▪ La vie est injuste.
C’est en tout cas ce que doit se dire l’euro. La monnaie unique, battue, souffletée, rejetée, se demande sans doute où sont passés ses anciens jours de gloire — ceux à plus de 1,50 $… ceux où on la considérait comme une alternative solide et crédible au dollar.
Aujourd’hui, l’OCDE le harcèle, le FMI le fustige, la Chine le délaisse (ou pas — mais certaines rumeurs ont la dent dure).
Et pourtant ! L’euro se porte aussi bien — ou aussi mal — que le dollar. Alors pourquoi les investisseurs continuent-ils de se tourner vers le billet vert comme refuge ? Pourquoi s’obstinent-ils à considérer la devise américaine comme un roc sur lequel s’appuyer en cas de tempête… alors que ledit rocher repose en équilibre précaire tout au bord d’une falaise vertigineuse ?
Il me semble surtout que les investisseurs ont la vue courte. Leur précédente ruée sur l’euro était tout aussi aveugle que la ruée actuelle sur le dollar ; c’était une réaction de panique instinctive — comme un daim pris dans les phares d’une voiture… et qui se rue droit sous les roues du camion qui arrive en face. De Charybde en Scylla, de la poêle à frire dans le feu, du marteau à l’enclume… choisissez ce que vous voulez, en tout cas, le remède est pire que le mal — et vice versa.
Comme l’expliquait Bill jeudi, "le problème, dans l’économie mondiale, c’est la dette. Il y en a trop. Les investisseurs encore doués de raison savent qu’un excès de dette engendre des problèmes. Lorsque les gouvernements alourdissent leur dette, ça n’arrange pas vraiment les choses ; ça les empire".
"Quel genre de problèmes est-ce que ça provoquera ? Eh bien, c’est ce que nous allons découvrir. Inflation… déflation… faillites… défauts de paiement… marchés baissiers… Nous sommes d’avis que nous allons voir un peu de tout ça — mais pas nécessairement dans cet ordre".
▪ Mais en ce moment, on voit émerger un nouveau concurrent. Les devises fiduciaires sont toutes vouées à la destruction, en fin de compte. Tous les investisseurs n’en sont peut-être pas convaincus, mais ils sont quand même de plus en plus nombreux à commencer à s’intéresser à la seule devise qui ne soit pas une simple reconnaissance de dette… je veux parler de l’or, comme vous l’aurez deviné depuis le début de ce paragraphe, sagace lecteur.
"Les acheteurs d’or se constituent une assurance contre les problèmes", continue Bill. "Ils utilisent le GLD — un ETF sur l’or — comme une sorte de ‘banque centrale du peuple’. C’est une manière de maintenir des réserves monétaires ‘faites maison’."
Simone Wapler, rédactrice en chef de MoneyWeek, formulait très joliment les choses à l’automne 2008, en pleine débâcle bancaire : "la relique barbare est enfin sortie de sa tanière. Elle s’ébroue. Elle s’étire, elle s’échauffe… Elle bâille : hou, comme elle a de grandes dents, la relique barbare. C’est pour mieux croquer les petits investisseurs qui ont cru qu’on pouvait s’en passer".
"Pour l’autre catégorie d’investisseurs, c’est une amie. Ils savent la caresser dans le sens du poil. Ceux qui avaient un minimum de bon sens, qui n’ont jamais cru qu’on pouvait s’enrichir en s’endettant, soit à titre individuel — comme aux Etats-Unis –, soit à titre collectif — comme en France. Ceux qui trouvent louche qu’il y ait toujours plus d’euros et de dollars en circulation que le surcroît de richesse nationale".
"Tous ceux-là, dans tous les pays, sont déjà montés dans le grand train de l’or. Ils ont résisté à toutes les vicissitudes ; ils ne sont pas descendus à la gare des 800 $, ni à la gare des 900 $, ni à la gare des 1 000 $. Ils ont résisté lorsque, la gare des 1 000 $ passée, le train s’est fourvoyé sur une voie de garage et a été ensuite redirigé par un chef de gare malintentionné en rase campagne entre les gares 700 $ et 800 $".
Aujourd’hui, la gare des 1 000 $ est bien loin. Nous avons passé l’étape des 1 100 $, puis celle des 1 200 $. Gardez en tête la prochaine escale, cher lecteur : les 2 000 $. Une fois là-bas, nous verrons si la suite de l’itinéraire nous tente… ou si nous préférons descendre avant d’arriver à la gare de Bulle Aurifère.
Bon voyage !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora