Il s’agit souvent de montage dans la « zone grise » du Droit. Une fois sa réponse donnée, l’administration fiscale ne peut plus revenir en arrière. En revanche, si celle-ci ne vous satisfait pas, vous pouvez désormais la contester encore plus facilement…
Toutes les situations de fait et de droit ne peuvent être envisagées une à une par le législateur. Il arrive donc fréquemment que vous demeuriez perplexe quant à une solution fiscale au regard des seuls textes disponibles dans le Code général des impôts (CGI).
Certes, s’il s’agit d’un acte notarié en projet, votre notaire dispose du Centre de Recherches, d’Information et de Documentation Notariales (CRIDON), composé d’experts de très haut niveau qui vont lui apporter la réponse. Ces services ne sont pas ouverts aux particuliers. Pour ces derniers, le Droit fiscal prévoit une procédure dite de « rescrit » codifiée à l’article L.80 B du Livre des procédures fiscales (LPF).
Le rescrit fiscal : deux avantages pour vous
Le rescrit fiscal vous permet d’exposer votre projet en détail et de solliciter sous trois mois une réponse qui vous indiquera précisément l’impôt applicable, son assiette, et donc son montant.
Premier avantage, il ne s’agit plus ici d’interroger oralement un inspecteur des impôts – les paroles s’envolent – mais d’obtenir une réponse ferme et particulièrement argumentée.
Le second avantage – et non des moindres pour vous – réside en ce que la réponse des services fiscaux est irrévocable sans limite de temps. Autrement dit, si votre montage juridique particulier n’engendre la perception de l’impôt que des années plus tard, l’Etat sera lié et ne pourra pas vous réclamer plus que ce qu’il vous aura préalablement indiqués.
Comme le prévoit l’article L.80 B du LPF articulé à l’article L.80 A du LPF:
« Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration.«
Autrement dit… c’est là le moment de brandir le rescrit initial à votre contrôleur !
La gestion de patrimoine que vous pouvez sécuriser
La gestion de patrimoine recèle nombre de cas, de situations familiales originales et inédites où il peut s’avérer nécessaire d’interroger le fisc AVANT… plutôt que l’affronter APRÈS au cours d’une procédure de redressement fiscal – qu’on appelle pudiquement depuis quelques années « une rectification« …
Les relations avec les fonctionnaires des impôts sont infiniment meilleures en phase amiable qu’en contentieux !
Un exemple me vient à l’esprit : celui des droits réels de jouissance spéciale en matière immobilière. C’est un domaine émergent forgé par la pratique notariale et que la Cour de cassation a désormais écrit dans le marbre depuis l’arrêt Maison de la Poésie.
De tels droits spéciaux ne peuvent ni se rattacher à l’usufruit, ni à la location ou au prêt, etc. Bref, à tout ce qui est codifié et donc bien connu !
Ces hybrides pouvant servir des montages sur-mesure, bien qu’insolites, sont exempts de toute idée de fraude. Rappelons que, sous les seules réserves de ne pas attenter à l’ordre public et aux bonnes moeurs, tout ce qui n’est pas interdit… est autorisé suivant les prévisions de l’article 6 du Code civil.
Autorisé mais pas parfois tellement novateur… que le Droit fiscal peut avoir un train de retard ! C’est donc bien dans ces cas d’espèce que le rescrit peut se révéler précieux.
Le recours pour excès de pouvoir désormais possible
Dans la réponse qu’ils vont vous fournir, les spécialistes des services fiscaux doivent s’en tenir – neutralité du fait fiscal oblige – à l’efficacité dans le seul domaine fiscal, et par conséquent ne pas empiéter sur la partie purement d’ingénierie juridique de votre dossier.
Le Droit fiscal est un « droit de superposition » ayant vocation à se calquer sur toutes les situations personnelles mais pas à les bloquer.
Ce principe vient d’être vigoureusement rappelé à l’administration par le Conseil d’Etat* et surtout la jurisprudence des juges du Palais-Royal a pavé la voie nouvelle d’une procédure de contestation plus rapide.
Jusqu’alors, on considérait qu’un rescrit pouvait se contester uniquement sur la base du Recours de plein contentieux (RPC).
Désormais, la Haute juridiction conçoit qu’un rescrit qui a d’abord été contesté amiablement et qui a abouti à la même réponse insatisfaisante pour le contribuable, puisse être porté devant le Tribunal administratif mais cette fois sur la base du Recours en excès de pouvoir (REP). Une REP est par essence plus rapide et finalement à même de corriger un rescrit.
Enfin, le motif d’un REP contre un rescrit se focalise sur le contribuable lui-même et ses intérêts en parlant sans la moindre équivoque d’un « projet important pour lui » !
Le rescrit fiscal : méconnu et… gratuit !
Au total, il ressort de l’arrêt du 2 décembre 2016 une sécurité juridique et une souplesse encore accrue du rescrit fiscal. Une procédure pourtant peu employée car méconnue du grand public, qui ne retient des services fiscaux que l’image de déclarations à remplir et de possibles « coups de bâtons » en cas d’erreur plus ou moins involontaire sa part…
Enfin, je soulignerai un ultime avantage du rescrit – et non des moindres – parfois qualifié du terme anglo-saxon « ruling » à la française : il ne vous est pas facturé.
Eh oui, il faut le dire bien fort : cette « gratuité » ne va pas de soi dans tous les pays ! Ainsi les contribuables américains doivent débourser entre 10 000 et 20 000 $ pour obtenir un ruling, une approche plutôt élitiste qui le réserve à de gros patrimoines ! Chez nos amis d’outre-Rhin, le rescrit est facturé près de 8% du montant de l’impôt potentiellement dû par celui qui sollicite les fonctionnaires du Bundesministerium des Finanzen.
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* en date du 2 Décembre 2016 (n°387613) qui a prononcé un rejet du pourvoi que la DGFiP avait formé contre le précédent jugement de la Cour administrative d’appel de Paris (19 décembre 2014, n°13PA01232, espèce Export Press c./ Ministres de finances et des comptes publics) qui lui avait déjà été défavorable.