** Quel est le but d’une correction ? Détruire les illusions de la période de bulle précédente.
* Et dans ce domaine, comment se débrouille l’actuelle ?
* Les progrès sont mitigés. Les consommateurs américains semblent s’être vite repentis. Après le krach, ils sont allés chez un psy et ont redécouvert leur fourmi intérieure. A présent, si l’on en croit les nouvelles et quelques rapports anecdotiques, ils économisent tout ce qu’ils peuvent. Les taux d’épargne, qui étaient proches du zéro, sont repassés aux environs des 5%. Et lorsque les consommateurs ne sont pas en train de faire des réserves, ils deviennent plus indépendants. Nous apprenons qu’ils plantent des potagers…et qu’ils installent leurs propres centrales électriques (hier, nous avons trouvé un site internet pour les gens qui veulent générer leur propre électricité). Il paraît qu’ils se coupent eux-mêmes les cheveux… conduisent moins, font leurs propres repas, et ainsi de suite.
* Bien entendu, ils peuvent récidiver à tout moment. Dans la mesure où les autorités leur agitent la bouteille sous le nez toute la journée, bon nombre d’entre eux retomberont dans l’alcoolisme. Mais dans l’ensemble… les consommateurs semblent se libérer de l’illusion qu’on peut s’enrichir en dépensant de l’argent.
* L’illusion de la bulle immobilière semble elle aussi avoir pris une bonne raclée. On trouve peu de gens aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne qui diraient aujourd’hui que "les prix des maisons grimpent toujours" ou qu’"on ne peut pas perdre avec l’immobilier". Les gens savent que les choses ne fonctionnent pas ainsi. De nombreux spéculateurs et propriétaires ont beaucoup perdu. Ils s’en souviendront.
* Malgré tout, même si la leçon a été infligée… elle n’a probablement pas été apprise à fond. De nombreuses personnes cherchent encore le creux de la vague immobilière. Les gens pensent que le plus bas est proche… et qu’ils pourront ainsi profiter d’un nouveau grand mouvement haussier. Ce n’est pas là le genre de réflexion qui vous mène au véritable plancher. C’est le genre de réflexion qui vous mène à de faux plus bas tout au long de la baisse. C’est la sorte d’illusion qui doit être éliminée par des vagues de déceptions successives.
* Voilà ce qui va se passer. Les prix sembleront se stabiliser. Les spéculateurs pleins d’espoir commenceront à racheter de l’immobilier, en comptant sur des plus-values. Ensuite, soit les prix de l’immobilier chuteront encore… soit ils n’iront nulle part. Finalement, l’illusion disparaîtra. Les gens cesseront de considérer les maisons autrement que comme des biens de consommation très durable… qui coûtent cher à entretenir et ne récompensent jamais leurs propriétaires avec quoi que ce soit de plus qu’un toit au-dessus de leur tête et un endroit où conserver leur collection de Playboy ou de poupées en porcelaine.
** Mais pour les actions et l’économie, les illusions de l’ère de bulle ont été à peine entamées. D’accord, les actions ont subi un gros carambolage il y a quelques mois. Les investisseurs ont réalisé que les profits n’étaient ni garantis… ni constants. Mais ça, ils le savaient déjà. Telle était la leçon du retournement de 2001-2002. Ce qu’ils ont retenu de cette expérience, c’est que même si les actions baissent — et elles peuvent baisser radicalement –, on peut s’en sortir relativement bien en gardant son sang-froid. Nous ne nous rappelons pas les chiffres exacts, mais il nous semble que si vous aviez acheté au plancher en 2002 et que vous vous y étiez tenu durant les cinq prochaines années, vous auriez pu quasiment doubler votre mise. Et si vous aviez eu la chance d’acheter Google (nous vous avions conseillé le contraire…), vous auriez fait mieux encore.
* Les investisseurs boursiers savent donc qu’il y a un risque. Mais ils pensent encore qu’on peut faire des profits en achetant les creux… même les grands creux. Cette stratégie fonctionne dans un marché haussier — mais dans un marché baissier, c’est un massacre. Dans un marché baissier majeur, l’investisseur revient sur le marché après un creux… pour se retrouver dans un creux encore plus profond. Il fait cela plusieurs fois, puis il finit par réaliser qu’il est dans le plus grand creux de tous. Enfin, lorsque les actions ont atteint leur véritable plancher — avec des PER de cinq à huit environ — il en a assez. Ses illusions sont toutes mortes dans les pièges à ours baissiers. Il est prêt à abandonner purement et simplement les actions.
* Tel était bien entendu le célèbre message en couverture du BusinessWeek d’août 1982, qui proclamait "la mort des actions". BusinessWeek, qui parlait au nom de la masse des investisseurs désillusionnés, a rendu l’âme.
* Nous sommes loin d’une telle situation, aujourd’hui. Aucun grand journal n’a publié la notice nécrologique des marchés boursiers. La question est plutôt : "pendant combien de temps le rebond durera-t-il encore ?" Certains pensent qu’il est déjà épuisé. D’autres pensent qu’il durera éternellement. Mais tout le monde y pense — et ce n’est pas le genre de réflexion qui se produit lors d’un véritable plancher. Lorsqu’on est à un vrai plus bas boursier, les gens cessent de penser aux actions. L’illusion selon laquelle les actions grimpent toujours sur le long terme est remplacée par une nouvelle illusion — selon laquelle elles ne grimpent jamais !
* Mais elle concerne le secteur économique où les illusions sont les plus intactes. Miraculeusement, ou peut-être juste bêtement, les gens ont toujours confiance dans la profession économique… et dans les économistes qui guident les plus grandes économies de la planète. Ils ne semblent pas perturbés par le fait que ce sont les personnes même qui ont échoué à un test essentiel. Lorsque le tsunami approchait, au printemps 2007… ces vigies ne voyaient rien venir.