Les empires grandissent, s’étendent, puis trébuchent. De la déroute romaine dans la forêt de Teutoburg en l’an 9 aux défis contemporains des Etats-Unis, l’histoire montre que l’illusion de l’expansion infinie mène souvent à l’effondrement.
« Quintili Vare, legiones redde ! » (Varus, rends-moi mes légions !) – L’Empereur Auguste, après le désastre de la forêt de Teutobourg
Oh, quel monde radieux !
Au grand désarroi de nombreux lecteurs, nous doutons du fait que Trump aurait été épargné par Dieu pour mener les Etats-Unis vers la renaissance. On pourrait certes affirmer qu’il a été choisi par Dieu – si l’on considère que Dieu et la nature ne font qu’un – pour accomplir ce qu’il fait.
Mais la nature a horreur du vide, disait Aristote. Il n’y a rien qui ne trouve jamais de place. Mais rien ne remplit jamais tout l’espace non plus, car la nature méprise aussi le monopole. Partout où l’on regarde, on ne voit pas qu’une seule plante, qu’un seul type de personne, qu’une seule couleur de cheveux, qu’une seule marque d’aspirateur ou qu’un seul type de whisky. Personne ne possède toutes les réponses, tout l’argent du monde ou tout le pouvoir. Et que nous ayons de l’esprit ou soyons étourdi, nous mourrons comme tous les autres.
Les empires se développent. Mais ils ne s’emparent jamais de tout le pouvoir, ni de tout l’espace. Et il ne faut pas longtemps avant que la race impériale ne soit « à bout de souffle ». Napoléon à Moscou… Hitler à Stalingrad… Yamamoto dans le Pacifique… Les Romains dans la forêt de Teutoburg.
Jack Snyder parle du « mythe de l’empire », selon lequel la sécurité d’un territoire est renforcée en s’étendant vers l’extérieur, en conquérant davantage de territoires et en multipliant les garnisons.
Le même mythe existe dans le monde des affaires. Les entreprises qui réussissent acquièrent souvent d’autres entreprises. Si elles font des bénéfices en construisant des piscines, elles se lancent dans la production de films ou dans la publication d’un journal. Elles s’étendent jusqu’à perdre l’équilibre.
Jack Welch, expansionniste par excellence, achetait une nouvelle entreprise chaque semaine, alors qu’il connaissait son heure de gloire à la tête de GE. Le prix de l’action a été multiplié par dix entre 1990 et la fin de la décennie. Mais il est déjà assez difficile de diriger une entreprise ou un pays… ne parlons pas d’une dizaine. Après les années 2000, l’action GE a perdu 80% de sa valeur. Il lui a fallu des années pour s’en remettre complètement.
Les Etats-Unis sont aujourd’hui le coq de la basse-cour, avec d’énormes avantages militaires et économiques sur leurs rivaux. Ils ont la réputation de dépenser plus pour leur armée que les dix nations qui les succèdent réunies. Leur marché de consommation est le plus riche du monde, et le dollar reste la monnaie de référence pour tous les habitants de la planète.
Aucune autre nation ne s’en approche. Il faudrait un talent rare pour mettre le pays à genoux. Mais cela ne fait que quelques semaines que la nouvelle administration est en place, et Donald Trump commence fort.
La BBC rapporte :
« Après que le président américain Donald Trump a menacé le Canada d’appliquer des tarifs douaniers élevés, Monika Morelli, de Montréal, a annulé ses abonnements à Netflix et Amazon, deux géants américains. Elle a également annulé un voyage qu’elle avait prévu plus tard dans l’année à la Nouvelle-Orléans. ‘Quelque chose a été irrévocablement brisé désormais, après des siècles d’alliance entre les Etats-Unis et le Canada’, a déclaré Mme Morelli, 39 ans, à la BBC. »
Et voici un extrait du India Cable, où un expulsé décrit son voyage de retour en Inde :
« Pendant 40 heures, nous avons été menottés, les pieds attachés par des chaînes et nous n’étions pas autorisés à bouger d’un pouce de nos sièges… l’équipage ouvrait la porte et nous poussait à l’intérieur des toilettes. »
La clé ? Se faire des ennemis dans le monde entier. Et s’étendre. Les troupes américaines sont déjà stationnées dans 800 bases (dont certaines sont secrètes) à l’étranger. Et chaque jour vient avec son lot de menaces pour une prochaine cible – Canada, Mexique, Groenland, Panama, Gaza.
Mais même avec Trump à la barre, les « U(RS)SA » ont probablement encore quelques bonnes années devant eux avant de couler. Que doit-il faire ? Quel cap doit-il prendre ? L’historien Paul Kennedy nous explique son défi actuel :
« La tâche des hommes d’Etat américains au cours des prochaines décennies consiste à reconnaître que de grandes tendances sont en cours et qu’il est nécessaire de ‘gérer’ les affaires de manière à ce que l’érosion relative de la position des Etats-Unis se fasse lentement et en douceur, et ne soit pas accélérée par des politiques qui n’apportent qu’un avantage à court terme mais un désavantage à plus long terme. »
Un véritable programme visant à privilégier « les Etats-Unis d’abord » pourrait probablement garantir un avenir harmonieux, pacifique et civilisé pour le pays. Oui, les Etats-Unis pourraient gérer leurs ressources avec calme et prudence. Ils pourraient réduire leurs dépenses actuelles de 2 000 milliards de dollars en revenant aux niveaux de 2019, et équilibrer leur budget. Ils pourraient cesser de tenter de diriger le monde, et ramener ainsi leurs troupes à la maison.
Ou bien, ils pourraient suivre le chemin bien tracé qui les mène tout droit vers la forêt de Teutobourg.
2 commentaires
Il est impossible de dire si Trump est une solution pour les USA. On verra si oui ou non, et dans quelle mesure, dans quelques années. Mais ce qui est certain c’est que les USA et l’Occident en général, Europe en tête, doivent cesser de se prendre pour le centre du monde comme ils l’ont cru pendant deux siècles et encore à l’époque de Colin Powell ( 1937-2021) lequel affirmait à propos des USA « Nous représentons le dernier et le meilleur espoir sur cette planète ». Tant que les Occidentaux mondialiseront en se croyant plus « éclairés » que le monde entier ils susciteront des haines et iront à la catastrophe.
Les USA dispose d’une bonne marge « technologique », à preuve les réussites dans ce domaine et la maitrise relative d’internet. Même leur démographie reste dynamique, ce qui n’est pas le cas de l’Europe, Russie comprise, et « on » se massacre !!! Trump est, pour l’Europe, une bonne nouvelle politique, pas économique, mais qu’importe la politique doit passer devant. Les diverses « luttes » post marxistes doivent cesser.