Les banques centrales ont depuis des décennies la même réponse pour faire face aux crises : toujours plus de création monétaire. En pratique, cela ne résout rien.
Durant les périodes de récession, les facteurs de production dont l’utilisation participe en temps normal à la prospérité économique sont utilisés en dessous de leur capacité. Afin d’augmenter le taux d’utilisation des capacités de production sous-employées, certains experts sont d’avis que la solution réside dans la mise en œuvre de politiques visant à faciliter l’accès au crédit. Voici ce qu’a écrit l’économiste autrichien Ludwig von Mises à ce sujet :
« Il existe, affirment-ils, des usines et des fermes dont la capacité de production n’est pas utilisée, ou seulement partiellement, ainsi que des piles de marchandises qui ne trouvent pas d’acheteur et une foule de travailleurs sans emploi. Mais, en parallèle, il y a aussi des masses de gens qui seraient heureux de pouvoir satisfaire plus largement à leurs besoins.
La seule chose qui manque, c’est le crédit. Un accroissement de la quantité de crédit distribué permettrait aux entrepreneurs de reprendre ou d’accroître leur production. Les chômeurs pourraient ainsi retrouver un emploi et consommer les produits fabriqués. Ce raisonnement semble raisonnable à première vue. Pourtant, il est totalement faux. » [1]
La forme de crédit qui manque réellement, c’est le crédit productif. Pour résumer, un crédit productif est un prêt accordé par un créateur de richesses à un autre créateur de richesses. En échange du fait de renoncer à la possibilité d’utiliser son capital pendant une période de temps donnée, le prêteur est indemnisé par le biais des intérêts que l’emprunteur s’engage à lui verser.
En règle générale, plus sa quantité de richesse augmente, plus le taux d’intérêt qu’un créancier est prêt à accepter sera faible. En d’autres termes, sa préférence temporelle aura tendance à diminuer.
Notez que le niveau du taux d’intérêt n’est qu’un indicateur, pour ainsi dire. Il n’est pas à l’origine de l’accroissement de la quantité de richesse. Toute politique reposant sur la manipulation des taux d’intérêt ne fera que rendre beaucoup plus difficile pour les créateurs de richesses l’estimation du niveau de la demande des individus.
Cela risque ensuite de conduire à une mauvaise allocation du crédit productif et à l’affaiblissement du processus de création de richesses.
En raison de la distorsion des taux d’intérêt, un phénomène de surproduction de certains biens et de sous-production d’autres biens finira par émerger.
Les politiques monétaires laxistes donnent l’impression de fonctionner
Tant que la quantité globale de richesses continue de s’accroître, les politiques monétaires laxistes sont susceptibles de donner l’impression de « fonctionner ». Cependant, une fois que la quantité globale de richesses commence à stagner ou même à décliner, alors « la musique s’arrête » et la banque centrale ne peut rien y faire, quelle que soit la quantité de monnaie supplémentaire qu’elle chercherait à injecter.
Bien au contraire, plus la banque centrale poursuit une politique proactive pour tenter de relancer l’économie, plus les choses risquent d’empirer, car une politique monétaire laxiste revient à échanger davantage de monnaie créée à partir de rien contre des ressources réelles, affaiblissant d’autant plus le processus de création de richesses, autrement dit le cœur de la croissance économique.
Certains pourraient affirmer que, quelles que soient les raisons à l’origine de l’apparition de facteurs de production inutilisées, le rôle de la banque centrale est de mener des politiques qui permettront une meilleure utilisation de ces ressources.
Mais une politique monétaire laxiste ne peut pas remplacer la réserve d’épargne nécessaire pour permettre l’utilisation productive des facteurs de production inutilisés. Gardez en tête que la banque centrale n’est pas une institution créatrice de richesses et ne peut donc pas générer l’épargne nécessaire pour alimenter la croissance économique. En effet, tous les individus qui sont employés aux différents stades du processus de production ont besoin de biens de consommation pour satisfaire leurs besoins vitaux et améliorer leur bien-être, et non des morceaux de papier que nous appelons monnaie.
Comment apparaissent les ressources inemployées ?
En règle générale, l’apparition de capacités de production inemployées résulte des politiques procycliques de la banque centrale. A cause de la politique monétaire laxiste menée dans le passé, de nombreuses « bulles », c’est-à-dire des activités improductives, se sont développées. Ces activités dépendent – pour continuer de survivre – du maintien d’une politique monétaire laxiste, qui a pour conséquence de rediriger les capitaux des créateurs de richesses vers ces activités.
Un resserrement de la politique monétaire de la banque centrale permet de stopper ce détournement, ce qui a pour effet de dégonfler les bulles tout en renforçant les activités productives, renforçant ainsi le processus de création de richesses.
Notez bien que les dégâts causés par une politique monétaire laxiste (qui a pour effet de fragiliser le processus de création de richesses) ne peuvent être réparés à court terme.
Une fois que le processus de création de richesse commence à se renforcer, l’expansion qui résulte de la quantité de richesses disponibles, toutes choses étant égales par ailleurs, rend possible l’augmentation du réservoir d’épargne. Cela permet ensuite de résorber plus facilement les ressources inemployées. D’après Mises,
« Après l’explosion de la bulle, il n’y a qu’un seul moyen de revenir à une situation dans laquelle l’accumulation progressive du capital permet d’assurer une progression régulière du niveau de vie : épargner davantage afin de financer de nouveaux investissements en biens de production en dotant harmonieusement l’ensemble des branches du système économique du capital nécessaire.
Les branches d’activités qui ont été indument négligées pendant la période antérieure de boom économique doivent être dotées des biens de production qui leur manquent.
Le niveau des salaires doit diminuer ; les consommateurs doivent accepter de restreindre temporairement leurs dépenses jusqu’à ce que le capital gaspillé par les mauvais investissements antérieurs soit reconstitué. Ceux qui trouvent déplaisante cette période difficile de réajustement auraient dû s’abstenir de recourir au crédit durant sa phase d’expansion. » [2]
En outre, ajoute Mises,
« Si les marchandises ne trouvent pas d’acheteurs et que les travailleurs ne trouvent pas d’emploi, la seule explication possible réside dans le niveau excessif des prix et des salaires.
Celui qui cherche à vendre ses stocks ou sa force de travail doit accepter de réduire ses exigences jusqu’à ce qu’il trouve un acheteur. Telle est la loi du marché. Tel est le mécanisme par lequel le marché oriente les efforts de chaque individu dans les domaines où ils peuvent le mieux contribuer à la satisfaction des besoins des consommateurs. » [3]
Cela devrait vous donner assez de pistes de réflexions pour aujourd’hui. Nous nous pencherons demain sur les solutions que proposent les économistes pour résoudre ce problème.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.
[1] Ludwig von Mises, Human Action: A Treatise on Economics, 3d rev. ed. (Chicago: Contemporary Books, 1966), pp. 578–79.
[2] Ibid.
[3] Ibid.