▪ David Rosenberg :
"Les données économiques tant aux Etats-Unis qu’au Canada se sont améliorées et, dans leur majeure partie, ont dépassé les attentes. Il y a toutefois un dilemme : les valorisations boursières ont dépassé de loin les fondamentaux. En dépit de la tentation de se lancer dans un rally ‘nourri par les liquidités’… elles ne peuvent durer sans une expansion économique organique solide. Le problème, c’est que l’économie mondiale en général, et l’économie américaine en particulier, fonctionnent grâce à une telle quantité de médicaments qu’il est difficile de faire un examen correct du patient en ce moment. Tout ce que nous savons, c’est que les marchés semblent avoir très rapidement pris en compte l’équivalent de trois années de reprise".
"Le S&P 500 a désormais repris plus de 60% par rapport à ses planchers, ce qui est absolument extraordinaire, et je tire mon chapeau à ceux qui l’avaient vu venir. La question est de savoir si les fondamentaux parviendront à rattraper ces niveaux de valorisation — généralement, après un rebond de 60%, on est pleinement entré dans le cycle économique suivant. Jamais encore on n’avait vu le marché tant grimper sur une si courte période ; en général, à ce stade, l’économie a déjà créé plus d’un million de nouveaux emplois — durant cette évolution extrêmement tape à l’oeil, les Etats-Unis ont supprimé 2,5 millions d’emploi (autant que nous en avions perdu durant l’intégralité de la récession de 2001).
Les marchés grimpent. L’économie coule. Elle ne coule pas aussi rapidement qu’avant. Mais elle sombre malgré tout. Mois après mois, le nombre de personnes sans emploi augmente. Même Paul Krugman pense que le chômage n’atteindra pas son sommet avant 2011.
Et les prix des maisons ? Difficile de voir ce qui se passe. Comme le dit Rosenberg, le patient est dopé à tel point qu’il n’est pas possible de poser un diagnostic. Tout de même, il n’a pas l’air en forme. Des millions de prêts hypothécaires n’ont pas encore été mis à l’oeuvre. Intérêts seuls… Alt-A… prêts commerciaux… et même prêts prime. Tous sont confrontés à des ajustements de taux… et des refinancements… avec des nantissements dont les prix ont perdu 20%-30%-40%. Comment refinancer lorsqu’on a la tête sous l’eau ?
▪ Revenons aux bases. Tout se passait plutôt bien. De 1945 à 2007, les dépenses de consommation et le crédit ont augmenté. Tant que les prêteurs voulaient prêter… et que les consommateurs étaient prêts à s’endetter plus encore… l’économie se développait.
Vers la fin, les choses sont devenues un peu folles. Puis tout a explosé.
Comme prévu, les autorités se sont précipitées pour sauver la situation. Mais elles n’ont qu’une seule stratégie : ajouter plus de cash et de crédit. Ca fonctionne toujours… jusqu’à ce que ça ne fonctionne plus. Ce qui est arrivé en 2008.
Les banques ne veulent pas prêter sur des prix immobiliers en chute. Et les consommateurs ne veulent pas emprunter lorsque leurs revenus baissent.
Donc… fin de l’expansion du crédit à la consommation. Il faut faire avec.
Mais les autorités n’abandonnent pas. Avec leur aide, les marchés ont rebondi. Bien entendu, les rebonds sont l’une des caractéristiques les plus fiables d’une économie de marché. Un rebond de 50% du Dow — à peu près équivalent au rebond qui a suivi 1929 — mènerait l’indice à 10 300. Nous n’y sommes pas encore.
▪ Il n’y a donc rien d’inhabituel ou d’inattendu dans la situation actuelle. Les marchés ont fait ce qu’ils sont censés faire. Les autorités ont fait ce qu’elles sont censées faire.
Et maintenant ?
Ah, cher lecteur… si seulement nous connaissions la réponse à cette question…
Nous entrons en territoire inconnu… terra incognita…
Jamais encore on n’avait eu un système monétaire international basé purement sur le papier. Et jamais encore il n’avait été géré par des gens qui pensent pouvoir forcer le marché à faire ce qu’ils veulent. Ils sont convaincus qu’ils peuvent éviter la situation du Japon — où l’économie s’est traînée durant 20 ans — en ajoutant plus de cash et de crédit. Bernanke a déclaré qu’il en larguerait par hélicoptère si nécessaire.
Il n’y a qu’un seul problème… Bernanke peut provoquer l’inflation… mais seulement jusqu’à ce que les Chinois lui disent d’arrêter. Lorsque les Chinois décideront d’éteindre le marché obligataire, la fête prendra fin. Voilà pourquoi les hélicoptères sont encore au sol. Et c’est pourquoi ils ne décolleront que lorsque la situation deviendra désespérée.
En attendant, nous attendons l’ordinaire… c’est-à-dire la fin ordinaire à un rebond post-krach. Elle viendra avec un autre krach. Puis un autre. Puis un autre encore. Jusqu’à ce que les actions atteignent leur vrai plancher… et que les illusions de l’ère de bulle soient enfin toutes écrasées.