▪ Quel finish pour les indices américains vendredi ! Mais que pouvions-nous attendre d’autre à l’occasion de la séance des « Trois sorcières » ? Le S&P (+0,07%) est ressorti du rouge à la toute dernière minute — ce n’est pas une image, c’est bien du premier degré. Il a inscrit sa 17e séance de progression sur une série de 21 — et un « quatre sur quatre » à la hausse pour cette semaine écourtée par le Luther King Day ; le gain hebdomadaire ressort à 2,5%.
Le Dow Jones (+0,76% à 12 720,5 points) inscrit sa meilleure clôture depuis le 21 juillet 2011. Ce n’est pas une date anodine, ni un seuil algébrique parmi tant d’autres ! Le Dow Jones avait inscrit ce jour-là sa meilleure clôture estivale, le précédent plus haut ayant été inscrit le 10 mai 2011 à 12 760 points — soit 0,4% seulement au-dessus des niveaux affichés en ce vendredi 20 janvier.
Six mois se sont écoulés et les indices américains sont revenus au zénith de ces quatre dernières années. Cela semble surréaliste tant le paysage macro-économique a subi de bouleversements dans l’intervalle.
La croissance anticipée pour 2012 est aujourd’hui inférieure de moitié à celle qui prévalait au printemps dernier (les investisseurs tablaient sur +3%… au minimum). Pourtant, le Dow Jones se paye 1 000 points de plus que le 20 janvier 2011, quand tous les oracles prévoyaient une hausse de 15% de Wall Street à la fin de l’année.
Le Dow Jones nous délivre ce surprenant message : la crise des dettes souveraines européennes n’a jamais eu lieu (ou elle est totalement résolue mais personne ne le sait)… la croissance n’a pas fléchi dans les émergents… les Etats-Unis n’ont pas perdu leur « AAA »… le pétrole à 100 $ est une bénédiction… les PIIGS ne sont pas en récession… et la Grèce, sauvée de la faillite, est redevenue une oasis de prospérité !
▪ Wall Street est-elle dans la même galaxie que nous ?
Une proposition alternative est que Wall Street vit sur une autre planète et que la valorisation des actions est devenue affaire de modèles mathématiques incompréhensibles pour le commun des mortels.
La perception du « risque » est artificiellement gommée par la lecture du VIX, qui vient de repasser sous le seuil des 20 pour la première fois depuis le 22 juillet dernier. Ceci illustre une fois de plus le principe de « la queue qui remue le chien ».
C’est parce que le VIX recule que les observateurs déduisent que les acheteurs sont de retour — ce que les volumes démentent : les achats se concentrent sur une poignée de poids lourds du S&P. En réalité, nous assistons simplement à un effet de flux positif depuis le LTRO de 490 milliards d’euros orchestré par la BCE mi-décembre.
C’est une simple injection de morphine qui calme la douleur mais ne résorbe pas la fracture structurelle entre l’Allemagne, les pays du nord de l’Europe et les « PIIGS ».
Peut-être les marchés américains — qui pratiquent le « tout va bien chez nous, c’est les voisins qui sont malades » — sont-ils en train de se déconnecter de la réalité comme ils le firent à l’automne 2007.
Il existe au moins un point commun entre les deux époques : le niveau de surachat des actions à court, moyen ou long terme atteint le même niveau d’excès qu’avant une correction majeure (avril 2010, avril 2011).
Les acheteurs ne peuvent même pas compter sur un quantitative easing (les Chinois s’y opposeraient) pour espérer voir les cours se maintenir en apesanteur.
Le Dow Jones vient de gagner 1 000 points depuis le 19 décembre, soit autant que durant le premier semestre 2011. Faut-il faire le pari qu’il va doubler la mise d’ici la fin du seul premier trimestre 2012 ?
Certains stratèges estiment pourtant que la Fed va sortir un nouveau lapin de son chapeau d’ici quatre à six semaines. Leur conviction s’appuie sur le résultat des dernières adjudications de bons du Trésor US, qui font ressortir une faible participation des non-résidents.
▪ L’Espagne et l’Italie en mauvaise posture
C’est une situation qui n’est pas soutenable, surtout dans la perspective des opérations de refinancement massif de l’Italie puis des banques espagnoles.
L’Espagne se retrouve également confrontée à une récession qui compromet son plan de réduction des déficits. Selon le nouveau ministre espagnol des Finances, Cristobal Montoro, le programme de réduction des dépenses publiques et de hausses d’impôts va s’avérer insuffisant pour tenir les promesses faites à Bruxelles par le précédent gouvernement.
Elles se fondaient sur des perspectives de croissance erronées : +2,3% de PIB en 2012 alors que le score risque tout simplement d’être symétrique à la baisse.
Le déficit 2011 a été ramené à 8,00% environ. C’est une baisse par rapport à 2010 (9,3%)… mais bien au-dessus de l’objectif de 6,0%. La promesse de réduire le déficit à 4,4% du PIB en 2012 est tout simplement intenable ; Madrid sera chanceux s’il ne se creuse pas ces 12 prochains mois.
L’Italie quant à elle multiplie les appels au secours à peine déguisés. Ils ont été entendus par le FMI, qui espère augmenter ses fonds propres de 500 milliards de dollars (qui va les lui avancer ?) — mais cela ne suffira pas.
Mario Monti souhaite que la capacité d’intervention du Mécanisme européen de stabilité (MES), futur fonds de secours permanent de la Zone euro, soit doublée à 1 000 milliards d’euros. Nous savons toutefois que le FESF dispose d’ores et déjà de bien moins de 440 milliards d’euros, et probablement pas plus de 300 milliards Autrement dit, il va falloir trouver entre 650 et 700 milliards supplémentaires.
A part les imprimer de façon plus ou moins assumée, nous ne voyons pas d’où de telles quantités d’argent pourraient surgir comme par miracle.
Vous comprenez maintenant pourquoi Wall Street retrouve ses sommets de l’été 2011 : soit la BCE, la Fed et la Banque d’Angleterre actionnent leurs rotatives jusqu’à ce qu’elles manquent de papier monnaie… soit les marchés s’effondrent — cette seconde hypothèse étant d’emblée exclue.