En matière de transition énergétique, sujet éminemment politique, les discours simplistes sont inadaptés.
Depuis plusieurs années, les Verts nous ont habitués à mélanger allègrement les questions de souveraineté énergétique, d’écologie, et de climat – au point de préconiser des solutions pétries de contradictions.
Le nucléaire, qui ne génère pas de CO2 mais n’est ni renouvelable ni sans risque, est-il vertueux ou nuisible ? La combustion du bois et de la biomasse chez les particuliers, neutre en CO2 mais catastrophique au niveau de la qualité de l’air, doit-elle être encouragée ou interdite ? Le gaz naturel, émetteur de CO2 léger et peu polluant, doit-il remplacer le charbon ou va-t-il empêcher la transition vers le zéro carbone ?
Face à ces contraintes souvent incompatibles, il est tentant de se réfugier dans le seul discours qui parvienne à les concilier : celui de la décroissance. Un retour à une civilisation pré-industrielle permettrait en effet de revenir à la neutralité carbone, protéger l’environnement et faire cesser la consommation d’énergies fossiles. Mais à quel prix pour l’humanité ?
Les limites des politiques énergétiques, environnementales et industrielles sautent aux yeux des citoyens et des investisseurs.
Nous voyons même, depuis quelques années, les opposants de principe à la transition énergétique opter pour les mêmes biais de réflexion que les écologistes radicaux. Si les Verts nous avaient habitués à toujours considérer la civilisation industrielle sous le prisme de ses coûts, en occultant tous les avantages qu’elle procure, voilà que les « anti » en font de même avec les énergies renouvelables.
Sous prétexte qu’il faut du cuivre, du béton et des métaux rares pour construire éoliennes et panneaux photovoltaïques, la migration vers le zéro carbone serait nuisible, voire impossible. Parce qu’il faudra creuser plus pour lancer la transition énergétique, qui pourrait ne jamais arriver à son terme.
La réalité s’avère plus complexe que ces analyses au premier degré.
Selon une étude néerlandaise, l’électrification de notre économie devrait même paradoxalement réduire l’emprise minière de l’humanité.
Vers une décroissance de notre activité minière
Certes, extraire les ressources nécessaires à la transition énergétique ne sera pas une mince affaire. Lithium, aluminium, cuivre, terres rares… le verdissement de nos activités nécessitera des quantités astronomiques de métaux.
Il faudra non seulement plus de métaux pour construire batteries, électrolyseurs et piles à combustible, mais aussi pour créer les nouvelles autoroutes de l’énergie qui acheminerons électrons et hydrogène entre producteurs et consommateurs.
Selon les hypothèses de décarbonation retenues par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la transition énergétique devrait ainsi nécessiter l’extraction annuelle de près de 7 000 millions de tonnes de minerai, tous usages confondus. Ce chiffre faramineux est dû non seulement à l’augmentation gigantesque des besoins par rapport au début du siècle (d’un facteur 10 pour l’éolien à un facteur 40 pour le lithium), mais aussi au fait que tous les métaux ne sont pas présents en concentration équivalente dans la croûte terrestre.
Les terres rares, par exemple, tiennent leur qualificatif de la faible teneur des gisements. Si elles restent plutôt bien réparties sur la planète, leur concentration dans les gisements reste de l’ordre de quelque pourcents – contre 30% à 40% pour une mine de fer de qualité.
Il faudra donc creuser – et creuser beaucoup – pour pouvoir électrifier significativement notre économie et répondre à ces nouveaux besoins avec une production renouvelable.
Mais, en parallèle, la disparition des centrales à flamme signera la fin de l’extraction de charbon. Or celle-ci a un impact tout aussi colossal sur l’environnement. Actuellement, l’humanité sort du sol environ 12 500 millions de tonnes de minerais de charbon chaque année.
Le simple remplacement des centrales à charbon par des sources 100% renouvelables permettrait ainsi de réduire au bas mot un facteur de notre intensité minière.
Économie de flux contre économie de stock : bouleversement en perspective
L’impact de la transition énergétique sera même encore plus déflationniste pour l’activité minière. Les estimations quant aux volumes à extraire sont faites sur la période 2020-2050, lorsque l’humanité sera en phase d’électrification de son économie.
Or, à terme, de nombreux usages deviendront cycliques. Les batteries de véhicules, par exemple, peuvent être en grande partie recyclées. Lorsque la totalité du parc de voitures et camions aura été électrifiée, la demande en métaux nécessaires pour les batteries diminuera de plusieurs ordres de grandeur. Chaque année, il ne faudra plus fabriquer ex-nihilo des millions de batteries, mais simplement recycler celles présentes dans les véhicules existants et remplacer la proportion non-recyclable du stock existant.
Par ailleurs, l’expérience des derniers mois montre que les prévisions du début des années 2020 quant aux tensions d’approvisionnement sur les métaux stratégiques étaient court-termistes et négligeaient totalement les évolutions technologiques.
Lithium, cobalt, terres rares : une demande plus fragile que prévu
Les projections sur le lithium, par exemple, sont faites « toutes choses égales par ailleurs ». Or l’industrie ne reste pas statique, comme nous l’avons vu avec l’arrivée inattendue des batteries LFP dans les véhicules chinois. Il se murmure désormais, chez les spécialistes du secteur, que la demande en manganèse et en cobalt pour les batteries pourrait totalement disparaître dans les prochaines années – alors que ces éléments étaient encore qualifiés de métaux critiques il y a trois ans de cela !
Même la demande en lithium pourrait bien n’être qu’un feu de paille.
Les batteries au sodium, qui arrivent depuis quelques mois sur le marché, ont des performances prometteuses en termes de coût, de vitesse de charge et de durée de vie. Selon les industriels qui commencent à les tester dans des produits du quotidien, elles auraient toute leur place dans les voitures électriques, trains, camions, et même pour le stockage d’électricité de grande puissance pour lisser l’intermittence de la production éolienne et photovoltaïque.
Il en est de même pour les terres rares, au sujet desquelles il est de bon ton de se faire peur du fait de notre dépendance à la Chine. Les analystes catastrophistes aiment à répéter qu’il est impossible de construire des éoliennes sans terre rares. Mais, techniquement, il est tout à fait possible de s’en passer. Les sociétés GreenSpur Wind et Niron Magnetics, par exemple, ont déjà annoncé des modèles géants (15 MW de puissance par mât) totalement dépourvus de ces métaux.
Toujours selon l’étude néerlandaise, même dans un scénario volontariste de course vers le net zéro à horizon 2050, le pic de production minière du cuivre, de nickel et du fer devrait même être atteint dès 2040.
Ceux qui prolongent les courbes actuelles, pour trouver des facteurs limitants qui leur donnent une bonne raison de ne pas investir dans la transition énergétique, vont manquer une révolution historique.
Rester sur la touche en anticipant des points bloquants qui ne se matérialiseront jamais n’est pas de la clairvoyance, c’est au contraire la certitude de manquer cette méga tendance dont le poids économique se chiffre en milliards de dollars. Dans le même temps, ceux qui investissent dans les entreprises qui vont aider notre industrie à contourner ces limitations feront fortune.
1 commentaire
Bonjour Mr Etienne ,je me suis abonné il y a environ 3 mois a votre lettre mais je ne vois pas de conseils ,merci de votre réponse Rosin.G