▪ La vérité existe-t-elle ? Si deux personnes sont témoins d’un incident, il est fort probable qu’on obtiendra deux versions différentes de cet événement. La vérité est subjective… sujette à interprétation, aux souvenirs et aux influences. Le fait d’une personne est la fiction d’une autre.
Nous soulevons ce sujet parce que Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale, a débuté en mars une série de quatre conférences. Dans la première, les pauvres étudiants de l’université George Washington ont pu avoir sa version de la façon dont la Fed est née et de son objectif. Il leur a également donné sa version sur l’étalon-or. Est-ce un souvenir fidèle des événements ?
Bernanke n’a pas résisté à raconter la blague archi-connue qui fait beaucoup rire ceux qui ne comprennent rien à l’or. Je vous la livre ici : on dépense beaucoup d’énergie à retirer de l’or du sol d’Afrique du Sud ou d’ailleurs, pour le replacer dans un autre trou, celui d’un coffre-fort new-yorkais. Tadaam !
Bernanke a également déclaré qu’un problème de l’étalon-or est que lorsque l’activité économique s’échauffe, la masse monétaire augmente et les taux d’intérêt baissent — l’inverse de ce que ferait normalement aujourd’hui la banque centrale.
Bernanke devrait lire l’ouvrage de Bastiat, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Bernanke voit le coût de l’étalon-or mais il n’en voit pas les bénéfices — ici, le bénéfice est que c’est le marché qui établit le prix de l’argent, et non les banquiers centraux. (Il n’est donc guère surprenant qu’il ait choisi de ne pas voir cela).
Avec l’étalon-or, lorsque l’activité économique reprend, l’or se dirige vers l’économie en croissance. Parce que sous le régime de l’étalon-or, l’or est de l’argent, la masse monétaire augmente, ce qui diminue le prix de l’argent (les taux d’intérêt).
Pour Bernanke, ce n’est pas une bonne chose. C’est même le contraire de ce qu’il ferait. C’est pour cette raison que le monde est dans une telle pagaille.
Mais son raisonnement est complètement faux.
▪ L’autre partie de l’équation
Voyez-vous, Bernanke ne tient pas compte de l’autre partie de l’équation. Si l’or afflue dans une économie en croissance, cela veut dire qu’il fuit une autre économie. Si l’or fait augmenter la masse monétaire et réduit les taux d’intérêt d’un pays, il contracte la masse monétaire et augmente les taux d’intérêt d’un autre pays.
Bernanke voit bien la vérité de l’étalon-or : un mécanisme d’équilibrage naturel imposant une discipline constante aux pays. Il permet d’établir un taux d’intérêt du marché, ne favorisant aucun groupe d’intérêt en particulier… qu’il s’agisse de banquiers, d’agriculteurs, de consommateurs ou d’épargnants.
Lorsque la masse monétaire augmente (résultat d’un afflux d’or), cela entraîne une hausse des épargnes. Lorsque l’épargne est forte, les taux d’intérêt baissent naturellement. Ceci encourage la dépense de cette épargne ou bien décourage toute épargne ou investissement supplémentaire.
Autre partie de l’équation : le pays qui voit sortir l’or et connaît une hausse des taux d’intérêt subit une contraction économique. Des taux plus élevés découragent la consommation et incitent à une reconstruction de l’épargne et par conséquent de l’investissement.
Lorsque les taux d’intérêt augmentent dans une économie de marché, c’est signe que quelque chose ne va pas. Ils signifient qu’il y a un manque d’épargne dans le pays. Des taux plus élevés et une contraction économique sont les moyens que trouve le marché de reconstruire l’épargne, d’encourager l’innovation et de nouveaux investissements et de jeter les bases de la prochaine expansion.
Bernanke pense qu’il peut promouvoir une expansion constante en traficotant la masse monétaire. Ses taux perpétuellement bas découragent l’épargne et l’investissement et encouragent la consommation. Il fait exactement le contraire de ce que le marché ferait sous le règne de l’étalon-or.
▪ Une seule personne peut-elle être plus intelligente que la sagesse collective de millions de gens ?
Lors de sa conférence, Bernanke a raconté comment ‘l’étalon-or’ a provoqué une crise sur la Banque d’Angleterre en 1931. Par l’éditeur du Daily Reckoning australien Nick Hubble, j’ai appris que l’université George Washington est l’une des plus chères au monde. Si j’étais étudiant, à la suite de cette conférence, j’aurais demandé qu’on me rembourse mes frais de scolarité.
Il y a eu une ‘surchauffe’ de la Banque d’Angleterre parce qu’après la Première Guerre mondiale, l’Angleterre créa un ‘étalon de change or’ pour remplacer l’ancien étalon-or. Ce nouveau système assura à l’Angleterre la possibilité de faire marcher sa planche à billets afin de renflouer son économie chancelante d’après-guerre. En effet, ce système rendait la livre sterling ‘aussi bonne que l’or’ et certains pays accumulèrent alors les livres (au lieu de l’or) pour payer leurs marchandises.
L’étalon de change or ne nécessitait pas la discipline requise par l’étalon-or traditionnel. Il a facilité le boom de la fin des années 1920 et lorsque l’effondrement arriva, les pays qui détenaient trop de livres sterling voulurent les échanger contre de l’or.
Naturellement, la Banque d’Angleterre n’avait pas assez d’or pour honorer ses promesses. La Grande-Bretagne sortit donc de l’étalon-or. Et bien sûr, Bernanke rejette la faute sur l’or. Il ne fait même pas la différence entre les deux types d’étalon-or… facteur pourtant essentiel dans toute étude de l’économie en période de crise.
Nous supposons que lorsqu’un objet inanimé peut faire votre boulot, vous le décriez. Que Bernanke le fasse si mal face à un groupe de jeunes gens est une triste mise en accusation de notre système financier et de notre système d’éducation.
L’ignorance engendre l’ignorance.