▪ « Achetez tous les creux », reprennent en choeur tous les stratèges depuis septembre dernier. Le seul problème c’est qu’il y a les petits creux — ils attirent prématurément ceux qui ont gros appétit pour le risque… et les gros creux, ceux qui sont destinés aux investisseurs dotés d’un bon coup de fourchette.
Et n’oublions pas une troisième catégorie que chacun s’efforce d’oublier depuis l’automne 2008 : le trou noir.
Les marchés s’y précipitent volontiers en période d’excès de confiance et de sentiment d’invulnérabilité. Lorsqu’ils sont convaincus que la Fed sortira toujours le remède miracle de son chapeau si ses complices et actionnaires viennent se plaindre qu’ils perdent de l’argent.
Difficile de déterminer quelle sorte de creux se dessine depuis que les indices américains ont battu des records historiques (Nasdaq, Dow Transportation, Russel 2000) avec des marges de sécurité jugées convenables, sinon convaincantes.
▪ Faut-il accueillir comme une bénédiction une chute de 1,6% de l’Euro-Stoxx50 dans le sillage de Francfort (-1,7%) et Milan (-1,8%) ? Les chartistes se montrent pour une fois assez prudents, même s’ils soulignent à l’envi que la tendance haussière n’est pas menacée.
Le CAC 40 n’a pas clôturé au plus bas du jour hier, mais il s’en est fallu de peu. Le repli de 1,3% est en réalité bien moins frappant que le volume d’échanges, qui atteint six milliards d’euros (le double de lundi). C’est la journée la plus active à Paris depuis le 15 mars dernier ; les 6,4 milliards d’euros du 18 ne comptent pas, puisqu’il s’agissait de la fameuse journée des « Quatre sorcières ».
Le marché n’a pas rendu les armes sans combattre. Toutefois, il semble que l’incursion du CAC 40 dans le vert au beau milieu de la matinée (jusqu’à +0,5% à 4 116,6 points) n’ait été destinée qu’à permettre le comblement du gap des 4 108,8 points du 2 mai.
Ce sursaut inattendu des indices européens vers 11h a surpris beaucoup d’observateurs. Le lien avec la hausse de l’activité économique en France en mars n’est pas si évident car dans le même temps, l’indice PMI des services en Zone euro était annoncé en recul à 56,7 en avril contre 57,2 au mois de mars.
▪ L’accord de refinancement conclu avec le Portugal (78 milliards d’euros sur trois ans) n’est pas vraiment une surprise — c’est juste une incertitude sur le calendrier qui disparaît à court terme.
L’exemple grec prouve que les injections d’argent ne résolvent que les problèmes ponctuels de trésorerie. Elles ne font rien pour les déséquilibres structurels ou l’insolvabilité d’un pays à moyen terme ; rappelons que le 10 ans grec se traite au-delà de 15,5%, tandis que le deux ans gravite autour de 25%, c’est vertigineux !
▪ La perspective d’un rééchelonnement imminent de la dette grecque (même Baudouin Prot, le P-DG de BNP Paribas, l’évoque ouvertement) n’enraye pas les achats d’euro au détriment du dollar. Ce dernier chutait sous les 1,493/euro peu après le très mauvais chiffre de l’ISM des services avant de se redresser un peu mercredi soir vers 1,4850/euro.
Wall Street a été clairement déçu à deux reprises ce mercredi. En cause, la publication de l’enquête mensuelle ADP concernant l’emploi aux Etats-Unis au mois d’avril (de mauvais augure avant le chiffre du chômage vendredi). Selon ADP, le secteur privé n’a créé que 179 000 emplois au mois d’avril alors que le consensus en attendait 195 000.
Le second temps fort de la séance, ce fut la publication d’un indice ISM non manufacturier (activité dans le secteur tertiaire) en chute de 4,5 points à 52,8, au lieu d’une hausse symbolique vers 57,8.
Ceci confirme le ralentissement économique au premier trimestre, et démontre que le deuxième trimestre s’engage sur des bases tout aussi mauvaises.
▪ L’autre « événement » marquant de cette journée caractérisée par le retour de la volatilité, c’est le plongeon de 6% de l’argent-métal (vers 40 $/once) et du pétrole. Ce dernier a perdu 1,5%, passant sous les 109,2 $ alors que les stocks hebdomadaires — pour une de leur dernière parution — sont ressortis en hausse.
Le compartiment des matières premières dans son ensemble subit un dégonflement de la bulle spéculative née des arbitrages au détriment du dollar. Le pétrole rechute de 5% en 72 heures sur le NYMEX. Il est passé de 115 $ jusque sous 109 $, avec des stocks de brut en hausse, comme souvent à cette période de l’année.
Les parapétrolières font pour la seconde séance consécutive l’objet de dégagements appuyés avec des écarts de -3% en moyenne. Toutefois, Wall Street a fait mieux que résister, en regard du stress qui régnait quelques heures auparavant sur l’ensemble des places occidentales, avec un VIX qui a bondi de 20% en 48 heures, de 14,7 à 17,7 environ (en fin d’après-midi).
Les indices américains ont repris la moitié du terrain perdu à la mi-séance. Au final, le Dow Jones et le S&P lâchent environ 0,7% ; le Nasdaq est à -0,5%, à 2 828 points — contre 2 810 points au plus bas.
▪ Fidèle à sa logique contre-intuitive, Wall Street limite grandement son repli en considérant que les mauvais chiffres du jour accroissent les probabilités de voir la Fed prolonger d’une manière ou d’une autre le recours à la planche à billets. Et peu importe qu’elle qualifie son prochain programme de rachats de bons du Trésor d’assouplissement quantitatif ou de soutien ciblé aux émissions de dette fédérale.
Les QE1 et QE2 n’ont pas fonctionné : la croissance rechute, l’emploi stagne, l’immobilier déprime dans des proportions historiques. Mais visiblement, ce n’est pas une raison pour rejeter la mise en oeuvre d’un QE3.
Si cela ne relance pas l’économie américaine, cela évite le défaut de paiement des Etats-Unis et c’est tout ce qui compte… Le reste n’est que littérature.
▪ Le Congrès a commencé à discuter du montant de l’extension du déficit budgétaire. N’oublions pas que démocrates et républicains ont bataillé en vain durant un mois autour du concept d’un maintien du statu quo sur la dette moyennant une cure d’austérité sociale extrêmement impopulaire.
Ne rien lâcher — aussi bien sur les économies à réaliser que sur le train de vie de l’Etat — était une posture politiquement suicidaire pour l’un et l’autre des deux camps. Seul le Tea Party s’oppose encore et toujours au rôle redistributif de l’Etat ; il réclame aussi bien des baisses d’impôts (toujours au profit des plus favorisés) que l’enterrement de Medicare (institué au profit des plus faibles).
Les pauvres n’ont qu’à pas attraper des maladies de riches, un point c’est tout.