Sous couvert de défense du consommateur contre des risques souvent mal estimés, les ONG militent en réalité pour le protectionnisme.
Ce mois-ci, l’ONG pour les « droits des consommateurs » Foodwatch a publié un rapport (1)
sur les accords commerciaux en cours de négociation par l’Union européenne.
Il s’agit d’un accord de libre-échange avec les quatre membres fondateurs du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay).
L’organisation accuse l’UE de répéter les erreurs du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) et de l’Accord économique et commercial global (AECG) UE-Canada (2), en excluant le public d’un vaste processus de consultation.
Il est étrange que ces ONG se plaignent d’un processus qu’elles ont elles-mêmes dévoyé.
En 2016, le Centre européen pour l’économie politique internationale (ECIPE) a publié un rapport de 147 pages (3) sur la montée des groupes anti-TTIP (aussi connu sous le nom TAFTA), dans lequel il écrit :
« Lors de la consultation ISDS [règlement des différends entre investisseurs et Etats], 97% de toutes les réponses ont été soumises par un petit nombre de groupes d’activistes, souvent identiques ou au moins très similaires les unes aux autres. Ces organisations de la société civile ont mis en place des outils en ligne à utiliser pour faciliter la participation aux procédures de consultation. »
Inonder les décideurs politiques de documents copiés-collés sape le processus de consultation. Sans rechercher une coopération constructive, ces militants font de leur mieux pour être aussi perturbateurs que possible.
Ils préfèrent propager la peur des OGM et de l’huile de palme (en toute méconnaissance de cause) afin de recréer, pour les négociations du Mercosur, les mêmes oppositions que celles suscitées par les accords avec les Etats-Unis et le Canada.
Ils croient que si nos partenaires commerciaux n’acceptent pas toutes nos normes nutritionnelles, alors nous ne pouvons pas commercer.
Pourtant l’importation de marchandises produites selon des normes différentes de celles de l’UE ne mine en rien les normes propres à l’Europe. Tant que les consommateurs sont conscients de l’origine de leur consommation, la reconnaissance mutuelle des normes ne constitue une menace pour personne.
Source rapport ECIPE
Source rapport ECIPE
Le rapport de Foodwatch (4) méprise également la discrimination commerciale mais uniquement lorsqu’elle est pratiquée par les autres.
Ainsi, dans un chapitre sur les relations commerciales mexicaines, les chercheurs notent que :
« En 2001, le Mexique a introduit une taxe sur toutes les boissons non-alcoolisées et aromatisées, avec des édulcorants autres que le sucre de canne (par exemple avec du sucre de betterave ou de l’isoglucose, un sirop de maïs ou de fécule de blé). »
Pourtant, l’UE est bien connue pour ses pratiques commerciales discriminatoires visant à protéger ses propres producteurs, par exemple sa fameuse interdiction de la viande bovine traitée avec l’hormone estradiol-17β (5). Une telle protection agricole est toujours un point de blocage majeur dans les négociations.
La teneur du rapport est bien illustrée par cette déclaration d’un de ses auteurs, Thomas Fritz, lors de la conférence de presse de Foodwatch (6) :
« Notre conclusion est qu’en raison de ces ALE [accords de libre-échange], le commerce des produits alimentaires est susceptible de se développer, ainsi que les risques pour le consommateur et l’environnement. »
Ces militants s’opposent donc au libre-échange quoi qu’il arrive, car cela « augmenterait le commerce alimentaire » et « les risques pour le consommateur ».
De quel risque parlons-nous ? Le risque de baisse des prix alimentaires et d’amélioration de la qualité ? Le risque d’un choix accru ? Et à quels « risques » exposons-nous les producteurs sud-américains ? Le risque d’augmentation de la prospérité économique ?
Les nombreuses organisations qui militent contre le libre-échange pour un illusoire sentiment de protection des consommateurs, doivent être critiquées pour ce qu’elles sont : des protectionnistes.
Ce ne sont peut-être pas les mêmes protectionnistes que ceux qui croient que les Européens ne devraient acheter que de la nourriture européenne par sentiment de nationalisme, mais il s’agit bien d’idéologues comparables.
Si nous voulons améliorer notre niveau de vie tout en maintenant des relations diplomatiques fructueuses avec le reste du monde, nous ne pouvons pas nous couper de la pratique avantageuse qu’est le libre-échange.
En réalité, le libre-échange n’oblige pas les consommateurs à acheter des produits étrangers ; il donne simplement aux consommateurs le choix d’acheter selon leurs propres préférences. Le protectionnisme, lui, contraint.
Si vous voulez être du côté des consommateurs, donc de votre côté, vous devez défendre le libre-échange.
1- https://www.foodwatch.org/en/what-we-do/topics/free-trade-agreements-ttipceta/more-information/report-trade-at-any-cost/
2- http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ceta/index_en.htm
3- http://ecipe.org/app/uploads/2016/11/Manufacturing-Discontent.pdf
4- https://www.foodwatch.org/fileadmin/foodwatch_international/campaigns/TTIP/2018-02_Trade-at-any-cost_report-foodwatch-powershift_EN.pdf
5- https://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/cases_e/ds26_e.htm
6- https://www.pscp.tv/w/1OyJANPmDobxb
6 commentaires
Etre du coté du libre- échange !!! oui d’accord !!! mais pas le libre-échange qui consiste à proposer aux consommateurs des produits de qualité moindre et dont les vices sont cachés aux consommateurs……L’étiquetage des produits importés devraient etre obligatoire et beaucoup plus complet.Pourquoi cache t on aux consommateurs que les viandes canadiennes et bientot la viande brésilienne et argentine sont issues de bovins traités aux hormones et autres produits interdits d’utilisation en France???.Le libre-échange tel qu’il a été pratiqué jusqu’à aujourd’hui n’est pas équitable et roule les consommateurs dans la farine….Il n’a profité qu’aux financiers qui ont ramassé le bénéfice des opérations et tant pis pour la santé des consommateurs qui payent le prix fort pour une alimentation de mauvaise qualité…et cette politique a contribué à faire disparaitre des milliers d’emplois en France…Ou est l’intéret pour les Français?????
Le libre échange en matière d’alimentation est une gigantesque aberration qui conduit à un modèle industriel oligopolistique dont on voit déjà tous les excès à l’échelle européenne (vache folle, lactalis, …).
C’est de plus une destruction et un gaspillage de ressources (énergie, eau, forêts,…) ainsi qu’une réorientation des cultures locales vers l’exportation au détriment des besoins locaux. Une grande partie du lait consommé en Afrique est importée par Nestlé…..alors qu’il pourrait tout à fait être produit sur place.
Quand à l’étiquetage il est irréaliste de croire que la transparence sera au rdv et que le produit comportant des OGM ou des hormones l’affichera en gros!
Par ailleurs, seuls les circuits courts assurent une qualité nutritionnelle optimale des aliments (vitamines) et la possibilité d’effectuer un véritable controle sur les conditions de production (bio? pas bio?…).
Mon cher Bill. Vous paraissez bien jeune et plein de convictions. Mais il n’est pas suffisant de répéter une doxa libérale/libre-échangiste si on ne se pose pas d’abord certaines questions, si on ne fait pas preuve d’un minimum d’esprit critique.
Pour commencer, je vous dirai qu’un consommateur n’est pas forcément un humain heureux… ni en bonne santé.
Pourriez vous répondre à ces 2 questions :
– y a t-il eu diminution du pourcentage de la population en dessous du seuil de pauvreté dans un seul des pays ayant signé ces accords commerciaux ? Si la réponse est oui, je veux voir les chiffres.
– est-il normal de vouloir contraindre la nature à ne plus s’auto-reproduire par la propagation de produits OGM stériles ? Je réfute d’avance l’argument de « moins de pesticides etc… », il suffit de voir ça
https://blogs.mediapart.fr/mariethe-ferrisi/blog/071211/ogm-suicide-collectif-de-1500-fermiers-indiens
Libre-échange ou « libre-empoisonnement » ?
Ben dites donc, ça censure rapide chez vous, je bloque donc votre site également.
Bonjour monsieur Monfort, et merci d’avoir pris le temps de commenter cet article. La validation se faisant de manière manuelle pour éviter tout débordement ou faux commentaire de bots, il est normal qu’il faille attendre quelques temps avant que vos messages n’apparaissent, surtout lorsqu’ils sont postés en dehors de nos heures de bureau. Nous sommes une petite équipe et consulter les commentaires de chacun nous prend du temps. Nous vous remercions de votre compréhension et de votre patience. A noter que nous ne censurons pas les arguments étayés de chacun mais veillons au mieux au respect des uns et des autres.
Bonjour Séverine
Je lis à l’instant votre réponse et me dois de vous présenter mes excuses pour l’impétuosité de mon deuxième post qui n’a donc aucun fondement.
Je tâche d’élargir au maximum mes sources d’informations et votre site que je visite de temps en temps fait partie de ce pluralisme… sachant que je ne partage pas véritablement votre vision de l’économie étant décroissant (dans la mesure du possible quand on habite et travaille à Paris…) et surtout anticapitaliste assumé, je me refuse à être propriétaire (avec arguments…) et n’envisage en aucune manière l’achat de quelque produit financier qui soit. Ce qui m’intéresse, c’est de voir l’évolution de cette économie suicidaire par la dette dans un premier temps mais aussi par la surproduction qui entraîne un appauvrissement très inquiétant des sols soumis à l’agriculture intensive conséquence première du libre-échange (https://reporterre.net/Il-est-urgent-de-sauver-les-sols-agricoles ou encore https://www.bastamag.net/La-malediction-des-phosphates-dans-les-coulisses-polluees-et-desertifiees-de-l). D’où les questions de mon post. Il y a des évidences et l’être humain soit disant « évolué » semble incapable d’en prendre la mesure.
En vous priant à nouveau de m’excuser pour mon emportement.