La technologie blockchain s’apprête à révolutionner le marché obligataire, comme internet a révolutionné le marché de l’information.
Les obligations sont l’une des plus vieilles inventions au monde, plus vieilles que la monnaie ; plus vieilles que les plus grandes religions ; et même plus vieilles que la langue la plus ancienne qui existe encore aujourd’hui, le sanskrit.
Les premières obligations dont on ait gardé la trace remontent à 2 400 ans avant Jésus-Christ.
Elles forment le socle de tout notre système financier… et elles sont sur le point de connaître leur plus grand changement en plus de 4 000 ans.
Ce changement bouleversera chaque marché et chaque actif dans le monde. Comme vous l’avez peut-être déjà deviné, ce changement sera déclenché par la crypto-révolution.
Un marché de 3 300 milliards d’euros va être transformé
Vous ne savez pas exactement ce que sont les obligations ? Pas d’inquiétude. C’est en fait assez simple.
En gros, une obligation est comme un prêt. Mais au lieu d’être remboursée par petites tranches, elle est remboursée en totalité à la fin de l’échéance. Entre son émission et sa date de remboursement, son détenteur perçoit les intérêts.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui veut lever 100 000 €.
Elle peut émettre 100 obligations de 1 000 €, chacune avec une échéance à cinq ans.
Elle établit ensuite un taux d’intérêt sur ces obligations pour inciter les gens à les acheter.
Admettons qu’elle choisit un taux fixe de 5% par an.
Cela signifie que si vous achetez l’une de ces obligations au début de l’échéance, vous la payerez 1 000 €.
Vous toucherez 50 € par an pour la détenir et à la fin des cinq ans, vous récupérerez aussi votre mise initiale de 1 000 €.
Une fois émises, les obligations peuvent être échangées comme les actions. Selon le taux d’intérêt et les perspectives économiques, on peut les échanger pour plus ou moins que leur prix initial.
Les obligations sont un excellent moyen pour les entreprises et même pour les gouvrenement de lever des fonds. En outre, le marché est énorme.
L’année dernière, la totalité des entreprises à travers le monde ont émis pour 3 500 Mds$ d’obligations. Cela correspond à peu près au PIB du Royaume-Uni.
Et ça, c’est sans compter les obligations d’Etat. Si on les prend en compte, on estime la valeur du marché obligataire à environ 100 000 Mds$.
C’est encore plus que la totalité des marchés actions du monde entier, estimés à 64 000 Mds$.
La quantité d’argent investie dans les obligations est fondamentalement inconcevable. Si on convertissait cet argent en pièces d’une livre sterling et que l’on rangeait ces pièces bout à bout, cela représenterait 10 fois la distance Terre-Soleil.
Actuellement, la plupart des obligations sont gérées par des banques d’investissement et vendues à des fonds de pension et à des gestionnaires d’actifs.
Ce secteur, comme quasiment toute la finance, est le pré carré des investisseurs institutionnels et il est largement hors d’atteinte des investisseurs individuels.
Il est centralisé, inefficace, démodé et déborde d’argent. Autrement dit, c’est le secteur parfait pour être chamboulé par les cryptomonnaies.
L’année 2018 est celle où ce chamboulement commence véritablement.
Pourquoi les smart bonds vont conquérir le monde
Les obligations sont donc actuellement gérées pour des entreprises par les banques, vendues par les banques et achetées par les banques et des gestionnaires de fonds.
Dans un premier temps, une smart bond [NDLR : bond = obligation, en anglais] construite sur la blockchain permettrait de se débarrasser de tous les intermédiaires et laisserait une entreprise émettre ses propres obligations directement auprès des acheteurs.
Cela ressemblerait beaucoup à la façon dont fonctionne une Initial Coin Offering (ICO).
L’entreprise crée simplement son propre jeton et permet aux gens de l’acheter directement ou autorise à ce qu’il soit vendu sur des marchés boursiers.
Les grandes entreprises pourraient continuer à acheter des jetons mais elles ne seraient plus les seules : tout le monde pourrait le faire aussi.
Non seulement cela ouvrirait tout un nouveau monde d’acheteurs pour l’entreprise mais cela réduirait aussi considérablement les coûts – les banques d’investissement ne sont pas réputées être bon marché.
Autre manière par laquelle les smart bonds l’emportent sur le modèle actuel : elles sont programmables.
Tous les paramètres de l’obligation peuvent être programmés très facilement via des smart contracts.
Ces contrats sont automatiques. Une fois établis, personne n’a besoin de les superviser. Ils s’auto-exécutent.
Comment fonctionnent les smart bonds
Vincent Launay, de la Banque Mondiale, l’explique très bien sur Cointelegraph :
« L’émission :
- L’entreprise E crée un smart contract sur la blockchain Ethereum qui réplique la façon dont fonctionne une obligation (c’est-à-dire le paiement de coupons deux fois par an et le remboursement du principal à échéance).
- Les investisseurs qui souhaitent participer à l’Initial Bond Offering (IBO) envoient des ethereums à l’adresse du contrat en spécifiant le coupon minimum qu’ils veulent percevoir.
- Une fois l’IBO terminée, le smart contract construit automatiquement le carnet d’ordres avec les investisseurs disposés à accepter le coupon le plus bas en premier. Le dernier investisseur nécessaire pour compléter le carnet d’ordre établit le niveau du coupon de l’obligation.
- Tous les investisseurs qui n’ont pas pu accéder au carnet d’ordre final récupèrent automatiquement les ETH qu’ils avaient envoyés au smart contract.
Service de la dette :
- Tous les six mois, les investisseurs reçoivent le coupon (l’intérêt) tel qu’établi dans le smart contract initial.Si l’entreprise E ne souhaite pas prendre le risque que la valeur de l’ethereum augmente fortement, les remboursements peuvent être libellés en ETH mais ajustés au taux de change de l’ethereum avec la monnaie fiduciaire de l’obligation. Avant paiement du coupon, le smart contract prendra le taux de change entre la monnaie fiduciaire et l’ethereum donné par une référence (un fournisseur de données) et paiera le montant exact d’ETH de sorte que l’obligation reproduise avec précision la manière dont une obligation en monnaie fiduciaire se serait comportée.Autrement, le paiement de coupons et le remboursement du principal peuvent être opérés directement en jetons garantis par la monnaie fiduciaire et remboursables par une institution financière contrôlée et de bonne réputation.
- A l’échéance de l’obligation, le smart contract rembourse à la fois le coupon et le principal (soit le même montant d’ETH, soit le même montant de dollars US payés en ether ou en coupons garantis par une monnaie fiduciaire).«
Ca a l’air super, non ? Il s’agit d’un système d’enchères tenus aujourd’hui par les grandes banques, qui prélèvent pour ce faire des commissions importantes à leur client émetteur. Pourquoi alors n’en parle-t-on pas aux infos ? Et où en sont les essais ?
En fait, les essais ont déjà eu lieu.
L’expérience des smart bonds d’UBS
Depuis l’entrée en scène de cryptomonnaies qui permettent des smart contracts, comme l’ethereum, certains ont considéré les smart bonds comme une application majeure.
Même si les cryptomonnaies sont déjà adoptées par le grand public depuis environ six mois, l’idée des smart bonds est bien plus ancienne.
L’une des plus grandes banques au monde, UBS, a tout de suite vu leur potentiel et a très vite commencé des essais à Londres.
En décembre 2016, UBS a rapporté que ses essais étaient un succès. Sa conclusion :
« Cette expérience a validé nos hypothèses initiales sur les smart contracts et les monnaies virtuelles et a confirmé l’applicabilité de ces logiques sur nos cas d’usage.
Elle a également confirmé les bénéfices potentiels pour nos clients, les régulateurs et notre organisation : les opérations de compensation et de règlement sur la blockchain peuvent être plus rapides, plus efficientes et transparentes tout en réduisant le risque de règlement et les coûts opérationnels. »
Les smart bonds arrivent. Elles bouleverseront les fondements même de la finance. Et il semble qu’elles se construiront sur la blockchain Ethereum.
La plupart des conférenciers à la London Blockchain Week, qui s’est tenue en janvier 2018, l’ont reconnu : 2017 a été l’année de la cryptospéculation ; 2018 est l’année où les cryptomonnaies vont commencer à être vraiment utilisées.
Tout cela avant même que nous commencions à utiliser les cryptomonanies pour des smart futures contracts et le trading de matières premières.
C’est pourquoi, malgré les baisses, les krachs et le mépris dont ont fait preuve les médias vis-à-vis des cryptomonnaies, ceux qui voient le potentiel des cryptomonnaies ne sont pas inquiets.
Les cryptomonnaiess feront à la finance ce que l’internet a fait à l’information. Elles rendront beaucoup de gens très riches. Leurs profits seront en partie ceux qui sont captés aujourd’hui par des intermédiaires financiers sans beaucoup de valeur ajoutée.
[NDLR : Bitcoin, ethereum, blockchain, smart contracts… Vous êtes perdu ? Rendez-vous le 7 avril prochain pour une journée complète de formation sur l’univers des cryptomonnaies : réservez vite votre place en cliquant ici.]
Andrew Lockley