▪ « What did you expect ? » demande Nicole Kidman dans une publicité pour un soda aux agrumes où elle adresse à la caméra son regard le plus sexy et le plus lourd de sous-entendus, tout en laissant glisser une bretelle de sa robe ultra-glamour… avant de jeter son dévolu sur une bouteille de boisson gazeuse au lieu du bellâtre qui se consume de désir dans l’antichambre de sa suite royale.
Cette question, il semble également qu’Angela Merkel brûlait de la poser aux journalistes et aux marchés qui ont suivi en direct la conférence de presse concluant le mini-sommet franco-germano-italien de jeudi.
Si nous n’avons pas eu droit au glamour, nous avons en revanche eu droit à une vraie frustration. Non seulement l’Allemagne reste inflexible sur la nature du mandat de la BCE, mais la France et l’Italie sont manifestement obligées de faire profil bas sur la question.
Puisque les participants n’avaient rien de très intéressant à dire (vous allez pouvoir en juger par vous-mêmes dans quelques instants), nous avons concentré notre attention sur les attitudes corporelles.
Angela Merkel n’a pas décroché un regard en direction de Nicolas Sarkozy durant les 20 minutes de la conférence de presse ! La tête rentrée dans les épaules, le regard par en dessous, son attitude était presque glaçante. Etait-ce un reflet du climat des discussions de la mi-journée entre les trois protagonistes ?
Nicolas Sarkozy a tenté de réchauffer l’ambiance en jouant sur un registre plus cordial en interpellant son ami « Mario » (qu’il invitait à prendre la parole) — lequel lui a répondu d’un très protocolaire « merci Monsieur le président ». Peut-être pouvons nous voir là la volonté d’imposer un style un peu moins cavaliere que son prédécesseur, Silvio Berlusconi.
Le mini-sommet tripartite qui réunissait Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Mario Monti à Strasbourg ne risquait pas d’évoquer une chaleureuse rencontre entre chefs d’état conviés à la Maison Blanche pour déguster la dinde « entre grands de ce monde » à l’occasion de Thanksgiving ce jeudi.
▪ La sinistre réunion préparatoire au sommet européen de Bruxelles du 9 décembre n’a par ailleurs donné lieu à aucune annonce susceptible de restaurer la confiance des marchés. Les investisseurs retiendront cette phrase récitée par Nicolas Sarkozy et qui semblait dictée par Angela : « aucune pression, aucune demande positive ou négative ne devra plus être adressée à la BCE ».
Ceci ressemble à un rappel à l’ordre adressé à la France quelques heures après qu’Alain Juppé a invité la BCE à jouer un rôle actif et fort dans la résolution de la crise des dettes souveraines européennes.
La Chancelière n’a rassuré personne en affirmant qu’elle mesurait à quel point il sera difficile de rétablir la confiance dans la Zone euro. Cela passera par une modification des traités en vue d’une plus grande intégration des politiques budgétaires et fiscales et certainement pas par une dose supplémentaire de monétisation des dettes libellées en euro par la BCE.
Elle a également pris la parole pour affirmer que la création de stability bonds ne répond pas aux exigences du moment. Une manière d’enterrer une bonne fois pour toutes les propositions de José Manuel Barroso présentées la veille comme une solution alternative au FESF « renforcé »… et les marchés risquent d’attendre longtemps avant qu’il le soit effectivement.
Bien convaincus que les élites germaniques avaient reçu le message de l’échec de l’émission de six milliards d’euros de Bunds la veille, ils espéraient que cela éveillerait une sorte de prise de conscience.
Mais Angela… « on ne la lui fait pas à l’intimidation » !
▪ Les marchés l’ont appris à leurs dépens : ils ont gagné jusqu’à 1,9% en début d’après-midi mais ils n’ont pas tardé à déchanter. Il a suffi de deux courtes prises de parole de la Chancelière pour que les indices boursiers amorcent leur décrue puis effacent la totalité de leurs gains.
Il leur a fallu moins d’une heure pour rebasculer dans le rouge et ils n’en sont plus ressortis jusqu’à la clôture. L’Euro-Stoxx 50 affichait -0,3% au final mais si le score apparaît bénin, il s’agissait cependant de la sixième séance de baisse consécutive et de la huitième sur une série de neuf. Ce mois de novembre ressemble de plus en plus à un certain mois de juillet 2008 !
Le CAC 40 a réussi à se stabiliser au contact du palier des 2 820 points après avoir testé –comme beaucoup de chartistes l’anticipaient — le support graphique des 2 808 points.
Il est difficile de croire que ce re-test constitue le seul fruit du hasard : dans le même temps, l’Euro-Stoxx 50 a retracé très exactement (au point près) son plancher intraday des 2 077 points du 11 août dernier.
Si Wall Street ne se trouvait pas privé de support depuis le sell-off [NDLR : figure technique caractérisée par une forte baisse et une augmentation des volumes] du dernier quart d’heure précédant la clôture de mercredi, nous miserions sur un rebond technique sans nous poser de questions.
Mais ce serait trop simple et le scénario de cette fin novembre nous intrigue. Nous n’avons pas le souvenir d’avoir observé une seule fois en 30 ans de présence sur les marchés une série de six séances de repli consécutifs ni une chute de 5% au cours des trois séances précédant le week-end de Thanksgiving.
Le plus ample repli — qui n’excéda pas les -3% — se matérialisa en 2007. Il avait été corrigé des deux tiers à l’occasion de la demi-séance du Black Friday. Cette correction, personne ne s’en était inquiété à l’époque et c’est normal : elle survenait trois semaines seulement après que le Dow Jones et le S&P avaient inscrit de nouveaux records historiques (début novembre 2007).
C’est peu de dire que le contexte apparaît radicalement différent cette fois-ci ! Et si la spirale baissière s’accélère ce vendredi… what can you expect ?
5 commentaires
Bonjour,
Pour l’introduction de votre article il s’agit plutôt de Uma Thurman, ce qui ne gâche en rien la pertinance et le plaisir que j’ai pris à lire la suite 😉
Bonne journée.
Cher Monsieur,
Il existe bien deux publicités. Une effectivement avec Uma Thurman dans le cadre d’une « junk interview ». Mais notre rédacteur fait bien référence à celle avec Nicole Kidman qui prend place dans un palais en Inde.
Bien cordialement
Arlequin serviteur de son maître.
Bonjour, Tous ces gens là sont à bout de nerf, Sarkozi s’esclaffant à propos des hypocondriaques:
» Sur leur tombe ont inscrit , je vous l’avez bien dit » ce qui ne manque pas de sel si l’on considére le résultat du petit théatre entre amis-ennemis auquel on a assisté hier. (Entre Guignol et Arlequin, il ne manquait que le gourdin et les costumes idoines); tandis que son ministre des finances le dictionnaire Larousse à la main menaçait les agences de notation en s’esclaffant sur le fait que « la boulette » concernant le tripe A français était une boulette plus boulette que celle du dictionnaire pré-cité.
Je regrette infiniment le décès de Beaumarchais qui nous aurait troussé là quelques scènes qui auraient outragé la censure.
Le problème c’est que lorsque Marie Antoinette réussi enfin à faire représenter « Figaro » à Versailles, il était déjà trop tard.
Bonjour,
Dans ce cas, je m’incline.
Cordialement,
Petite suite audiovisuelle.
L’attention de Philippe Béchade aux attitudes corporelles, me fait songer à un autre moment de la semaine télévisuelle. Il s’agit de la série « Fait pas ci, Fait pas çà ». La scène se passe dans un funérarium. Une famille plus ou moins affligée, mais pour le moins tétanisée, suit du regard le cercueil du défunt qui glisse progressivement vers le lieu de l’incinération.
Pour l’affaire Strauss-Kahn on disait sidération, pour les trois dirigeant européens, je dirai tétanisation.
Dans quel ailleurs leur esprit s’égarait-il, tandis que le spread entre l’Italie et la France flamboyait à l’horizon ?
Cette image me fait songer à une photo célèbre, qui avait été utilisée dans la série « Lie to me ».
Il s’agit de Churchill à Yalta entre Wilson et Staline, là aussi quelque chose d’énigmatique et de non dit, avec en outre une gestuelle révélatrice.
L’ Europe de la reconstruction finira t-elle en poussière ?
Le problème avec la mort, c’est que l’on ne sait pas ce qui se passera après. (Je veux dire dans le monde que l’on abandonne et non dans un problématique au-delà, ce qui est une autre histoire.)
Le temps de l’histoire est un temps long, il faut au grand minimum une cinquantaine d’année pour que les historiens puissent analyser un temps soit peu les événements passés.
Qui aurait pu mesurer sur le moment les conséquence de la politique du Chancelier Bismarck avec cet agencement subtil mais périlleux de la triple alliance et de la tripe entente ?
Hier, Arte a rediffusé « le Guépard » dont la morale pourrait bien être celle de cette histoire ci:
« Tout change et rien ne change ».
En effet le mot révolution signifie progression sur une orbite et retour au point de départ.
En ce qui concerne l’ Europe nous n’en sommes pas encore là, il s’agirait plutôt d’une circumnavigation.