** Beaucoup d’opérateurs font le pont en cette veille de 11 novembre… et pas forcément par choix délibéré. En ces temps de serrage de boulons budgétaires, tous les moyens sont bons pour alléger les charges salariales des entreprises du secteur financier, à commencer par la prise de jours de RTT imposés lorsque l’activité des marchés tourne au ralenti.
Les nostalgiques des cérémonies sous l’Arc de Triomphe qui commémorent l’armistice de 1918 seront frustrés cette année car il n’y aura pas de prise d’arme à grand spectacle avec remise de décorations aux anciens combattants par le président de la République : avec le décès du dernier poilu survivant en début d’année, il n’y a plus d’acteur de la Grande Guerre à honorer. Ceux qui ont combattu en 39-45, en Indochine ou en Algérie se contenteront désormais des cérémonies du 8 mai.
On parlera désormais moins des grandes guerres mondiales et de ses glorieux soldats mais la grande crise économique (la Première Crise Mondiale, telle que Bill Bonner la baptise) de 2007-2008. Ne constitue-t-elle pas une forme de Troisième Guerre mondiale, mais économique cette fois-ci ? Parmi les victimes, les pauvres de la planète se comptent par centaines de millions ; ils ne meurent pas écrasés par des tapis d’obus et de bombes comme à Verdun, Dresde ou dans la jungle du Viêtnam mais privés de nourriture, d’eau potable et de soins.
La Grande Crise jette également sur les routes — et par centaines de milliers — les plus vulnérables au sein des classes moyennes des pays développés. Ils sont même plusieurs millions de surendettés à s’être vus privés de cartes de crédit et de logement aux Etats-Unis et ceux-là ne survivent que grâce à la charité populaire.
Pour ceux qui ont perdu leur emploi — ils sont plus de 500 000 dans ce cas rien que pour les mois de septembre et d’octobre 2008 –, les allocations chômage ne permettent de maintenir la tête hors de l’eau que trois mois. Juste de quoi tenir jusqu’à la prise de fonction de Barack Obama le 20 janvier prochain… mais la période des fêtes s’annonce morose.
** L’avenir semblait bien sombre vendredi dernier, quelques heures après la publication des statistiques du chômage américain. Les investisseurs redoutaient que le week-end n’apporte son lot hebdomadaire d’annonces de faillites bancaires et de profit warning, cassant ainsi le moral des investisseurs dès l’ouverture lundi matin.
Au lieu de cela, c’est un feu d’artifice de hausses qui se matérialise avec la divulgation d’un plan de relance économique massif par la Chine, de près de 600 milliards de dollars. La nouvelle a euphorisé les places asiatiques : Shanghai s’est envolé de 7,3%, Hong Kong de 3,5%, Bombay de 6,8% et Tokyo de 5,8%.
Il n’en fallait pas davantage pour que les places européennes prennent entre 3 et 3,5% dès les premières minutes de cotation. Les valeurs industrielles et tous les titres du secteur BTP ont rapidement affiché des gains entre 8 et 15%. Cela a permis au CAC 40 de se repositionner au-dessus des 3 600 points durant une bonne partie de la matinée d’hier.
C’est un bon début de semaine mais cela n’est pas encore décisif : il va falloir que le CAC 40 poursuive son effort au-delà des 3 675 puis des 3 690 points, mais cela ne peut se faire sans le soutien de Wall Street.
Les marchés américains ont chuté de 4% (au minimum) la semaine passée alors que les indices paneuropéens s’adjugeaient +0,5% (en moyenne). C’est une différence de performance rarissime qui appelle un important correctif. Même avec une progression supplémentaire de 2% qui propulserait le Dow Jones bien au-delà du seuil des 9 000 points et le Nasdaq non loin des 1 700 points ce lundi, les indices américains seront encore loin du compte.
** En matière de plan de relance, les Etats-Unis semblent déjà avoir perdu la main car la Chine a annoncé ce dimanche 9 novembre un projet d’investissement de plus de 450 milliards d’euros (environ 600 milliards de dollars). Il devrait prendre la forme de grands travaux (aéroports, chemins de fer, autoroutes, modernisation du réseau énergétique), mais aussi des mesures de politiques sociales, dont des logements à prix économique.
L’objectif de Pékin est de stimuler la demande intérieure afin d’amoindrir la dépendance du pays vis-à-vis de ses exportations. Le gouvernement chinois continue en outre de viser une croissance au-dessus des 7% en 2009… mais elle fait bien pâle figure en regard des 11 ou 12% du premier semestre de l’année olympique.
** En Europe, beaucoup d’espoirs reposent sur le succès du sommet de Washington du 15 novembre prochain. Les 27 pays européens se sont mis d’accord sur des mesures à adopter vendredi dernier et notamment une redéfinition du rôle du FMI, une régulation des agences de notation, un code de conduite pour éviter les prises de risque excessive dans la finance et une révision des normes comptables — qui pourrait redonner un ballon d’oxygène aux banques sans pour autant restaurer l’opacité sur la valeur des actifs qui prévalait au début de l’année 2007.
Si la volonté de "faire quelque chose" est bien là, il apparaît difficile de concilier toutes les "bonnes volontés" (sans parler des mauvaises). Ce week-end, depuis São Paulo, où les pays du G20 avaient organisé une réunion préparatoire au sommet de Washington, les pays émergents ont clairement signifié qu’ils voulaient voir leur rôle s’accroître au sein des instances financières mondiales. S’ils ne sont pas entendus, il ne faudrait pas longtemps avant que les exigences du moment ne débouchent sur un chantage à la mise en échec.
De ce point de vue, l’Europe prétendument unie, n’a pas souvent donné le bon exemple. Ce serait un prodige si le président Sarkozy et Jean-Claude Junker parvenaient à le faire oublier.
La Chine, avec sa population plus nombreuse que l’Union européenne, les Etats-Unis et l’Amérique du Sud réunis, n’a pas à composer avec les égoïsmes particuliers : elle parle d’une seule voix et ne compte visiblement sur personne pour échapper à la dépression économique qui menace l’Occident.
Soixante ans auparavant, un seul pays avait les moyens d’adopter une telle attitude : les Etats-Unis !