▪ La fête de Thanksgiving, comme son nom l’indique en anglais, est l’occasion pour les Américains de remercier le Ciel de ce qu’ils ont. Et cette année, aucune catégorie sociale n’avait plus de raisons d’être reconnaissante que les quelques personnes au sommet de la pyramide. Au cours des quatre dernières décennies, leur richesse a grimpé en flèche… en grande partie grâce aux autorités.
En 1971, Richard Nixon a mis fin au dernier lien entre l’or et le dollar, créant un système monétaire purement fiduciaire. Depuis, la dette totale sur les marchés du crédit aux Etats-Unis a été multipliée par plus de 30. En tant que pourcentage du PIB, la dette est passée de 150% à 350%. Pour arrondir très grossièrement, la masse monétaire — M2 — a été multipliée par 10 depuis le début des années 70 (selon les critères utilisés pour la mesurer). Il en est allé de même pour le marché boursier, ce qui a ajouté environ 14 000 milliards de dollars à la richesse du pays.
Qui possède des actions ? Eh oui : les 1%… les gens au sommet… les riches.
Et qui gère ces entreprises ? La question mérite qu’on cogite un peu. Il semble évident que la bulle du crédit de la Fed a fait grimper le niveau de l’eau… ainsi que les yachts des riches. Mais a-t-elle aussi augmenté les salaires des dirigeants d’entreprises ? Peut-être.
L’Economic Policy Institute calcule que le travailleur américain moyen a vu son salaire réel augmenter de 5,9% seulement au cours des 30 dernières années… mais le salaire des dirigeants a augmenté 127 fois plus. Aujourd’hui, les grands cadres gagnent environ 206 fois autant que leurs ouvriers.
Pourquoi ? Les dirigeants sont-ils vraiment beaucoup plus précieux qu’auparavant ? Personne ne le sait, mais nous sommes d’avis qu’à mesure que les autorités faisaient grimper les prix des actions, le management semblait beaucoup plus important. Si les investisseurs avaient pensé que leur portefeuille ne se développerait pas plus vite que l’économie elle-même, ils auraient probablement rechigné à donner beaucoup d’argent aux gestionnaires. Mais la perspective de plus-values de 1 000% a engendré imprudence, extravagance et négligence dans le domaine des salaires des dirigeants. Les investisseurs étaient d’accord pour payer des salaires exagérés (ou au moins les ignorer) tant qu’ils pensaient s’enrichir eux aussi.
▪ Sauvez les riches !
Le problème, c’est que les prix des actifs n’étaient pas stables. Ils flottaient sur une mer de dette. Lorsqu’une tempête a éclaté en 2008-2009, ils ont commencé à couler. En quelques semaines, les actions avaient reculé d’environ 50%. Les riches regardèrent leur relevé bancaire… Ouille ! Ils avaient perdu l’équivalent de 7 000 milliards de dollars de valeur boursière. Mais c’est à ce moment-là qu’ils ont vraiment eu de la chance. Les autorités ont rapidement entamé leur programme de « Sauvetage des Riches », pour un montant de plus de 2 000 milliards de dollars. Avec cette nouvelle inondation monétaire, les actions ont remonté. Les riches étaient sauvés !
Depuis que la « reprise » a commencé, les 1% les plus riches ont capté neuf dollars sur 10 de revenus supplémentaires. Avec en plus Obama à la Maison Blanche pour un nouveau mandat… et Bernanke à son poste à la Fed… il semble qu’ils soient sur le point de rafler le dernier dollar au cours des quatre prochaines années, ce qui leur donnera l’intégralité de tous les nouveaux revenus produits aux Etats-Unis.
Oui, cher lecteur, les choses n’ont jamais été si positives pour les riches. Ils ne sont pas très nombreux, et ils profitent de quasiment toute la richesse créée dans le pays. Bien entendu, il y a d’autres avantages. Les riches ne dépendent pas de la Sécurité sociale ou des prêts étudiants. Une bonne chose, puisque ces programmes sont tous en déficits et feront faillite tôt ou tard. Ensuite, les choses iront encore mieux pour les riches… parce qu’ils seront les seuls à pouvoir encore se permettre des soins de santé, une retraite et une éducation universitaire.
▪ Il y a du changement dans l’air…
Mais que voyons-nous ? Autrefois, les Américains admiraient les gens qui gagnaient beaucoup d’argent. Aujourd’hui, ils les méprisent et s’en méfient. C’est en partie pour cette raison que Mitt Romney n’a pas pu gagner la Maison Blanche, en dépit du taux de chômage élevé. Il y avait quelque chose de louche à un type qui avait gagné tant d’argent sans se salir les mains.
Les riches sont toujours l’objet de l’envie. Ils deviennent à présent un objet de haine aussi. Les gens ordinaires se disent qu’ils ont dû faire quelque chose de pas net. Comment auraient-ils obtenu autant d’argent, sinon ?
Peut-être se rappellent-ils la phrase de Balzac : « derrière chaque grande fortune il y a un grand crime ».
Mais les riches d’aujourd’hui, en général, ne sont coupables d’aucun autre crime que celui d’avoir été au bon endroit au bon moment. Ils possèdent et gèrent des entreprises cotées en Bourse à un moment où les autorités injectent des liquidités et du crédit dans le système.
Nous espérons qu’au moins ils en sont reconnaissants…