Une black pool en or pour les gros joueurs
Une black pool offre, aux traders professionnels exclusivement, quelques-uns des services dont ils peuvent disposer sur un marché électronique comme le NYMEX, avec une différence fondamentale : l’anonymat. Les clients de Tim peuvent prendre des positions sur les marchés de futures ou d’options en "over the counter", c’est-à-dire à travers des accords de gré à gré. A la différence du "pit" (la criée du marché public ordinaire), ces positions ne seront pas divulguées aux autres participants.
Pour les gros joueurs, c’est un avantage considérable : si un acteur de premier plan engage en public de forts montants sur une opération, tout le marché ajustera ses positions en conséquence.
Un peu de technique…
Sur les marchés de produits dérivés, j’ai déjà eu l’occasion de vous l’expliquer, chaque transaction est un "pari" engagé entre deux parties : l’argent que vous gagnez sort directement de la poche de l’autre, et réciproquement. Si bien que le gré à gré, malgré ses avantages, cette technique rencontre deux écueils que le marché régulé permet de contourner : la sécurité — que faire si l’autre n’a pas de quoi vous payer ? — et la liquidité — vous avez besoin du plus grand nombre d’interlocuteurs pour négocier les meilleures enchères, c’est-à-dire pouvoir acheter ou vendre au plus près du prix qui vous intéresse.
C’est là que Tim et ses collègues trouvent leur valeur ajoutée : leurs trades peuvent être garantis par une chambre de compensation, exactement comme sur le "pit", et par ailleurs, ils parlent à l’élite des marchés de l’énergie européen et nord-américain. Leur base clients étendue leur garantit une excellente liquidité. Comme ils sont petits, ils ont peu de frais fixes et se montrent peu gourmands en commissions. Pas étonnant dès lors que leur structure se soit tirée, jusqu’ici, très honorablement de la crise.
12h30. Mon petit déjeuner très matinal est bien loin… Mais je continue de regarder, fasciné
C’est le moment le plus actif de la journée, celui des gros deals — et la tension commence à marquer les brokers. Un stagiaire se fait rabrouer : il a contacté le mauvais client avec la mauvaise offre. "This is bullshit !", s’énerve le chef. L’une des pires fautes pour un broker, c’est de faire perdre son temps au client, par exemple en le dérangeant pour rien. La pression est telle que les traders pardonnent rarement cet impair : si on les contacte, on a intérêt à avoir du solide ; de même qu’il faut concrétiser immédiatement, si jamais ils donnent suite. C’est essentiel pour bâtir la confiance. Le stagiaire écope d’un savon du genre à vous donner envie de rentrer sous terre : comme dans les films, c’est sans pitié…
14h45. C’est déjà fini : le marché américain vient de fermer
L’équipe décompresse, tout en expédiant les affaires administratives. Tim fait les comptes tandis que le backoffice vérifie les formalités des deals. "Une journée correcte", conclut-il, sans plus de détails.
Je suis invité à partager le déjeuner tardif que se fait livrer l’équipe, en provenance du meilleur traiteur italien du quartier. A présent, l’équipe plaisante. Le chef chambre gentiment le stagiaire, lequel reste accablé par sa bourde de tout à l’heure. Je goûte mes pâtes aux cèpes : elles sont délicieuses…
"Ce n’est pas tous les jours comme ça, attention !, me précise Tim.
J’en conclus que la journée a été très correcte.
"On dirait que vous vous en tirez bien", dis-je. "Mais vous n’êtes pas inquiets devant l’évolution possible de la réglementation ? Ca ne risque pas d’affecter votre business ?"
"On verra bien", me répond-il en avalant ses linguines. "Les politiques roulent des mécaniques, mais ce marché a un poids économique énorme pour les Etats-Unis… Et il y a un vrai besoin de discrétion, donc un besoin de gens comme nous. Est-ce que le gouvernement est prêt à courir le risque de tuer ce marché ? Je ne le pense pas, mais… wait and see."
En bas, une ambulance hurle à nouveau, avec sa sirène si étrange qui fait penser à un jouet électronique…
[NDLR : Sylvain ne se contente pas d’observer ! Le marché des matières premières, il le connaît sur le bout des doigts : il lui a déjà permis d’engranger des gains de 35,70%, 32,11%, 36%, 66,47% — et bien plus encore. Profitez de ses prochains conseils sans plus attendre : il suffit de cliquer ici]
Meilleures salutations,
Sylvain Mathon
Pour la Chronique Agora