l’économie américaine était plus forte que jamais. Ce fut au tour de Donald Trump de jouer le rôle du pharaon. Il déclara alors que nous vivions « la meilleure économie de tous les temps ».
Mère nature entre en scène
La Fed avait essayé de « normaliser » les taux d’intérêt, après avoir maintenu un taux directeur quasi nul pendant bien trop longtemps. Lorsque le taux directeur atteignit 2,4% en 2019, les Bourses commencèrent à dévisser et la Fed, prise de panique, abaissa de nouveau les taux à un niveau proche de zéro.
Mais ce n’est pas mère Nature qui détermine les années de vaches maigres ou les années de prospérité pour l’économie américaine. Ce sont les erreurs de la Fed. Tout le monde aime les années prospères, surtout les élites, puisque les actions et les obligations qu’ils détiennent prennent de la valeur. Et la Fed, bras armé de l’élite de Wall Street, a fait ce qui était en son pouvoir pour que cela se produise.
En d’autres termes, les gens qui mettaient en œuvre les politiques contra-cycliques étaient les mêmes que ceux qui en faisaient trop durant les cycles. C’était comme si l’arbitre d’un match de baseball avait couru autour des bases, atteint le marbre et crié lui-même « SAUF ». La Fed n’a pas pu contrebalancer la bulle de 2009-2021 car elle en était la cause.
A l’entame de l’année 2021, elle avait été forcée d’abreuver l’économie avec de la liquidité et du crédit pendant plus de dix ans. Puis, en 2021-2022, l’inflation a accéléré, les Bourses ont dévissé et l’économie est entrée en récession. Mais la Fed n’a pas été capable de prendre des mesures contra-cycliques pour compenser l’éclatement de la bulle. Ses réserves étaient vides !
Elle avait déjà abaissé son taux directeur à zéro. Désormais, contrevenant aux règles édictées dans le guide des banquiers centraux, elle doit rehausser ses taux afin de stopper l’inflation et retrouver une partie de sa dignité.
Et maintenant ? Inflation non contrôlée ? Atterrissage brutal de l’économie ? Lequel de ces deux scénarios se matérialisera ?
Notre prédiction : les deux. D’abord un atterrissage brutal de l’économie, puis une inflation incontrôlable.
Mais nous attendrons de voir ce qu’il adviendra, comme tout le monde.