▪ Les taux longs ont fini par plafonner vendredi dernier — après avoir retesté des seuils clé remontant à fin novembre 2014.
Des records annuels ont été inscrits : 1,05% sur l’OAT, 0,8% sur les Bunds, 2,30% sur les T-Bonds, plus de 2% sur les BTP italiens (2 350 milliards d’euros d’encours, le premier gisement de bons du Trésor du Vieux continent). Ils avaient été établis une semaine auparavant du fait de la résurgence d’anticipations inflationnistes ; l’intervention de Mario Draghi le jeudi 14 à Washington n’avait apporté qu’un répit éphémère dans le processus de dégradation affectant les marchés de taux depuis le 17 avril dernier.
L’argument du retour des « pressions inflationnistes » n’est à notre avis pas pleinement convaincant, même si le baril de pétrole a repris plus de 33% sur ses planchers en deux mois. L’enchaînement des mauvais chiffres conjoncturels aux Etats-Unis écarte en effet le risque d’une flambée du WTI au-delà des 62,5 $ dans l’immédiat.
Alors reste évidemment l’aléa géopolitique que personne ne maîtrise… mais les dangers potentiels se sont-ils réellement accrus depuis mi-mars ?
le PIB américain du premier trimestre sera probablement révisé à « moins quelque chose » |
Ce qui est certain en revanche, c’est que le PIB américain du premier trimestre sera probablement révisé à « moins quelque chose » (c’est Goldman Sachs qui l’affirme et c’est déjà acté dans les esprits). C’est en tout cas ce que préfigure le cinquième repli consécutif de la production industrielle (-0,3%) et la chute de la confiance des consommateurs du Michigan pour le mois de mai, à 88,6 après 95,9, déjouant un consensus de 96.
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Il suffirait peut-être de cesser de regarder dans le rétroviseur pour se rassurer… Sauf que ce n’est justement pas possible : il y a le plongeon (de 88,8 vers 81,5) du sous-indice des anticipations des consommateurs américains concernant la situation économique au cours des prochaines semaines.
Ce genre de désillusions a longtemps été un cocktail gagnant pour les marchés obligataires qui redoutaient plus que tout des signes de robustesse de la croissance pouvant déboucher sur une normalisation de la politique monétaire des banques centrales. Or sans qu’elles aient à aucun moment indiqué aux marchés qu’un changement de stratégie se justifiait (Mario Draghi martèle au contraire que son QE ira à son terme et même au-delà), les taux longs viennent d’intégrer l’équivalent de trois tours de vis de 25 points de base en trois semaines.
* Les banques sont privilégiées…
Les dénégations de Mario Draghi ne dissipent pas le malaise. Son collègue allemand Jens Weidman, patron de la Bundesbank, ne cesse de répéter depuis l’automne dernier que le risque de déflation invoqué par la BCE est imaginaire et que le quantitative easing lancé en février est « inutile et dangereux ».
Même le plus « neuneu » des Bisounours reconnaît aujourd’hui que le principal but du QE est d’abord d’enrichir les banques en leur rachetant au prix fort les bons du Trésor accumulés depuis 2012 au plus fort de la crise.
Mario Draghi était tenu d’honorer sa promesse sous peine de perdre toute crédibilité et de faire exploser le système. Cela valait bien de sacrifier la notion de « marché » et d’instaurer une fixation artificielle du prix des actifs financiers à la soviétique.
La BCE, l’acheteur unique depuis 2010 en réalité, paye de retour ses complices et ses obligés… mais au sommet de la bulle. Tous les citoyens — qui ont déjà été appelés en garantie en 2009 pour sauver les banques systémiques — sont en droit de se demander pour quel motif et avec quel argent Mario Draghi récompense à coups de centaines de milliards les coupables de la crise de 2008.
Ne cherchez pas. Comme Simone Wapler l’a abondamment démontré (n’hésitez pas à commander son livre sur le sujet, Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?), le jour où les choses tourneront mal, c’est dans votre épargne et sur vos comptes en banques — remplis de liquidités purement numériques — que la BCE viendra se servir pour échapper à la faillite… au prétexte de sauver une fois de plus cet euro qui nous asphyxie depuis 15 ans.
Les pertes moyennes sur les portefeuilles de bons du Trésor souverains atteignent -3,8% à -4% en moins d’un mois |
En ce qui concerne les plus-values mirobolantes promises par la BCE aux banques, sachez qu’elles peuvent fondre à une vitesse étourdissante. Les pertes moyennes sur les portefeuilles de bons du Trésor souverains atteignent -3,8% à -4% en moins d’un mois, soit 340 à 350 milliards d’euros d’encours évaporés.
C’est encore marginal en comparaison des 20% de gains engrangés depuis mi-mai 2014… mais ces gains n’auraient jamais dû exister et n’existeraient pas sans les centaines de milliards de dollars, yens, livres sterling et euros sortis des imprimantes des banques centrales.
Plus cet argent s’empile dans le bilan des banques, moins il circule dans l’économie réelle. La vitesse de rotation de la masse monétaire M1 et M2 (liquidités + crédits à court terme + instruments remboursables sous 36 mois) est au plus bas aux Etats-Unis depuis… 1959 !
* … et l’économie réelle souffre
La trappe à liquidités est de dimension mondiale ; l’argent échangé entre les différents agents économiques est en phase de contraction — même si la distribution de crédit a connu une phase d’expansion significative au mois d’avril aux USA. Les Américains reprennent en effet du crédit pour rembourser d’autres crédits (prêts étudiants, prêts automobiles etc., qui sont devenus les subprime des années 2010/2015)… Mais cela ne préfigure pas de réel regain de consommation, comme le démontre la stagnation observée en avril.
En ce qui concerne l’aphorisme « les prix baissent mais le coût de la vie augmente », la publication des chiffres d’inflation (PPI) aux Etats-Unis pourrait revêtir une importance majeure si le core rate se maintient sur une trajectoire positive.
Si c’est le cas, alors l’inflation est bien de retour. Si ce n’est pas le cas… tous les QE — y compris celui de la BCE — sont un échec et n’engendrent que des bulles d’actifs de plus en plus déconnectées de l’économie réelle.
M. Tout-le-Monde commence à s’agiter |
M. Tout-le-Monde commence à s’agiter, toutefois. Les salariés allemands, par exemple, demandent des hausses de salaires de 5% pour 2015 et une réduction du temps de travail de 39 à 37 heures. Cela pourrait bien déboucher sur de l’inflation… mais alors, nul besoin d’assouplissement quantitatif : il suffisait de laisser la pression de la rue déboucher sur des pressions inflationnistes.
C’est une preuve supplémentaire que les QE ne sont conçus, depuis le début, que pour renflouer les banques. Cela en entretenant également un « effet d’exclusion » à l’encontre de l’économie réelle et en encourageant une vampirisation de la richesse par les 1% qui détiennent 80% des actions en circulation.
Cela se matérialise sous forme de rachats de titres à crédit, de versement de dividendes à crédit, d’OPA souvent à caractère fiscal mais qui débouchent dans 100% des cas sur des économies d’échelle détruisant des emplois sans créer un seul centime de PIB supplémentaire.
Ce système est à bout de souffle ; la baudruche obligataire a commencé à se dégonfler le 17 avril dernier… Les banques centrales n’y peuvent rien puisque la seule justification de la hausse était, depuis juillet 2012, la promesse que les actifs vaudraient plus cher le lendemain par le seul prodige des QE.
Mais que valent les actifs lorsque le moteur de la plus-value — sans justification autre que la bonne volonté de l’acheteur unique — s’éteint ?
Rien n’arrêtera le processus d’effondrement du soufflé sous son propre poids. Il y a trop de levier, trop d’acheteurs cyniques prêts à couper leurs positions, voire à tenter « le short du siècle »– de la même façon que Goldman Sachs commença à parier contre les subprime lorsque les prix de l’immobilier cessèrent de monter au début de l’automne 2006.