Après avoir dépassé les 50 $ à la suite de la décision de l’OPEP de limiter l’offre fin 2016, le pétrole est quasiment bloqué cette année sur une fourchette étroite de prix.
Le pétrole est un excellent « exemple pédagogique » pour tenter de comprendre les forces mystérieuses (mais compréhensibles) qui sous-tendent un marché.
Ce thème est essentiel dans toute stratégie de trading. Une fourchette de prix se met en place lorsqu’il n’y a aucune raison majeure pour qu’ils baissent ou montent. Au lieu de cela, les prix stagnent. En ce moment même, le pétrole se situe dans une fourchette entre 50 $ et 55 $.
Les fourchettes de prix peuvent durer longtemps. Se développe alors une sorte de malaise psychologique au sein duquel les perspectives et l’intérêt se détériorent. Mais les fourchettes de prix sont explosives à retardement. Lorsqu’on sort d’une fourchette de prix – à la hausse ou à la baisse – les mouvements peuvent être extrêmes. Comprendre comment et pourquoi cela a lieu peut être extrêmement rentable. Cela revient à de la psychologie comportementale.
Hans van Cleef, un analyste senior d’ABN Amro, a indiqué à Bloomberg le 21 février « que les prix du pétrole pourrait facilement rejoindre le bas de 30 $ » sauf si l’OPEP et la Russie prolongent leurs quotas. C’est cependant un point de vue minoritaire.
Selon John Kemp, l’analyste spécialiste du pétrole chez Reuters, les positions spéculatives à la hausse des hedge funds, prises au travers des options et des contrats à terme, sont colossales : 903 millions de barils, soit 10 jours de consommation mondiale. S’ils passaient vendeurs, la chute serait brutale…
La plupart des professionnels de l’industrie pensent que le pétrole restera dans le couloir 50 $ – 60 $ car beaucoup de producteurs privés peuvent « vivre avec cela ».
Ici au Congo, Total estime qu’en dessous de 80 $, l’extraction n’est pas rentable. L’exploitant songe à se replier de ses concessions.
Dans le monde, la prospection a fortement ralenti depuis 2014. Les investissements en exploration sont passés de 100 Mds$ en 2014 à moins de 40 Mds$ en 2016, d’après le cabinet spécialisé Wood Mackenzie. Un plus bas de 60 années. Du coup, les découvertes de pétrole ont chuté de 25% en 2016 par rapport à 2015. Elles s’élèvent à 11,6 milliards de barils équivalent pétrole (hors pétrole et gaz de schiste).
Malgré cela, « les réserves prouvées de pétrole dans le monde ont doublé en 35 ans, à 1 700 milliards de barils fin 2015, ce qui représente plus de 50 ans de consommation mondiale », indique Les Echos.
[NDLR : Vallourec, CGG, Technip font les frais de cette situation. Aviez-vous de telles valeurs dans votre PEA ? Comment avoir en toutes circonstances le PEA parfait ? Notre spécialiste vous l’explique ici.]
On ne s’échappe pas d’une fourchette de prix par hasard. Le pétrole ne va pas tout d’un coup passer à 60 $ ou à 45 $ sans bonne raison. Il y a forcément une histoire ou une raison psychologiquement urgente qui justifie que les prix montent ou baissent fortement, avec pour catalyseur un événement inattendu qui déclenche le mouvement.
Après tout, le marché est fait d’êtres humains. Les êtres humains ne sont pas rationnels. Nous agissons souvent par instinct et selon des biais psychologiques. Il en va de même pour le marché : il a besoin d’une histoire à se raconter pour justifier une hausse (ou une baisse) des prix ; puis il a besoin d’un déclencheur – un coup de pied aux fesses, pour être clair – pour conférer une urgence à cette histoire.
L’histoire du Peak oil avait enflammé le pétrole dans les années 2005. Aujourd’hui on est à l’histoire de la croissance molle. Il n’y a plus d’urgence. Pour le moment, le monde peut brûler autant d’hydrocarbure qu’il le veut. Les stocks augmentent aux États-Unis « parce que les raffineries produisent de l’essence plus vite que les Américains ne la consomme » selon Fortune. Dès que les prix se relèvent légèrement la production américaine de pétrole de schiste repart de plus belle.
Les fonds spéculatifs, bien sûr, ne brûlent pas de pétrole, fait aussi remarquer Fortune. Ils détiennent désormais 9,5 barils pour un baril vendu à découvert, le plus haut ratio acheteurs contre vendeurs depuis 2014. Mais si les prix ne montent pas, ces fonds spéculatifs se résoudront à vendre leurs positions avant même que le pétrole acheté ne touche un terminal et ne leur coûte du stockage. Avec un tel ratio acheteurs contre vendeurs, la chute risque d’être brutale. A moins que l’arrivée de la driving season — la saison où les Américains roulent à nouveau — ne donne finalement raison aux spéculateurs…
Nick O’Connor et Simone Wapler
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Ce que ne nous dit pas BP, c’est combien coûtera l’extraction de ces 1 700 milliards de barils. Ce qu’on voit, c’est une hausse structurelle des coûts en exploration et en extraction que ne compense pas les progrès technologiques.
« les réserves prouvées de pétrole dans le monde ont doublé en 35 ans, à 1 700 milliards de barils fin 2015, ce qui représente plus de 50 ans de consommation mondiale », indique Les Echos.
Ce commentaire est une vaste blague, les réserves s’épuissent.
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