Le marché haussier démarré en mars 2009 est le plus long de l’histoire boursière. Gloire aux banquiers centraux et longue vie aux zombies !
Wall Street vit le plus long bull market de son histoire titre aujourd’hui Les Echos. Le S&P 500 a progressé de 322% depuis son point bas de mars 2009. Il a aligné 3 453 jours sans connaître de baisse de plus de 20%.
Qui l’eut cru en mars 2009 ? Certainement pas moi.
Lorsque la Fed a à nouveau baissé ses taux puis s’est lancée dans le quantitative easing, c’est-à-dire de la création monétaire pure à l’usage exclusif de l’industrie financière, j’ai eu la naïveté de penser que « le marché » ne mordrait pas à l’hameçon. Je me suis lourdement trompée.
Car même en mars 2009, le ratio cours sur bénéfice de l’indice S&P 500 était encore élevé par rapport au point bas atteint lors des krachs précédents, les mauvaises dettes n’avaient pas été purgées, les faillites n’avaient pas assaini le tissu économique.
Par conséquent, rajouter encore de la dette pour étendre les maturités des mauvais crédits existants et prétendre que les dettes seraient un jour honorées paraissait une politique hasardeuse.
A chaque fois que j’évoquais mes doutes auprès d’investisseurs professionnels je m’entendais répondre « qu’importe, il y a de l’argent ».
J’ai donc arrêté de poser ces questions il y a déjà des années puisque le bilan des banques centrales ne cessait de grossir et que les taux directeurs étaient nuls ou négatifs.
Dans ce dernier cas, cela signifie que les banques commerciales sont payées par les banques centrales pour prêter de l’argent qui n’existe pas. C’est pour cela qu' »il y a de l’argent » qui atterrit d’abord entre les mains des institutionnels.
Les investisseurs institutionnels n’investissent pas leur propre argent, ils investissent pour le compte de tiers et généralement de fonds de pension.
En cas de krach, ils ne perdent pas leur propre argent. Ils toucheront moins de commissions et se justifieront en disant qu’ils ont limité la casse dans des circonstances exceptionnelles. Comme dirait Nicholas Taleb (1), ils ne « jouent pas leur peau » contrairement aux investisseurs particuliers.
Qui sont les actionnaires de Tesla ?
Tesla, une entreprise zombie qui ne fait que des pertes, valorisée 55 milliards de dollars, affiche 28 milliards de dollars de passif. Tesla prétend devenir le champion de la voiture électrique autonome. Pourquoi Tesla – qui n’a jusqu’à présent pas réussi à s’imposer – réussirait-il mieux qu’un constructeur automobile classique qui maîtrise déjà les moteurs hybrides ? Mystère.
Qui sont les actionnaires de Tesla ? Des investisseurs particuliers, des petits porteurs qui aiment rêver que David le nain vert et écolo va terrasser les géants Goliath d’Amérique, d’Asie et d’Europe et sont prêts à lui fournir des pierres pour sa fronde ? Pas du tout.
Ce sont majoritairement des institutionnels qui achètent l’action du zombie Tesla.
Actionnariat institutionnel de Tesla
Puisqu’il y a de l’argent, on peut nourrir n’importe quel zombie. Rien n’a vraiment d’importance.
Oui, nous connaissons le plus long marché haussier de l’histoire boursière. Il me rappelle une vérité que j’avais oubliée : les arnaques monétaires durent toujours bien plus longtemps que ce qu’on pense.
John Law a lancé la première banque centrale en France en 1716, la première monnaie fiduciaire en 1717, a effectué les premières opérations de quantitative easing en rachetant la dette française sur les marchés, couvert ses montages complexes par la Compagnie d’Occident et finalement fait faillite en 1720.
« Si Law revenait parmi nous, 300 ans après son premier séjour terrestre, il aurait quelques motifs de satisfaction.
On retrouve en effet dans l’histoire économique et monétaire de l’après-guerre, en particulier depuis 1971, la plupart des ingrédients qui ont fait la réussite et l’échec de son système : la démonétisation de l’or, une bulle d’actifs entretenue par une politique de taux bas en totale déconnexion de l’économie réelle, des émissions d’actions et de billets qui, sans toujours atteindre la sophistications de nos produits dérivés, n’avaient de contrepartie que dans la titrisation de dettes anciennes et nouvelles »
Nicolas Buat, John Law, La dette ou comment s’en débarrasser
On a appelé à tort la crise de 1720 bulle du Mississipi. En réalité, il ne s’agit pas d’une bulle spéculative comme celle de la tulipe. Il s’agit d’abord d’un système monétaire vicié.
« Il y a de l’argent », mais ce n’est pas de l’argent sain.
(1) L’ouvrage Jouer sa peau explique ce concept en détails : il est disponible ici.