▪ Mardi matin, nous avons assisté très tôt à la fantastique accélération haussière du Nikkei en seconde partie de séance ainsi qu’à une envolée de 4,5% de la Bourse de Tokyo. Nous avons cru que l’opérateur de la centrale de Fukushima avait annoncé l’amorce d’un lent mais salutaire refroidissement des réacteurs.
Une toute petite amélioration de la situation, une légère baisse du taux de contamination auraient effectivement pu justifier l’amélioration du « sentiment » des investisseurs. Mais les heures qui ont suivi ont hélas démenti ce genre d’espoir.
Il ne restait, pour expliquer le rebond des actions japonaises, que des raisons plutôt techniques. Nous pensons notamment à des achats de rattrapage après un week-end de trois jours (célébration de l’équinoxe) ou encore des débouclements de positions vendeuses en fin de journée. Ce qui a créé une sorte de corner qui ne préjugeait en rien d’une poursuite du mouvement mercredi matin.
▪ L’emballement à la hausse n’était pas de mise à la reprise des cotations en Europe. En effet, les indices avaient fini par poursuivre sur leur lancée de lundi, gagnant 0,5% supplémentaire. Juste de quoi permettre au CAC 40 ou à l’Euro Stoxx 50 de tester d’importants seuils de résistance technique (moyenne mobile à 100 jours, effacement de 50% des pertes subies entre le 18 février et le 18 mars).
La seconde partie de séance fut moins glorieuse. Wall Street prenait rapidement le chemin de la consolidation — un scénario plutôt classique après trois séances de forte hausse, dont 1,5% la veille.
A la mi-journée, les indices américains reculaient de 0,4% en moyenne. De nombreuses firmes industrielles ou technologiques vont être impactées par le ralentissement des exportations de composants automobiles et électroniques en provenance du Japon.
Même genre d’écarts à Londres et Francfort (-0,5%) ainsi qu’à Paris (-0,3%) tandis que Madrid et Milan clôturaient en hausse symbolique. L’Euro Stoxx 50, quant à lui, s’est effrité de 0,2%.
Rien d’inquiétant à première vue. D’autant que les volumes de titres échangés continuaient de se contracter. Le VIX — l’indice du stress associé au S&P — a reculé de 2%, jusque sur le seuil des 20 (contre 31,5 il y a très exactement une semaine).
Mais voilà, nous ne partageons pas la sérénité des commentateurs qui voudraient nous convaincre que les marchés ont presque fini de digérer le drame japonais et l’intervention militaire en Libye. Si une normalisation était perçue comme imminente, nous n’assisterions pas à une remontée en flèche du pétrole (2%) qui rejoint ses plus hauts annuels à 105 $.
▪ Tout semble se compliquer sur le plan politique au Moyen-Orient. Des dissensions se manifestent au sein de la coalition internationale, y compris au sein de la Ligue Arabe, concernant les moyens et les objectifs poursuivis. Sans compter l’épineuse question de l’autorité chargée d’assurer la coordination des forces en présence.
Chacun y va apparemment de son bombardement. Américains, Canadiens, Anglais, Français et Belges se relaient de jour comme de nuit dans le ciel libyen. Mais il n’y pas vraiment de pilote aux commandes de cette force multinationale. Qui décide de quoi en dernier ressort ?
Ces incertitudes ont commencé à saper la confiance affichée par les marchés mardi. D’autant que l’affaire libyenne occulte d’autres situations tendues en Syrie et au Yémen.
▪ Et que dire de la Côte d’Ivoire ? Le président Gbagbo mobilise de nouveaux partisans qui présentent toutes les caractéristiques de milices prêtes à en découdre dès que le signal de la guerre civile à outrance sera envoyé. Le premier producteur au monde de cacao pourrait devenir un enfer où plus aucun acheteur occidental n’osera s’aventurer.
Encore un drame humain affectant plusieurs ethnies et qui pourrait se transformer en guerre affectant une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest et de la zone subsaharienne. Toutes les cartes géopolitiques valables en 2010 pourraient être complètement rebattues d’ici 2012 dans un vaste quart nord-est du continent africain. C’est sans précédent depuis 50 ans !
Dans l’immédiat, c’est la centrale en perdition de Fukushima qui continue de mobiliser l’attention des marchés. Elle reste victime d’épisodes de surchauffe alarmants des réacteurs et continue de rejeter des fumées radioactives qui sont désormais emportées vers le sud (Chiba ou Tokyo). Les autorités sanitaires nippones mettent une nouvelle fois en garde concernant l’agriculture et la pêche.
▪ Le seul véritable rayon de soleil dans cette actualité plutôt sombre provient de l’accord sur l’extension du Fonds de soutien aux pays en difficulté de la Zone Euro, le MES. Mais il ne rentrerait pleinement en vigueur qu’en 2013. Or c’est la période 2011/2012 qui peut poser problème.
Comble de malchance, le taux des emprunts d’Etat irlandais à deux ans s’est envolé soudainement mardi, allant jusqu’à frôler la barre des 10% (9,88% contre 8,95% la veille). Ce résultat est la suite d’une rumeur démentie selon laquelle la banque Allied Irish Banks (AIB) n’aurait pas honoré un paiement d’intérêts sur sa dette.
Histoire de ne pas être en reste, les taux portugais à 10 ans grimpaient à 7,34% contre 7,25% lundi soir. Ils ont atteint en séance un nouveau plus haut historique depuis l’entrée du pays dans la Zone euro. Il faut se souvenir que le franchissement du seuil des 7% avait suffi aux marchés pour considérer que la Grèce était au bord du défaut de paiement, il y a presque un an jour pour jour.