Voyageons dans le temps vers un passé plus pauvre, moins digne, plus douloureux…
Les marchés étaient à cran la semaine dernière. En hausse. En baisse. De côté. M. Le Marché semblait indécis. Incertain. La Fed se préparait-elle à « pivoter » ? La récession allait-elle être plus « douce » que prévu ? Il n’en savait rien.
Nous pensons que la Fed maintiendra ses hausses de taux encore un peu plus longtemps… que la récession sera plus rude que prévu… et que les cours des actions vont encore baisser avant de toucher le fond.
En attendant, nous sommes sur la route vers le sud… Et nous allons profiter de cette occasion pour écrire sur une vieille thématique… et en introduire une nouvelle.
Nous commencerons aujourd’hui par un retour en arrière.
Louis XIV était le Roi Soleil. C’était un monarque absolu, dont la parole avait force de loi.
Il était également à la tête de ce qui était la nation la plus riche et la plus puissante du XVIIe siècle : la France. Tout ce que Louis voulait, il l’obtenait.
Mais il a aussi obtenu des choses qu’il ne voulait pas. Des caries, par exemple… et un mal de dents. Charles Spencer, le frère de la Princesse Diana, décrit la fouleur ainsi :
« À l’automne 1685, Louis souffrait d’un mal de dents atroce et persistant, et ses médecins ont décidé d’extraire sa molaire incriminée. »
Ils l’ont fait sans anesthésie : ni locale, ni générale. Et là, sans antiseptique, et avec une compréhension limitée de l’hygiène post-opératoire, une infection s’est rapidement installée. Elle s’est propagée à la mâchoire du roi et a menacé sa vie. Les chirurgiens royaux – les meilleurs de France – ont décidé d’une nouvelle opération. M. Spencer poursuit :
« Ils ont enlevé toutes les dents de la couche supérieure de sa bouche, puis ont perforé son palais et cassé sa mâchoire. Tout cela s’est fait sans anesthésie ; le roi est resté éveillé pendant toute la procédure. »
Une fois l’horrible épreuve terminée, l’équipe médicale a cautérisé les blessures en plaçant des charbons ardents dans sa bouche.
Sa vie a été épargnée. Mais pas sa dignité. Lorsqu’il buvait, du liquide sortait parfois de son nez.
Les faits de la vie
Les antiseptiques n’ont été largement utilisés qu’à partir de 200 ans plus tard, lorsque Joseph Lister a commencé à appliquer ce que nous appelons le « phénol » sur les plaies.
Les anesthésiques n’étaient pas en service avant qu’une pléthore d’expériences – également au XIXe siècle – avec le chloroforme, l’éther, la cocaïne et l’opium n’aboutissent à un analgésique général et local.
En France, les bâtiments publics n’ont pas été chauffés de manière centralisée avant le XXe siècle. Le château de Versailles n’a pas été chauffé avant 1956.
La pénicilline est apparue en 1928 lorsqu’Alexander Fleming l’a extraite d’un moule de laboratoire. Les canaux radiculaires étaient pratiqués bien avant la naissance du Christ, mais le premier canal radiculaire moderne a été réalisé en 1838. Ils ne sont devenus routiniers qu’au 20e siècle, sous anesthésie.
Au moins, Louis XIV mangeait bien. Car, alors que le mal de dents de Louis occupait toute son attention, dans les années 1690, 1,5 million de citoyens de la nation la plus riche du monde mouraient de faim. Puis, il y a eu une autre famine en 1709, avec 600 000 morts supplémentaires. La famine – comme la guerre et l’esclavage – était une réalité de l’époque.
Dans les famines, les gens ne meurent pas nécessairement de faim. Beaucoup sont sous-alimentés et affaiblis ; ils meurent ensuite de maladies opportunistes.
Les récoltes sont parfois mauvaises. La sécheresse, la chaleur, le froid, trop de pluie… trop peu de soleil… tout peut causer une mauvaise récolte. De plus, les cultures et les animaux de ferme sont sujets aux maladies courantes, aux épidémies et aux épizooties.
En travaillant du mieux qu’elles pouvaient, les familles pouvaient généralement produire assez pour vivre (sinon elles n’auraient pas survécu), mais elles pouvaient rarement produire un surplus substantiel… ou l’économiser « pour les mauvais jours ». Les fruits et les légumes pourrissaient. Les céréales étaient mangées par les souris et les oiseaux. « La sécurité alimentaire », comme on l’appelle aujourd’hui, était rare.
Un bon petit-déjeuner
Tout au long du Moyen Age, et jusqu’au XVIIIe siècle, il y avait une grande famine presque tous les 10 à 20 ans. Certaines d’entre elles étaient terriblement meurtrières. La grande famine de 1315 a tué quelque 7 millions de personnes… soit environ 1 Européen sur 13. Dans les années 1840, la famine en Irlande a tué plus d’un million de personnes, soit près d’un quart de la population.
Mais au milieu du XIXe siècle, les famines étaient déjà plus rares en Europe.
La dernière grande famine en France s’est produite dans les années qui ont précédé la Révolution française. Probablement causée par une éruption volcanique en Islande, les Français ont souffert de la faim en 1787 et 1788. En 1789, ils attendaient un changement. Puis ils ont coupé des têtes par milliers.
Au fil des ans, le nombre de personnes mourant de faim a considérablement diminué. Les pays modernes et civilisés souffrent désormais plus de l’obésité que de la faim. La nourriture est bon marché. Abondante. Et extrêmement variée. Un habitant de Baltimore peut s’asseoir pour prendre son petit-déjeuner et déguster un bol de muesli avec des noix de Californie… du quinoa de Bolivie… d’autres céréales de l’Iowa et du Dakota du Sud… des raisins secs du Chili et des noix de cajou du Brésil.
S’il souhaite ajouter des fruits frais, il n’aura aucun mal à se procurer une banane des Philippines, des myrtilles du New Jersey ou des fraises de Floride.
Comment expliquer cette abondance spectaculaire ?
Pourquoi le nombre de victimes de la famine a-t-il diminué ?
Si le nombre de décès dus à la famine a diminué, il en va de même pour le nombre de victimes d’autres catastrophes naturelles. Bien qu’il n’y ait jamais eu autant d’habitants sur la planète, ils sont de moins en moins nombreux à succomber aux tourments de la nature.
L’embarras du choix
Dans les années 1950, alors que nous avions 8 ans, une tempête de neige a bloqué les routes du Maryland pendant une semaine entière. Nous marchions pendant des kilomètres jusqu’au magasin le plus proche pour nous approvisionner, en tirant une luge derrière nous. Aujourd’hui, les routes sont dégagées rapidement.
En général, les gens souffrent beaucoup moins de l’arbitrage de la nature qu’avant. Quand ils ont mal aux dents, ils vont chez le dentiste et obtiennent un remède assez indolore. Quand il fait froid, ils ont le chauffage central. Quand il fait chaud, ils allument la climatisation. Quand le vent souffle, ils restent dans leurs maisons bien construites, sains et saufs. Lorsqu’il neige, ils font le plein de nourriture et de papier toilette… puis se déplacent en 4×4 en attendant que les camions dégagent les routes.
Même les inondations sont beaucoup moins dangereuses. Habituellement, les alertes sont émises des heures, des jours ou des semaines à l’avance. Les gens ont largement le temps de se mettre à l’abri… ou de « survivre à la tempête » dans un endroit protégé.
Qu’est-ce qui explique ces changements ? La nature n’a pas beaucoup changé. Elle a toujours ses sautes d’humeurs et ses colères. Mais, maintenant, elles sont beaucoup moins mortelles. Peu de gens meurent du froid, de la chaleur, des raz-de-marée, des inondations ou du vent. Quoi que Mère Nature nous envoie, nous, les humains, sommes généralement capables d’y faire face.
Dans les temps anciens, la nature était toujours une menace. Les humains étaient des chasseurs… et aussi des proies. Mais aujourd’hui, peu de gens sont tués par des bêtes sauvages. Même les petites bêtes – virus, bactéries et champignons –ne sont plus aussi dangereuses qu’avant. Au XIVe siècle, la peste noire a tué environ une personne sur quatre en Europe. Au cours de l’été 1665, la grande peste de Londres a tué 15% de la population de la ville. Mais, pendant la crise du Covid de 2020, la population mondiale a en fait augmenté. Moins d’une personne sur 10 000 est morte, et elle avait de toute façon généralement dépassé l’âge moyen de la mort.
Qu’est-ce qui a fait la différence ?