▪ Eh bien, voilà une bonne nouvelle ! "Le bétail américain chute à ses niveaux de 1958".
C’est une bonne nouvelle parce que cela signifie que nous pourrons peut-être gagner de l’argent grâce à nos vaches squelettiques, en Argentine. Nous avons acheté une ferme là-bas il y a quatre ans. A l’époque, nous avions environ 1 000 têtes de bétail. Mais nous avons fait appel à un expert — un grand blond appelé Juan Anderson. Il nous a recommandé de réduire le nombre de vaches, de sorte qu’elles aient assez à manger dans nos pâtures désertiques. Nous n’en sommes plus qu’à 600 vaches — et une équipe de sept gauchos qui n’ont plus assez de travail. Nous plantons donc des vignes et des noyers. Nous allons également construire un chef-d’oeuvre — un cottage de pierre et d’adobe, chauffé à l’énergie solaire, avec un plafond voûté. Mais ce projet est pour l’avenir… restez à l’écoute. En attendant, nous essayons de garder les gauchos occupés… et de ralentir les pertes.
Est-ce vraiment un bon mode de fonctionnement ? Bien sûr que non. C’est un passe-temps.
Mais il doit y avoir des millions de passe-temps/entreprises partout dans le monde — des entreprises marginales… qui luttent et parviennent tout juste à joindre les deux bouts.
"Tout se passe à la marge", a dit Keynes. Une grande entreprise bien financée, surtout lorsqu’elle a le soutien du gouvernement, a les ressources nécessaires pour survivre à une récession. Même notre petit passe-temps argentin peut se traîner pendant quelques années — ou jusqu’à ce que nous fassions faillite, selon ce qui arrive en premier. Mais il doit y avoir des millions d’autres petits entrepreneurs qui sont déjà au bout du rouleau. Ils ne peuvent obtenir de financement de la part des banques. Et ils se retrouvent à court de leur propre argent. A chaque mois de récession supplémentaire, une plus grande part de ces entreprises marginales doivent fermer leurs portes.
Nous n’avons pas de statistiques sur le sujet. Bon nombre de ces petits entrepreneurs ne sont pas comptabilisés dans la main-d’oeuvre. Ce sont des entrepreneurs, pas des employés. Ils ne se font donc pas licencier… et ne sont pas comptés dans les chiffres de l’emploi.
Les chiffres officiels du chômage nous disent que 10% de la main-d’oeuvre américaine sont sans emploi. Mais à la Chronique Agora, nous ne croyons pas aux statistiques… sauf à celles que nous avons trafiquées nous-même. Même ainsi, nous avons des doutes. Il semble probable que le nombre de personnes considérées comme "sans emploi" sous-estime le nombre de gens ne gagnant pas autant d’argent qu’avant. Voilà pourquoi les recettes fiscales sont en baisse… et pourquoi tant d’Etats américains font faillite.
▪ Bien entendu, le président des Etats-Unis pense de son côté qu’une reprise est en cours… et qu’il peut désormais réduire les relances gouvernementales. Il a annoncé un gel partiel des dépenses. Ce gel n’est pas exactement glacial. Il ressemblerait plutôt à une douce brise. Sur les 10 prochaines années, il devrait éliminer 250 milliards de dollars de dépenses gouvernementales. Le déficit budgétaire rien que pour cette année est de 1,35 millier de milliards de dollars. Les réductions sont négligeables, en d’autres termes.
Nous n’en attendions pas moins. Les autorités parlent… et ce n’est pas suivi d’actes. Elles ne font que trébucher d’une erreur à une autre, plus grosse encore. De l’incitation d’une émeute de crédit dans le secteur privé… elles sont passées à l’instigation d’une révolution du crédit dans le secteur public. Lorsque tout sera enfin terminé… de nombreux pays seront ruinés… et le dollar vaudra une fraction de ce qu’il vaut aujourd’hui. Que pourrait-il se passer d’autre ? Eh bien, rien que nous puissions voir pour l’instant. Mais il y a toujours des surprises, n’est-ce pas ?
La plupart des économistes pensent que la récession est terminée. Les investisseurs sont plus nombreux à penser qu’un marché haussier règne sur Wall Street, et ils s’attendent à ce que ça continue. Ils seront tous surpris. Nous sommes dans une dépression. Elle fera rechuter les actions… les poussant probablement sous leurs planchers de mars 2009, jusqu’au plus bas final.
Comment pouvons-nous en être si certain ? Eh bien, nous ne sommes sûr de rien. Ce n’est qu’une supposition éclairée. Les marchés tendent à osciller entre la crainte et l’avidité sur de longues périodes de temps. Durant la phase d’avidité, le crédit se développe, en général. Durant la phase de crainte, il se contracte. Evidemment, les choses vont un peu plus loin. Mais les gens sont grosso modo soit optimistes et expansifs, soit déprimés et recroquevillés sur eux-mêmes. Lorsqu’ils sont optimistes, les prix des actifs grimpent… parce qu’ils s’attendent à ce que tout aille de mieux en mieux. Lorsqu’ils sont déprimés, les prix des actifs chutent… parce que les gens ne peuvent imaginer que les choses s’amélioreront un jour.
Voilà pourquoi août 1982 était une opportunité si incroyable. BusinessWeek a annoncé que les perspectives boursières étaient si mauvaises qu’on avait assisté à "la mort des actions". Il n’y a pas franchement pire que la mort. Les choses ne pouvaient plus aller moins bien. Elles sont donc allées mieux — beaucoup mieux, avec des actions qui ont été multipliées par 11 au cours des 20 années qui suivirent.
A la fin des années 90, on a annoncé la même chose de l’or. Nous ne souvenons pas de la source ; peut-être était-ce Newsweek qui prononçait la "mort" du métal jaune en tant que classe d’actifs. Et ensuite ? Ça par exemple… l’or est revenu d’entre les morts et a fait cinq fois mieux que les actions.
Qu’est-ce qui est si mort, en ce moment, que ça commence à puer ? Hmm…
▪ La seule chose qui nous vienne en tête, ce sont les actions japonaises. Chaque fois que nous en parlons, nos lecteurs nous demandent si nous avons perdu la tête. Les Japonais se font vieux. Ils ne sont pas seulement confrontés à une crise des retraites, ils risquent l’extinction. Et ils ne sont pas uniquement sur le point d’être enterrés figurativement… ils sont littéralement enterrés sous les dettes. Le gouvernement s’enfonce dans un endettement monstrueux… sans aucun moyen de le financer. Les autorités nippones empruntent déjà plus d’un dollar pour chaque dollar de recettes fiscales. En plus, les Chinois travaillent pour moins cher. Ils ont la même technologie… le même accès aux capitaux… et un marché bien plus grand.
Comme pour prouver que le Japon est bien mort, Toyota semble avoir noyé son mécanisme d’accélération. Selon la presse, certaines automobiles Toyota vont de plus en plus vite, même lorsqu’on ne le leur a pas demandé. Les conducteurs n’aiment pas trop ce genre d’insubordination. Seuls les avocats s’en délectent. Toyota a fermé ses chaînes d’assemblage pour atténuer les dommages. Les investisseurs ont donc mis à mal les actions Toyota hier ; elles ont chuté de 9%.
Est-ce la fin de la route pour Toyota… et pour le Japon ?
Probablement pas. Mais nous attendons de voir ce qui va se passer… comme tout le monde.