▪ Ce n’est pas une économie, que nous avons, mais un potager. Comme des légumes cultivés avec assiduité par un jardinier zélé, les bulles enflent et se multiplient, passent d’un sol à un autre.
Petit rappel des faits : en 2001, la bulle des dot.com menaçait d’emporter avec elle une — petite — partie de l’épargne des Américains. Les autorités sont donc intervenues avec un engrais ultra-puissant : taux ultra-bas, dollars distribués gratuitement ou presque… et pop ! Eclosion d’une jolie bulle de l’immobilier.
Cette dernière n’est pas restée stérile : ses graines se sont répandues, donnant naissance à une bulle boursière, une bulle du marché de l’art et une myriade d’autres petites bulles, agglutinées en bouquet au pied de la plante primordiale.
Mais le problème ne se limitait pas à la surface. La plante de l’immobilier a fait pousser dans le sol des racines profondes : dettes hypothécaires, produits dérivés, prêts subprime, CDS, CDO… lorsque la gangrène s’est mise dans ce réseau complexe de racines enchevêtrées, tout le système a commencé à pourrir… se désagréger… s’effondrer.
Là encore, les super-jardiniers de la planète sont intervenus. Au lieu de laisser les anciens plants malsains mourir et se décomposer — fournissant ainsi un terreau fertile pour de nouvelles pousses — ils ont une fois encore sorti l’arrosoir et l’engrais… semblant sauver la situation… pendant un temps.
Sauf que cette fois-ci, il s’est produit une petite chose intéressante. Cette fois-ci, ce sont les jardiniers eux-mêmes qui sont atteints de la maladie qu’ils étaient censés traiter sur leurs plantes. Les Etats ont en effet gonflé une toute nouvelle bulle — celle de la dette publique — qui les affecte eux directement, cette fois-ci, et non plus uniquement les entreprises, les marchés, les ménages.
C’est un peu comme si le virus de la grippe aviaire avait fini par muter et atteindre l’homme — si vous me permettez de passer ainsi de la métaphore végétale à la métaphore animale. Endettés jusqu’au cou, étranglés par leurs obligations sociales : de la Grèce aux Etats-Unis en passant par l’Espagne et la Grande-Bretagne, désormais, les Etats eux-mêmes risquent le défaut de paiement, la faillite… et tous les gros problèmes qui vont avec.
Comment vont-ils se tirer de ce mauvais pas ? Il faudrait réduire les dépenses, réformer, rendre l’économie plus profitable… mais tout ceci ne plaît guère aux électeurs… et surtout, demande du temps. Or le temps, c’est précisément ce que les autorités n’ont pas.
Dans ce cas, la solution est évidente : laisser filer la monnaie, dévaluer pour réduire la dette… et imprimer de l’argent à tour de bras pour remplir les caisses — avec ce qui n’est toutefois, dans les faits, que du papier qui ne s’appuie sur rien.
Ce qui va bien tant que… justement… tout va bien. Mais qu’une chose cède, et c’est la fin. Que les débiteurs commencent à s’impatienter (tenez, la Chine, par exemple, au hasard)… qu’une petite faille s’agrandisse quelque part (dans les Emirats, en Grèce ou ailleurs)… et la débâcle s’ensuit.
Et lorsque ce sera le cas, vers qui se tournera le jardinier malade pour lui administrer un hypothétique remède ?
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora