Jean-Luc Mélenchon est récemment devenu le youtubeur politique le plus suivi de France et l’homme politique le plus populaire. Pas étonnant, dans un pays où tous les présidents qui se sont succédé à la tête de la République depuis 1981 étaient de fieffés démagogues.
Avec Mélenchon, au moins, la situation est toujours limpide et les solutions proposées ont le mérite d’être simples. Le député européen applique le principe KISS (« Keep it simple, stupid ») à tellement de sauces que parfois, ça se voit.
Mais cette simplicité n’est que de façade, car le candidat de la France Insoumise manie en réalité avec brio toutes les techniques de la dialectique éristique. Il est vrai qu’en 40 ans de vie politique, il a eu le temps de répéter ses gammes. Gardez Schopenhauer à portée de main, tant Mélenchon semble de prime abord toujours avoir raison.
Prenons par exemple ce tweet du 1er décembre 2016 : « Tout le monde planifie, même les grandes entreprises. Nous, nous planifierons pour changer les modes de production. » Si les grandes entreprises le font, l’Etat doit suivre leur exemple.
CQFD ? Pas vraiment. En réalité, nous avons ici affaire au syndrome de toute puissance marxiste, un sophisme et une mystification avec éruption de Hauts commissariats et de plans quinquennaux.
La mystification : « l’Etat stratège » aurait vocation à décider des modes de production
Mélenchon présuppose qu’il incombe à l’Etat d’organiser la production. Que voilà une idée qui sent bon l’entreprise d’Etat cubaine ! Mais il est vrai que pour Mélenchon, si « Fidel a fait des erreurs », « tout le monde a fait des erreurs » et « l’épée de Bolivar marche dans le ciel ».
Il me semble que les exemples soviétiques, chinois, cubains ou encore coréens parlent d’eux-mêmes. A moins bien sûr de considérer comme Ségolène Royal qu' »il faut savoir regarder les choses positivement » et que la Révolution a tout de même garanti la « liberté religieuse » et « la liberté de conscience » aux Cubains. Dans la même logique, pourquoi ne pas réhabiliter Hitler, puisqu’il a construit des autoroutes ?
Par ailleurs, les deux phrases qui composent ce tweet ne s’appliqueraient que dans une France ayant supprimé le bleu et le blanc de son drapeau. En effet, s’il revient à l’Etat de décider des « modes de production », c’est qu’il n’y a plus d’entreprises privées pour « planifier » quoi que ce soit mais uniquement des entreprises d’Etat. Dans ce scénario, les chefs d’entreprises privées ont été remerciés par des fonctionnaires et expropriés de leurs biens qui ont été transformés en sovkhozes.
Le sophisme : si la planification fonctionne pour les grandes entreprises, aucune raison qu’elle ne fonctionne pas pour l’Etat
Pour assurer leur rentabilité et leur développement, les entreprises développent et mettent en oeuvre des stratégies qui visent à allouer plus efficacement leurs ressources que la concurrence. Si des cadres et des ingénieurs peuvent le faire, il irait donc de soi que l’Etat, fort de son armée de fonctionnaires, verrait ses activités de production couronnées de succès…
Ici, Mélenchon met sur le même plan deux entités que tout oppose. Une entreprise privée qui ne dégage pas de profit a vocation à disparaître. Au contraire, un Etat qui mène une politique industrielle désastreuse peut pratiquer la subvention, en théorie tant que sa capacité d’endettement le permet.
Le rapport au profit et au temps n’est pas le même. « La Silicon Valley réfléchit à 1 000 ans […] et nos politiques à 15 jours », explique souvent le chroniqueur Laurent Alexandre. Le constat qu’il dresse à propos des enjeux des NBIC vaut malheureusement pour tous les secteurs où intervient le pouvoir politique.
[NDLF : Réfléchir à 1 000 ans… et vivre en pleine forme à 100 ans ? « Tuer la mort » est une des ambitions des biotechnologies — et cela pourrait enrichir les actionnaires de cette petite entreprise bien particulière. Découvrez ici son marché potentiel de 169 milliards de dollars…]
Pourquoi les extrêmes prospèrent-ils grâce à des discours simplistes ?
Le principe KISS repose sur l’idée selon laquelle la simplicité de la stratégie constitue le meilleur moyen pour séduire. Mieux vaut donc tenir un discours spécieux mais simple plutôt qu’un discours honnête mais complexe.
Jean-Luc Mélenchon a-t-il conscience du fait que les solutions qu’ils proposent sont vouées à l’échec ? A chacun de se faire son idée en ayant en tête le triangle d’incompatibilité de Jean-François Revel selon lequel « on ne peut pas être à la fois socialiste, honnête et intelligent ».
4 commentaires
Les discours simplistes ne manquent parfois pas d’intérêts mais malgré tout seuls semble-t-il les intellectuels y sont sensibles!
L’humain d’abord, notre biosphère, la démocratie ….toutes choses ou l’entreprise privée excelle…. c’est bien connu!
Planifier comme le faisait le grand marxiste appelé De Gaulle, c’est à dire choisir des objectifs et inciter les entreprises privées et pourquoi pas publiques à les cibler ne me parait pas stupide.
Evidemment, le contraire venant de la part de l’auteur qui donne des conseils d’investissement sur le marché de l’or, ne peut-être espéré et nous assistons là à la défense désespérée des nantis qui ne veulent en rien partager leurs picaillons. Si nousssuivons le raisonnement de M. Perrin, il faudrait accepter que 1 % détiennent les richesses mondiales et que finalement, le fait qu’il y ait des gens qui ne mangent pas tous les jours, que la terre est de plus en plus polluée, que les gens dorment dans la rue, font plusieurs boulots pour survivre, c’est normal (T.I.N.A.- There is no alternative, merci Mme Thatcher). Il est plus important que les riches soient de plus en plus riches (c’est le cas) et que les pauvres soient heureux de pouvoir admirer les magasins et rêver ! Concept particulier, mais normal pour un gestionnaire en patrimoine !
Mélenchon est certes criticable, mais pas stupide: il connait très bien l’attachement des français à la liberté et à la propriété privée. Il n’est pas utile de le caricaturer à ce point.
Son discours, pour excessif qu’il soit met le point sur une réalité qui nous amène droit dans le mur depuis 20 ans: l’incapacité de nos dirigeants à sortir du court termisme pour avoir un horizon que la réélection au bout du quinquennat.
Toutes les politiques sont aujourd’hui pensées et organisées pour « équilibrer » « boucher le trou », répondre à de l’émotion et surtout pour faire de la com’ dans une campagne électorale devenue permanente…..
Aucune vision à 15 ou 20 ans ne se dégage, aucune perspective pour la jeunesse, aucun projet national ou européen.
C’est comme cela que l’on arrive à 48.000 morts par an à cause de la pollution, à des trafics de drogue et du terrorisme qui prospèrent parce que l’état a détruit des postes de policiers et militaires, à des retraites en voie de disparition et de plus en plus repoussées, alors que des millions de jeunes ne bossent pas, à des campagnes dépeuplées alors que les foules de chomeurs s’entassent en ville…….
Et pendant ce temps, une trentaine de candidats à la présidentielle sont trop pris pour concevoir des plans quinquennaux car ils ne s’occupent que de « leur » carrière politique et de leur ego.
Ce champ du « plan » est totalement abandonné à l’Europe, qui a de vrais « grands » projets pour nous (projets relativement secrets et non démocratiquement choisis)…..
Pas de doute que Mr.Perrin sera retrouvé traversant les alpes helvétiques avec une valise d’or et de billets si Mélenchon est élue.
J’avoue être sympathisant de sa cause, j’aurais été ravis de lire un article intéressant de la chronique à son sujet, quelque chose d’un peu plus profond qu’une analyse de tweet qui dévie rapidement sur une psychose crypto-marxiste.
Après l’article « Trump : l’art du spectacle à la conquête de la Maison Blanche »de Mr.Bonner on espérait que les cris partisans vides de sens qui ne font rien d’autre que réaffirmer des valeurs dénaturés se feraient plus rare, faites vous donc élire, et allez hurlez le mercredi à l’assemblé.
Un discours simpliste contre un autre, CQFD. .