Malgré l’inflation, la dette, les politiques des banques centrales… le marché a très bien compris à quel point nous vivons une époque bénie !
Sam Zell – patron d’Equity Group Investments, un « vieux de la vieille » très respecté à Wall Street – n’y va pas par quatre chemins : dans une interview sur CNBC, il a déclaré que « la Fed a lourdement failli » (en fait, il a dit littéralement « elle a merdé grave ») et que « ça va prendre du temps avant que l’inflation se tasse ». Il précise :
« La Fed a maintenu une structure de taux absurdement irréalistes, ce qui a entraîné le gonflement d’une bulle immobilière historique et l’émergence de surcapacités dans le secteur du logement. Des dizaines de milliers d’appartements et de maisons ne trouvent pas preneur, car la plupart des biens sont inaccessibles pour 90% des acheteurs potentiels qui sont désormais dans l’incapacité d’emprunter à 6/6,50%. »
Nous pourrions objecter que, si la bulle immobilière éclate, la chute des prix ne manquera pas de se traduire également par une baisse du coût des matériaux de construction, puis surtout des loyers, ce qui participera à tempérer l’inflation.
Car il faut se mettre dans la peau d’un investisseur qui espérait réaliser des gains rapides sur des maisons dont le prix s’envolait de 20% par an, avec de l’argent emprunté à 3% (mais à taux variable). Si la revente débouche en réalité sur de lourdes moins-values (perte immédiate) parce que les prix vont au tapis, alors il vaut mieux louer (ça paye au moins une bonne partie du crédit) et attendre que les prix remontent pour repasser en « positive equity ».
Dans ce cas, les biens à louer devraient devenir plus abondants, et les loyers devraient donc se modérer. Nous n’irons pas jusqu’à parler de « baisse » quand le taux d’inflation est encore compris entre 6 et 7% mais, en relatif, si les mensualités se stabilisent, cela équivaut à un allègement du budget logement pour le locataire, si son salaire accompagne en partie l’inflation.
Des forces déflationnistes
En Europe, la modération de l’inflation reste un « cadeau du ciel », mais cela pourrait ne pas durer.
En effet, les températures relativement élevées depuis novembre ont permis de conserver des stocks de gaz importants, mais que se passera-t-il cet été ? Cliquez ici pour lire la suite…
Depuis novembre, la consommation de gaz s’avère exceptionnellement faible grâce à un heureux caprice climatique : le Vieux Continent a connu son troisième mois de janvier le plus chaud depuis un siècle en 2023, avec des températures moyennes supérieures de 2,2 degrés à la moyenne.
Du coup, d’énormes stocks de gaz naturel achetés au sommet de la courbe à partir du printemps dernier et jusqu’au mois d’août – c’est-à-dire au plus haut historique – n’ont pas été consommés, et cela n’a pas permis de renouveler les réserves à un prix nettement plus favorable.
Autrement dit, les stocks de combustible actuels constituent surtout un « réservoir » de moins-values latentes gigantesques pour les Etats européens (les principaux donneurs d’ordre).
Les contrats à terme de référence sur le gaz naturel néerlandais (Rotterdam) affichent déjà des baisses près de 30% depuis le début de l’année (à environ 53 € l’équivalent mégawattheure produit au gaz), soit un cours inférieur de 85% au niveau record de 350 € (le mégawattheure) atteint en août.
Nous venons par ailleurs de découvrir que la Belgique n’avait pas respecté ses engagements et avait continué de procéder à des livraisons de gaz russe.
Il faudrait donc – pour que les prix remontent vers 110/120 $ – que les pays importateurs fassent preuve de discipline par rapport à leurs engagements de boycott du gaz sibérien, puis qu’on prévoit une chute brutale et durable du mercure en mars (aucune vague de froid en vue d’ici fin février avec des températures moyennes de 10° en journée au nord de la Loire et quasiment pas de gel la nuit) suivi d’un printemps plus frais que la moyenne.
Et des forces saisonnières
Mais, en réalité, tout va peut-être se jouer à partir du mois de juin : on consomme de plus en plus d’énergie en Europe pour climatiser l’été et de moins en moins pour se chauffer l’hiver (ce qui est déjà le cas aux Etats Unis, en Chine, au Japon et depuis longtemps en Inde et en Asie du Sud-Est).
Entre temps, l’activité économique sera remontée en puissance en Chine, faisant grimper les prix du pétrole, tandis que l’Arabie a fait part de son intention de réduire sa production de 2 millions de barils par jour (la Russie l’accompagnerait avec 0,5 million de barils en moins). La demande de gaz pourrait donc repartir en parallèle, ce qui gripperait le principal mécanisme de désinflation, non plus seulement en Europe mais dans le monde entier.
Dans un avenir encore plus immédiat, il semblerait que la Russie prépare une grande offensive aérienne sur l’Ukraine, ce qui ne manquera pas de déclencher un nouveau train de sanctions contre la Russie.
Elles pourraient une fois de plus prendre la forme d’embargo sur des matières premières indispensables – dont nous manquons cruellement – et qu’il faudra disputer au prix fort à la Chine et aux Etats-Unis, auprès de pays producteurs qui n’ont pas les moyens d’augmenter leur production pour compenser la pénurie que l’Europe se sera de nouveau imposée.
Entre la Fed, l’inflation qui persiste, des consommateurs qui se surendettent, une nouvelle offensive russe en Ukraine et les sanctions à suivre, vous l’avez compris, les conditions économiques et géopolitiques sont idéales… Le CAC 40 en a donc profité ce matin pour revenir à moins de 10 points de son record absolu de janvier 2022, à 7 375,29 ce matin, peu après l’ouverture, contre 7 384,86 à l’époque. Puis il n’aura fallu attendre que trois heures de plus pour que ce record soit finalement battu, peu avant midi.