Malgré la baisse de l’inflation, les prix restent à des niveaux record et l’électeur américain en ressent chaque jour le poids. À moins de frapper fort sur l’énergie et le logement, Trump risque de perdre une bataille politique centrale en 2026.
Maintenant que le blocage budgétaire (shutdown) est révolu, aux Etats-Unis, le dernier débat politique en date tourne autour d’une question qui a pour nom « affordability » [NDLR : ce que l’on peut se permettre d’acheter et, généralement, l’accessibilité à des choses essentielles].
Depuis qu’ils ont perdu l’élection présidentielle de 2024, les démocrates recherchent désespérément un sujet qui ne soit pas « je déteste Trump ». Et avec cette fameuse affordability, ils pourraient bien avoir trouvé leur cheval de bataille – juste avant les élections de mi-mandat qui auront lieu en 2026.
C’est une question importante qui en englobe beaucoup d’autres en un seul mot :
- le coût des soins médicaux ;
- les prix de l’alimentation ;
- le coût du logement ;
- et ainsi de suite.
Tout le monde dépense de l’argent pour vivre et subvenir aux besoins de sa famille. Si le coût d’un tel nombre de postes de dépenses de la vie quotidienne devient hors de portée, il y a une crise de l’affordability ou, pourrait-on dire, du pouvoir d’achat.
Et cela arrange bien les démocrates !
Ils affirment que les Américains, surtout les jeunes, ne peuvent pas s’offrir un logement, de la nourriture et d’autres choses essentielles. L’éducation et les soins médicaux sont trop chers. La plupart des Américains ont du mal à boucler les fins de mois et n’épargnent rien. Les logements sûrs, dans les grandes villes, sont totalement hors de portée.
L’argument d’une crise du pouvoir d’achat est une expression simpliste englobant tout ce qui précède.
Trump et le personnel de la Maison-Blanche répondent que le pouvoir d’achat s’améliore. Le prix de l’essence est en baisse, les taux d’intérêt baissent et des opportunités d’emplois s’ouvrent grâce à tous les investissements étrangers réalisés aux Etats-Unis, et aux nouveaux investissements réalisés dans les entreprises américaines – autant d’éléments intervenus sous l’impulsion de Trump ou via le levier des droits de douane.
Qui a raison ?
Les deux camps ont des arguments qui se tiennent, mais les démocrates l’emportent sur le plan des arguments politiques et ils le savent.
En effet, une inflation en baisse ne signifie pas que les prix baissent.
Joe Biden a produit le taux d’inflation le plus élevé en 40 ans : il a atteint 9,1 % (d’une année sur l’autre) en juin 2022.
Depuis, l’inflation a baissé, bien que Trump ait essuyé une série de revers, dernièrement. L’inflation, qui était de 2,3 % en avril 2025, affiche désormais un taux de 3 %. Ce n’est pas aussi redoutable que sous le mandat de Biden, mais on s’en rend tout de même compte en faisant ses courses. Les prix de l’essence sont en baisse par rapport à 2022 mais ils sont à peu près au même niveau que l’an dernier.
Trump semble comprendre qu’il est vulnérable, sur le sujet du pouvoir d’achat. Il a lui-même abordé la question et pris des mesures d’ampleur afin de montrer qu’il est celui grâce à qui la vie peut être plus abordable aux Etats-Unis.
Il a réduit les tarifs douaniers sur le café, les bananes, le boeuf et 200 autres produits pour que les consommateurs américains les payent moins cher.
Trump a également prononcé un discours, lors d’une conférence organisée par McDonald’s pour ses franchisés, rappelant cet épisode réussi de sa campagne, en 2024, où il avait revêtu un tablier McDonald’s, fait cuire des frites et travaillé au guichet du drive-in.
Trump a félicité McDonald’s pour avoir maintenu des prix bas pour les consommateurs. C’est vrai, mais même les prix bas restent plus chers qu’ils ne l’étaient, et cela se produit à un moment où les revenus stagnent.
C’est un problème que Trump ne peut pas esquiver.
Une mauvaise image politique pour Trump
Il ne s’agit pas de mauvaises décisions prises par Trump, mais elles sont insignifiantes par rapport à l’ampleur du problème.
Comme les démocrates sont quasiment exclus du pouvoir, ils n’ont rien à faire de constructif. Il leur suffit de se plaindre. Et ils le font très efficacement.
Les primes de l’assurance-santé « Medicare Part B » vont augmenter de 9,7 % en 2026. C’est plus que trois fois le taux d’inflation de 3 % mesuré par l’indice des prix à la consommation (CPI).
La plupart des consommateurs ne peuvent citer que quelques-uns de la centaine de postes composant l’indice CPI pour faire le calcul. Mais 100 % des citoyens de plus de 65 ans sont capables de vous dire combien ils paient leurs primes d’assurance-santé. Ils peuvent également dire qu’ils ne peuvent pas se permettre une augmentation de 10 % sur ce qui est une nécessité pour eux.
Les républicains brandissent le fait que l’inflation est retombée de 9,1 % sous Biden à 3 % sous Trump.
Mais ne serait-ce qu’une inflation de 3 % réduira de moitié la valeur du dollar en 24 ans, et à nouveau de moitié sur les 24 ans suivants. Cela représente donc une dévaluation de 75 % sur toute une carrière de 48 ans débutée à l’âge de 17 ans et avec un âge de départ à la retraite de 65 ans.
Voilà pourquoi les démocrates remportent ce débat. Il est vrai que Biden est responsable de l’inflation, mais il est hors-jeu et personne ne se préoccupe de lui. L’inflation de Trump est plus acceptable que celle de Biden, mais cela reste de l’inflation.
Autrement dit, les prix augmentent à un rythme plus lent mais ils augmentent tout de même, et en partant de la base bien plus élevée créée par Biden.
Ces augmentations de prix de 2022 à 2023 n’ont pas disparu. Elles sont ancrées dans les prix actuels avec, en plus, les nouvelles augmentations. Voilà pourquoi les choses sont inaccessibles aujourd’hui, et pourquoi on l’impute à Trump.
La solution consiste à créer des emplois mieux rémunérés, mais cela prend du temps. La vague d’investissements de Trump se déroulera sur trois à cinq ans, mais les élections de mi-mandat ont lieu dans moins d’un an.
Trump a beau se plaindre, il est tout de même jugé responsable politiquement.
Fareed Zakaria, journaliste politique perçu comme progressiste et mondialiste, a remis les démocrates à leur place :
« Si l’Amérique souffre d’une crise du pouvoir d’achat, elle a tendance à se produire dans les régions gouvernées par les démocrates, comme New York, l’Illinois et la Californie, où les impôts sont élevés, les coûts du logement flambent et les revenus stagnent. C’est un paradoxe qui définit la plupart des États démocrates en Amérique : des gouvernements qui promettent plus, coûtent plus cher et apportent moins.
La réponse automatique des démocrates, à chaque problème, demeure la même : dépenser plus.
Pendant des décennies, les États et les villes ont troqué l’harmonie politique à court terme contre la ruine budgétaire à long terme. Dans un trop grand nombre de bastions démocrates, la réglementation s’est métastasée en paralysie. Les logements ne sont pas abordables car les règles de zonage locales et les études environnementales, le contrôle des loyers et les faveurs accordées aux syndicats, rendent la construction cruellement lente et coûteuse. La Californie a dépensé 24 Mds$ pour les sans-abris, sur cinq ans, et pourtant le problème n’a fait que s’aggraver. On dépense plus à New York, pour la construction d’un kilomètre de métro, que dans toute autre ville sur Terre. »
L’analyse de Zakaria est tout à fait juste, mais elle est également inutile.
Les Américains ordinaires n’ont pas besoin qu’on leur explique qui est responsable. Ils ne peuvent pas payer leurs factures et leurs revenus stagnent. Ils veulent un répit dès maintenant, et comme c’est Trump qui est aux commandes, ils s’attendent à ce qu’il apporte certaines solutions.
Tout le reste est considéré comme de la pure politique.
Les solutions
Si Trump veut avoir le dessus sur la question du pouvoir d’achat, il doit faire plusieurs choses immédiatement.
La première relève tout simplement de l’éducation. Il doit expliquer aux électeurs américains d’où vient l’inflation. Biden, avec son plan de sauvetage « American Rescue Plan » en 2021, a dépensé plus de 1 000 Mds$ en aides liées à la pandémie, alors que l’économie s’était déjà redressée et les actions atteignaient de nouveaux plus-hauts historiques. En 2022, la loi « Inflation Reduction Act » de Nancy Pelosi a affecté 1 000 Mds$ de plus au New Deal environnemental.
Ces deux lois réunies ont été les principaux moteurs de l’inflation en 2021-2022. Depuis, l’inflation a baissé mais, je le répète, les prix, eux, ne baissent pas.
La deuxième chose que Trump peut faire, c’est « forer à tour de bras » (« Drill, baby, drill »). Ce programme devrait concerner le pétrole et le gaz, et autoriser le forage sur des terres fédérales, au large des côtes, en Alaska et dans le Golfe du Mexique.
La demande en faveur de l’énergie est en baisse. Il n’y a pas d’excédent pétrolier, mais un effondrement de la demande. Si l’on inondait le marché avec encore plus d’énergie, cela ferait chuter le cours du pétrole à 40 $ le baril, voire plus bas. Les perdants seraient les producteurs arabes et d’autres producteurs étrangers. Quant aux gagnants, ce seraient les consommateurs américains et Trump (politiquement).
Les Américains connaissent mieux les prix de l’essence à la pompe que tout autre indicateur de prix.
Une troisième mesure consisterait à privatiser Fannie Mae et Freddie Mac, afin de leur permettre de soutenir pleinement le financement des prêts immobiliers émis par des établissements bancaires et non bancaires.
Cette concurrence et ce surcroît de liquidités feraient baisser les taux d’emprunt immobilier plus vite qu’en hurlant jour et nuit sur Jerome Powell et la Fed.
Les démocrates sont en train de remporter le débat sur l’affordability.
Trump pourrait avoir le dessus, au bout du compte, mais seulement s’il cesse de se lamenter et qu’il prend de solides mesures sur l’énergie et les prêts immobiliers.
Les élections de mi-mandat arrivent dans onze mois. Et le Congrès fermera boutique dans huit mois.
Le temps est compté.
