Par Jean-Claude Périvier (*)
C’était un véritable décor de l’Ouest américain. La route s’étirait entre Banff et Vancouver ou Whistler. Le Canada est un immense pays dont on ne mesure l’ampleur qu’en le visitant. J’avais voulu réaliser un vieux rêve : traverser toute la barre des montagnes Rocheuses d’est en ouest, comme au temps des pionniers. D’abord, les paysages étaient sublimes : quoi de plus impressionnant que ces plissements montagneux d’il y a plusieurs centaines de milliers d’années, qui ont fait jaillir les cimes enneigées que l’on contemple à chaque virage, et ces lacs glaciaires aux couleurs étonnantes.
Passé ce décor grandiose, la route file entre deux haies de sapins. On croise ou on double, quand c’est possible, des camions aussi rutilants que gigantesques, lourdement chargés. Peu à peu, la monotonie s’installe, bien que la vigilance soit de mise pour éviter la possible rencontre avec un ours ou un wapiti. Et puis soudain, je le vis. Je n’avais pas remarqué que depuis un bon moment, la route longeait une voie ferrée. Mais j’aperçus au loin ce qui ressemblait à une immense chenille dont je ne voyais pas la tête. Un train, car c’en était évidemment un, roulait à vitesse réduite, et sans forcer, je ne tardai pas à rattraper le dernier wagon et à remonter toute la file de ses prédécesseurs. Des dizaines et des dizaines de wagons… Je n’en avais jamais tant vu en un seul train. Les virages se succédaient sans que jamais je n’atteigne la locomotive. Nous traversâmes une petite agglomération, et ça continuait. Enfin j’aperçus la tête du convoi : trois motrices ! Qui se dirigeaient vers l’Ouest et les ports du Pacifique.
Que transportaient ces wagons ? Les céréales des grandes plaines centrales, du charbon, du gaz, des phosphates ou de la potasse ? Peu importait en réalité. Ce qui sautait aux yeux, c’était l’importance de ce corridor et de son utilisation comme axe de communication. Cette voie ferrée était le seul moyen de faire massivement transiter ces marchandises lourdes vers des lieux d’exploitation, ou d’exportation. Ce qui lui donnait une importance économique vitale pour assurer le débouché des richesses nichées au coeur du centre-ouest du pays.
A la croisée des infrastructures et de l’environnement
Camions, trains, bateaux et barges, avions… autant de moyens pour transporter passagers et marchandises. Les transports me font penser au réseau sanguin dont la nature a doté le corps humain : ils sont les outils qui permettent d’irriguer l’économie mondiale. C’est dire leur nécessité absolue pour que l’activité économique soit assurée et se développe. Pas de transports, pas d’échanges commerciaux, pas de progrès pour les populations qui ne disposent alors plus des biens d’équipement ou de la nourriture dont elles ont besoin. Accessoirement, pas de tourisme.
Vous l’avez compris, je vous propose ce mois-ci de regarder les opportunités dans les transports. Mais attention ! Pas n’importe lesquels… Dans le contexte actuel de récession, j’ai très simplement procédé par élimination.
Les transporteurs aériens risquent d’être dans l’oeil du cyclone pour longtemps. Le fret aérien a considérablement baissé. Le transport aérien de marchandises représente 35% de la valeur des échanges internationaux. En novembre, le fret a plongé de 13,5%, et pire en décembre : -20,4%, soit son plus fort recul depuis 2001. Cette chute montre clairement la propagation du ralentissement économique. Déjà impactés par les hausses du pétrole, ils risquent de voir leur nombre de passagers stagner, voire même diminuer si l’on en croit les prévisions pessimistes des tour operators de tous les pays. Lorsque ce passage à vide s’estompera, le prix du pétrole aura déjà remonté…
De son côté, le transport maritime s’est brutalement effondré. Pas entièrement, cependant, ce sont les vraquiers qui ont chuté, car les transports par conteneur résistent pour l’instant. Mais jusqu’à quand ?
D’ailleurs, Philippe Béchade nous le rappelait le 30 octobre dans La Chronique Agora : "L’indice Baltic (base 100 en 1985) qui mesure l’évolution des frais de transport de marchandises brutes (telles que le charbon, le gaz, le minerai de fer, les engrais, les céréales, etc.) s’est effondré de 11 793 points début juin jusque sur un plancher de 982 points le 27 octobre dernier [il a encore reculé à 872 pour ensuite se stabiliser]. Il a donc connu un repli de plus de 91,7% en moins de cinq mois : un record toutes catégories qui n’est peut-être pas près d’être égalé ! Record de faillites aux Etats-Unis dans le secteur des transports alors que 2 000 entreprises spécialistes du fret routier ont mis la clef sous la porte entre janvier et juillet 2008. Les dockers ne sont pas mieux lotis alors que les ports américains enregistrent une baisse de 7,2% de leur activité entre janvier et septembre 2008".
Le fret maritime repartira avec la croissance mondiale, c’est certain. Mais pas tout de suite. Le fret routier n’est pas épargné pour autant. En France, les faillites chez les transporteurs routiers ont doublé en 2008 par rapport à l’année précédente, ce qui a entraîné la perte de 10 000 emplois. En cause, la flambée initiale du prix du carburant, puis la crise financière et économique. Celle-ci est grave, les entreprises ont connu un décrochage très brutal d’activité au mois d’octobre. Nombre d’entre elles risquent de ne plus être là à la reprise de l’activité.
Les transports routiers sont, de plus, soumis aux aléas du prix du pétrole, et par ailleurs ils sont de plus en plus montrés du doigt pour la pollution qu’ils dégagent. S’il n’est évidemment pas question de s’en passer, leur heure de gloire pourrait bien être d’une autre époque.
Meilleures salutations,
Jean-Claude Périvier
Pour la Chronique Agora
(*) Parallèlement à sa carrière dans le conseil aux entreprises et l’intelligence économique, Jean-Claude Périvier s’intéresse à la Bourse et à l’investissement depuis 1986. Analyste de talent, il excelle à détecter et anticiper les tendances futures… pour en déduire les meilleures opportunités de gain dans sa toute nouvelle lettre d’information, Défis & Profits.