▪ Irene n’était pas si épouvantable. Elle a déraciné quelques arbres, inondé quelques caves. Mais en fin de compte, elle s’est montrée bien sage et s’en est allée sans faire d’histoires le moment venu.
Les traders, les joueurs, les spéculateurs et les promeneurs de minuit sont revenus à Manhattan dès les débris déblayés. Sans doute pensaient-ils avoir été épargnés pour un dessein supérieur. Ils ont dû regarder vers les cieux alors que les nuages se dissipaient et que les rayons dorés du soleil venaient éclairer leur visage. Quoi qu’il en soit, ils se sont précipités sur les actions et les ont faites grimper.
A en croire les marchés boursiers, la tempête est terminée… et tout va bien.
Mais le PIB US n’a augmenté que de 1% au dernier trimestre. C’est un petit chiffre. Ne le regardez pas de trop près, il risque de disparaître complètement. Si l’on ajuste les derniers chiffres de la « croissance » au taux d’inflation officiel, on obtient une croissance réelle négative. Une récession, en d’autres termes.
▪ On ne peut que se poser des questions, ensuite. Imaginez que l’on ajuste ce chiffre à la population ? Aux Etats-Unis, elle se développe à un taux qui frôle tout juste les 1%. On observerait que l’Américain moyen s’appauvrit (en termes de part du PIB) d’environ 3% ou 4% par an.
On comprend alors beaucoup mieux certaines informations économiques.
Un rapport publié lundi nous dit par exemple que le taux d’épargne personnelle aux Etats-Unis grimpe toujours — comme on pouvait s’y attendre. Alors qu’il était proche de zéro, il est passé à plus de 5%. Les ménages américains continuent de réduire leurs dépenses… et d’augmenter leur épargne. Ce dernier trimestre, ils ont remboursé 50 milliards de dollars de dettes. Une goutte d’eau dans l’océan… mais au moins était-ce le bon océan.
Nous avons également appris que l’utilisation de carburant était à un plus bas de neuf ans. Les Etats-Unis auront bientôt droit à un long week-end férié. Mais cette année, selon les prévisions, plus d’Américains resteront chez eux. Ils ne peuvent pas se permettre de faire le plein pour un long voyage en voiture.
Nous espérons que c’est vrai. Nous devons nous rendre à New York depuis Baltimore pour assister à un mariage ; nous ne voudrions pas être coincé dans les embouteillages.
Mais il est triste de penser que les gens ne peuvent pas se permettre de rendre visite à leurs amis et parents parce qu’ils n’ont pas l’argent nécessaire pour payer l’essence. Ah, si seulement on pouvait revenir au bon vieux temps ! Nous nous rappelons avoir acheté du carburant pour 25 cents le gallon au début des années 70.
Soupir… Mais c’était avant que Richard Nixon n’invente le dollar bidon que nous avons aujourd’hui. Voyons voir… Imaginons que Nixon ait fait ce qu’il fallait. Et s’il s’en était tenu à l’engagement des Etats-Unis de payer leurs dettes en or ?
Cela aurait été l’enfer durant les années 70… mais ne vaut-il pas mieux vivre l’enfer tôt plutôt que tard ? Après tout, le montant total des demandes étrangères sur le dollar était à l’époque de 50 milliards environ. Aujourd’hui, il est aux alentours des 4 000 milliards de dollars — peut-être plus.
Alors, juste pour rire… imaginons ce qui se serait passé. Bien entendu, il y aurait eu une période de pleurs et de grincements de dents. Et ensuite ? Ensuite, les producteurs américains auraient dû se remettre au travail et exporter des biens… tandis que les consommateurs auraient été forcés de calmer leurs ardeurs dépensières. Le déficit commercial américain serait resté sous contrôle… et les Etats-Unis auraient encore des emplois industriels. En revanche, ils n’auraient pas de dette équivalant à 370% du PIB.
Mais combien les gens paieraient-ils pour un gallon de carburant ? Eh bien, voyons… supposons que l’or ait bien fait son travail de vraie devise, en maintenant le pouvoir d’achat à un niveau constant. Au début des années 70, on pouvait acheter 160 gallons d’essence avec une seule once d’or. Et aujourd’hui ? Avec une once d’or à 1 800 $ et le carburant à 4 $, on peut acheter 450 gallons. C’est comme si le prix de l’essence avait chuté à 10 cents le gallon !
Hmmm… allez comprendre.
Soit le carburant est trop bon marché, soit l’or est trop cher. Si nous étions trader, nous vendrions l’or à découvert, et serions « long » sur le pétrole.
Dans la mesure où nous ne faisons que supposer, nous allons émettre une supposition sur ce que ça signifie…
Le carburant est faible parce que l’économie est fondamentalement faible. L’or est cher parce que Richard Nixon a détruit l’intégrité du dollar, l’économie américaine et le système monétaire mondial. Chacune de ces tendances doit arriver à son terme. En attendant, le carburant… et/ou l’or… auront peut-être besoin d’un petit ajustement. Et la tempête se poursuit…