A en croire les discours ambiants, tout devient hors de prix : se loger, se déplacer, se nourrir, se soigner. Pourtant, cette vision largement pessimiste masque une réalité bien différente.
De nombreux investisseurs obtiennent des rendements inférieurs à ce qu’ils pourraient espérer, simplement parce qu’ils sont beaucoup trop pessimistes quant à l’avenir.
Cela peut sembler surprenant quand on sait à quel point les politiques gouvernementales rendent de plus en plus inabordables des biens aussi essentiels que le logement, l’automobile, l’alimentation ou les services publics.
Et pourtant, dans le même temps, le secteur privé améliore les choses et les rend de plus en plus abordables.
Cela peut paraître contradictoire. Mais ce ne l’est pas.
Il est tout à fait possible que certains biens deviennent à la fois plus chers… et plus abordables.
Pour mesurer cette accessibilité réelle, il faut comparer le prix des biens et des services à la rémunération horaire (salaires et avantages sociaux). Le ratio obtenu est ce que l’on appelle le prix du temps.
Le prix du temps correspond au nombre d’heures qu’un salarié moyen doit travailler pour pouvoir s’offrir un bien ou un service.
Les prix sont exprimés en dollars et en cents. Les prix du temps, eux, sont exprimés en heures et en minutes.
Ainsi, il est possible que les choses deviennent plus chères en dollars, tout en devenant moins chères en temps.
Qu’est-ce qui compte le plus ?
Dans notre vie quotidienne, le temps est notre ressource la plus limitée — et surtout la seule qui soit strictement non renouvelable.
C’est pourquoi le prix du temps est un indicateur essentiel.
Et il révèle quelque chose de surprenant : la plupart des choses sont devenues nettement plus abordables au fil du temps.
Il est crucial de bien comprendre cette distinction : l’IPC nous indique si quelque chose est devenu plus cher. Le prix du temps nous dit si cela est devenu plus abordable.
Les prix du temps constituent un excellent moyen de mesurer l’augmentation ou la diminution de notre abondance au fil du temps, et ce pour trois raisons :
- ils ne peuvent ni sous-estimer ni surestimer l’inflation, car ils utilisent simultanément les prix et les salaires observés à chaque période ;
- ils sont indépendants des fluctuations monétaires (ils peuvent être calculés en euros, en yens ou dans toute autre devise) ;
- ils offrent une mesure standardisée de l’évolution du bien-être.
Dans leur livre révélateur Superabundance, Marian L. Tupy et Gale L. Pooley ont mesuré les coûts de 50 matières premières entre 1980 et 2020 aux Etats-Unis.
Ils n’ont pas seulement constaté que le prix du temps de certaines d’entre elles avait baissé. Le prix du temps de toutes ces matières premières a reculé.
En moyenne, la baisse du prix du temps de ces 50 produits — dont le pétrole, le gaz naturel, le blé, le coton, le soja, le bœuf, le maïs, le porc et le sucre — a atteint un chiffre spectaculaire : 75,2 %.
Autrement dit, un travailleur devait fournir 75 % d’efforts en moins pour s’offrir la même quantité de ces biens.
Certes, sauf à la pompe à essence ou à l’épicerie, nous n’achetons généralement pas des matières premières, mais des produits finis.
Or la baisse du prix du temps de ces produits a été tout aussi frappante — et, dans bien des cas, encore plus marquée.
Sur cette même période de quarante ans, le prix du temps :
- d’un ensemble d’ustensiles a baissé de 51 %,
- d’un lave-vaisselle de 62 % ;
- d’une machine à laver de 65 % ;
- des vêtements pour hommes de 72 % ;
- d’un vélo de 74 % ;
- d’un aspirateur de 83 % ;
- et d’un robot ménager de 86 %.
Il ne s’agit pas d’une sélection arbitraire, mais d’une tendance générale.
Et cela ne concerne que les cols bleus.
Les cols blancs — en particulier ceux diplômés de l’enseignement supérieur — ont bénéficié de baisses encore plus spectaculaires du prix du temps, leurs revenus étant à la fois plus élevés et en progression plus rapide.
Il est bien sûr impossible de mesurer l’évolution du prix du temps sur quarante ans pour des produits comme les ordinateurs portables, les smartphones ou les téléviseurs à écran plat, puisqu’ils n’étaient tout simplement pas imaginables en 1980.
D’autres évolutions sont également difficiles à quantifier.
Comment, par exemple, comparer le prix moyen d’un livre en 1980 avec l’accès gratuit à plus de dix millions d’ouvrages disponibles aujourd’hui via la bibliothèque numérique de Google ?
Plus personne ne se soucie aujourd’hui du coût d’un appel longue distance. Mais, lorsque j’étais jeune, c’était une vraie contrainte.
A l’université, je ne pouvais appeler de la Caroline du Sud vers ma famille en Virginie que le soir, lorsqu’AT&T proposait des tarifs réduits.
Aujourd’hui, je passe régulièrement des appels FaceTime gratuits avec des amis à l’étranger.
Au cours des cinquante dernières années, les amateurs de musique sont passés des vinyles aux cassettes 8 pistes, puis aux cassettes audio, aux CD, aux fichiers MP3, et enfin au streaming.
Désormais, il est possible d’écouter presque toutes les chansons, partout, à tout moment, pour presque rien.
Les autres biens ne sont pas gratuits, mais leur coût est nettement plus abordable lorsqu’on le mesure en heures de travail.
En 1971, une paire de lentilles de contact souples coûtait 65 dollars, et une consultation chez un ophtalmologue environ 550 dollars, soit un total de 615 dollars. À l’époque, un travailleur non qualifié gagnait environ 2 dollars de l’heure.
Aujourd’hui, un examen de la vue coûte environ 120 dollars, et les lentilles sont disponibles à partir de 200 dollars, soit un total d’environ 320 dollars. Le salaire horaire d’un travailleur non qualifié atteint désormais environ 16,51 dollars.
Résultat : le prix du temps a chuté de 84 %.
En 1970, un billet d’avion aller-retour entre New York et Londres coûtait 550 dollars. Les cols bleus gagnaient alors 3,93 dollars de l’heure. Dans ma famille, ceux qui se permettaient ce genre de dépenses faisaient partie de la jet set.
Aujourd’hui, ce même vol coûte environ 467 dollars, tandis que les cols bleus gagnent près de 36,15 dollars de l’heure. Le prix du temps a ainsi diminué de 91 %.
En 1972, une croisière de sept jours entre Miami et les Caraïbes coûtait 240 dollars. Le salaire horaire était alors de 4,59 dollars.
Aujourd’hui, une croisière équivalente au départ de Port Canaveral coûte environ 549 dollars. Pour un col bleu rémunéré 36,15 dollars de l’heure, le prix du temps a baissé de plus de 70 %.
Apple a lancé le Macintosh en 1984 au prix de 2 495 dollars. A l’époque, un travailleur non qualifié gagnait environ 5 dollars de l’heure.
Aujourd’hui, un iMac neuf coûte 1 299 dollars, pour un salaire horaire d’environ 16,51 dollars. Le prix du temps a diminué de 84,2 %.
Et comparer un Mac de 2025 à un Mac de 1984, c’est un peu comme comparer une Lamborghini à un skateboard.
C’est ce que l’on appelle l’abondance mesurée en prix du temps.
Toutes les catégories ne bénéficient pas de cette évolution. Les soins de santé, les frais de scolarité universitaires et les services de garde d’enfants – fortement réglementés, largement subventionnés et très intensifs en main-d’œuvre – ont largement dépassé l’inflation.
Ces secteurs ne profitent pas de « l’économie de la connaissance », où reproduire à grande échelle un prototype coûte de moins en moins cher.
Même là, toutefois, des alternatives émergent :
- l’enseignement en ligne est bien moins cher et plus flexible que les cursus traditionnels ;
- l’intelligence artificielle améliore les diagnostics médicaux, rationalise les soins et réduit les coûts ;
- de nombreuses interventions facultatives (Lasik, chirurgie esthétique, implants dentaires) ont vu leurs prix chuter, précisément parce qu’elles ne sont pas couvertes par l’assurance et restent exposées à la concurrence.
Cette tendance à une plus grande accessibilité devrait s’accentuer dans les années à venir — et c’est un point que je développerai dans ma prochaine chronique.
Et si une seule action suffisait à financer votre retraite ?
Alexander Green vient de révéler celle qui, selon lui, pourrait tout changer. C’est comme acheter Apple en 1996 ou Amazon en 2005, sauf que cette fois, l’action s’échange encore à moins de 10 €.
