▪ Le moment est vraiment idéal pour être sur le continent sud-américain !
Les cafés se remplissent à nouveau, après un début de semaine en demi-teinte. Le soleil est de retour, il perce à travers les nuages et repousse le froid hivernal. Les oiseaux pépient dans les jardins, indifférents à ce qu’il se passe dans leur pays, à savoir : est-il destiné à réussir en dépit des efforts de son gouvernement… ou à s’effondrer à cause d’eux ? La flamboyante capitale argentine se réveille tard le soir, et en fin de semaine. Et le printemps est au coin de la rue…
Sans transition d’aucune sorte, les actions américaines ont fait n’importe quoi ces derniers jours. Ce n’est pas le cas de l’or, en revanche, puisqu’il a atteint un nouveau record nominal. La couverture historique contre le dollar n’en est encore qu’à mi-chemin de son "vrai" record — c’est-à-dire ajusté à l’inflation — mais c’est déjà un bon début.
"Pourquoi maintenant ?" est la première question qui pourrait venir à l’esprit des fanatiques de l’or. Après tout, les réalités sous-jacentes du marché sur lesquelles se basent les acheteurs d’or n’ont pas changé d’un iota ; l’Occident accumule les dettes plus vite qu’il ne peut les vendre ; ceux qui abusent des devises dans les banques centrales ne démordent pas de leurs tendances inflationnistes (et ont même l’air prêts à redoubler d’efforts dans ce sens) ; et le rebond de la Bourse, qui est passé pendant un court instant pour une "authentique reprise", semble sur le point de céder.
Alors pourquoi l’or devrait-il atteindre des sommets seulement maintenant ? Et si l’atterrissage sur la Lune fait partie des projets à moyen terme de ce bon vieux Midas, a-t-on encore le temps d’acheter ?
▪ Votre chroniqueur n’a pas de réponse définitive à apporter à ces questions, cher lecteur… mais il a des intuitions, des suspicions et deux yeux grands ouverts.
Tout d’abord, les tendances boursières ne changent pas du jour au lendemain. Il leur faut du temps pour se mettre en place, et des egos brisés pour nourrir leur métamorphose. Heureusement pour M. le Marché, il ne manque pas de temps et d’hommes arrogants pour se sustenter.
Les lecteurs de longue date connaissent déjà cette histoire et pourraient vouloir sauter quelques paragraphes, mais pour ceux qui ne sont pas familiers de ces thèmes que nous avons souvent repris, voici un rapide récapitulatif…
Pendant la majeure partie du dernier demi-siècle, le monde, et plus particulièrement l’hémisphère "développé", l’Occident, s’est embarqué sur une croisière financée par la dette. Lancée à pleine vapeur quand le crédit s’étendait, l’économie a connu une belle "croissance", et les consommateurs ont considéré que tous les accessoires d’un mode de vie sophistiqué leur étaient dus. Rapidement, tout le monde a pu se targuer de posséder un écran plasma dans son salon et une voiture neuve dans son garage. Les gens se sont mis à mesurer leur fortune au nombre de fils de tissage de leurs draps, et non plus au nombre de dollars sur leur compte en banque. En d’autres termes, les gadgets ont remplacé l’épargne réelle, et l’illusion de richesse — empruntée aux étrangers d’aujourd’hui et aux générations de demain — a remplacé la vraie richesse.
Quand le navire a heurté un gros iceberg en 2007, les coûts de protection sociale dans le secteur privé et le secteur public avaient atteint des niveaux tellement impressionnants qu’il fallait rajouter de l’espace pour les chiffres sur les calculatrices.
Au niveau du secteur privé, des entreprises comme General Motors et Ford se sont retrouvées paralysées par les coûts des acquis sociaux. Dans les jours qui ont suivi la chute de Lehman Brothers, ces géants d’autrefois ont échoué parmi les penny stocks, se réfugiant dans les bras d’un gouvernement favorable aux aides sociales. Mais ce poids n’était rien comparé à ce que l’Etat avait accumulé.
Ce qui avait commencé comme "un poulet dans chaque casserole et une voiture dans chaque garage", célèbre phrase du président Hoover, s’est, au cours du siècle, transformé en "un chômeur dans chaque foyer et un 4×4 pour chaque chômeur". Les jumeaux terribles du prêt hypothécaire, Fannie Mae et Freddie Mac, ont, avec la carte blanche du gouvernement américain, fait chuter le coût de l’emprunt et le prix des maisons à un niveau record.
Après s’être gavé de revenus empruntés à d’autres pendant cinq décennies, il n’est pas étonnant qu’un système économique sous-financé et surexploité commence à s’effondrer sous le poids de ses propres obligations. Et encore moins étonnant qu’une poignée d’investisseurs à long terme cherchent à se protéger de cette chute inévitable en achetant la seule devise dans laquelle on peut investir et qui est, de par sa nature même, libre de toute obligation onéreuse.
Mais à un record nominal de plus de 1 270 $ l’once, l’or n’approche-t-il pas des niveaux d’une bulle?
Peut-être… mais probablement pas. Comme le dit Adrian Ash, ancien correspondant pour la Chronique Agora à Londres et aujourd’hui directeur des recherches pour l’indispensable BullionVault, "n’étant l’obligation et le titre de personne, l’or — quand on le détient directement — est le contraire de la dette".
"A partir de maintenant, l’or est une spéculation", écrivait Adrian dans un article la semaine dernière, "mais seulement pour les universitaires qui poussent leurs propres hommes (que ce soit Mervyn King à Londres ou Ben Bernanke à Washington) à appliquer leur dernier plan farfelu — une nouvelle dose d’inflation monétaire massive".