▪ Deux jours de congé pour les financiers installés sur le bord de la Tamise et une atmosphère de vacances se répand sur le continent.
Etrangement, pas une seule rumeur (fallacieuse ou simplement idiote) n’a circulé sur les marchés ces dernières 48 heures alors que nous avions assisté à un véritable festival de mercredi à vendredi dernier.
La volatilité a brusquement rechuté de part et d’autre de l’Atlantique. On a constaté beaucoup moins d’ouvertures de positions sur des put et autres turbos put à Paris, et un net repli (-4%) du VIX — baromètre du stress associé au S&P 500 — à Wall Street.
Il faut que la peur ou l’euphorie concerne tout le monde… sinon, la partie est remise au lendemain.
C’est peut-être aussi une question de profondeur de marché car si la liquidité n’est pas optimale, personne ne prend le risque de jouer du directionnel.
▪ Londres est en vacances donc les marchés aussi !
Le risque devient vite trop grand de ne pas trouver les contreparties adéquates pour se couvrir (en cas de contrepied) alors que 90% de l’activité de market making se fait à Londres.
Cela revient à faire du trampoline avec les trois quarts des crochets détachés du châssis, ou à disputer un tournoi d’escrime sans plastron : un accident stupide est trop vite arrivé !
Les marchés se contentent donc de sautiller gentiment d’un pied sur l’autre ou de faire de petits moulinets avec leur épée sans croiser le fer avec un autre tireur.
Chacun a pu faire un peu ce qu’il voulait sans rencontrer d’opposition. Paris a clôturé en hausse de 1,07% à 2 986 points (soit précisément le zénith de la veille) dans des volumes anémiques de 2,2 milliards d’euros. Voilà le genre de reprise qui ne convainc pas grand-monde !
D’autant plus que l’Euro-Stoxx 50 n’a grappillé que 0,4% alors que Francfort terminait en territoire négatif (-0,15% à 5 969 points). Madrid et Bruxelles affichaient quant à eux 0,3% en moyenne.
▪ La Bourse d’Athènes clôture au plus bas depuis… 20 ans !
Assez curieusement, personne ne s’est ému du fait que la Bourse d’Athènes plongeait de 5%, inscrivant sa pire clôture des 20 dernières années.
Au fait, c’était comment la Grèce en 1992 ?
Si vous prenez les quatre chiffres et les placez dans un ordre différent, cela donne 1929 !
Eh bien c’était exactement le contraire d’un pays en crise, avec une croissance voisine de 1% après une belle année 91 se soldant par un PIB en hausse de 3% (malgré l’invasion de l’Irak qui était survenue 11 mois plus tôt).
Les places européennes auraient fort bien pu finir en baisse hier, y compris le CAC 40. Selon la dernière enquête publiée hier par Markit, l’activité dans le secteur non manufacturier de la Zone euro (le PMI) a connu en mai son plus fort repli depuis juin 2009.
Après un chiffre déjà en baisse de 45,2 points en avril, l’indice PMI Markit de l’activité des services en France a reculé en mai à 45,1 points, son plus bas niveau en sept mois.
D’autre part, le volume des ventes du commerce de détail continue de chuter à pic, avec un score de -1% dans la Zone euro et de 1,1% dans l’UE en avril 2012. Cela confirme l’atonie de la consommation malgré le recul du prix des carburants depuis un mois).
Les commandes à l’industrie allemande ont quant à elles reculé plus lourdement que prévu en avril 2012 : de 1,9%, d’après le ministère fédéral de l’Economie et des Technologies. C’est d’ailleurs ce ministère qui symbolise encore aux yeux de beaucoup de responsables européens l’épicentre de la réussite germanique.
▪ Les marchés obligataires auraient dû mettre la puce à l’oreille des stratèges
Mais le temps des succès qui s’enchaînent à perte de vue semble révolu, sous l’effet combiné du ralentissement marqué de la croissance dans les pays émergents et de la récession chez les partenaires européens.
De cela, les marchés obligataires nous préviennent depuis longtemps au Japon, aux Etats-Unis et dans les pays du nord de l’Europe.
Certes, les Bunds allemands et leur rendement surnaturel de 1,2% à 10 ans sont un cas à part –qui découle d’une fuite éperdue vers la sécurité depuis fin avril. Cependant, le mouvement de détente des taux longs de part et d’autre de l’Atlantique se nourrit depuis plusieurs mois du constat d’une dégradation mondiale de la conjoncture.
C’est ce que beaucoup de stratèges n’ont pas voulu voir ou pas voulu comprendre, parce que le prétexte du LTRO permettait de jouir du spectacle de la chute des rendements obligataires sans se poser de question sur la réalité de la croissance sous-jacente ou anticipée.
Le comportement des bons du Trésor japonais aurait dû les alerter ; idem pour celui des T-bonds — même si une fois encore la baisse de leur rémunération coïncidait avec une hausse symétrique de la valeur du dollar (6% en un mois face à l’euro).
En ce qui concerne les Bunds et plus encore les OAT, le recul spectaculaire de leur rendement équivaut à une baisse de 50 points de base du taux directeur de la BCE en une semaine !
Pourvu que M. Draghi n’annonce pas d’initiative en la matière ce jeudi… car à moins de réduire brutalement le loyer de l’argent de 75 points de base, les marchés seraient déçus !