Faire entrer une possibilité dans l’esprit des investisseurs… en la niant fermement : c’est le tour de force que vient de réussir la Fed. Maintenant, elle peut préparer l’étape suivante…
Selon un article du New York Times :
« Les responsables de la Réserve fédérale ont signalé mercredi qu’ils s’attendaient à relever les taux d’intérêt plus tôt qu’ils ne l’avaient prévu et qu’ils faisaient de petits pas vers la réduction de leurs vastes achats d’obligations – des ajustements qui, ensemble, ont démontré leur confiance croissante dans le rebond de l’économie.
Les décideurs de la Fed prévoient de procéder à deux augmentations des taux d’intérêt d’ici la fin de 2023, a montré mercredi le résumé mis à jour des projections économiques de la banque centrale. Auparavant, plus de la moitié des responsables prévoyaient que les taux resteraient proches de zéro, où ils sont depuis mars 2020, au moins jusqu’en 2024. Les responsables voient désormais les taux passer à 0,6% d’ici la fin de 2023, contre 0,1%.
Le président de la Fed, Jerome H. Powell, a minimisé l’importance de ces prévisions de taux provisoires lors d’une conférence de presse après la réunion, soulignant que les coûts d’emprunt resteraient bas pendant longtemps. Mais il a également parlé avec optimisme des perspectives économiques et a déclaré que la banque centrale commençait à discuter du moment et de la manière dont elle devrait ralentir son autre politique monétaire clé – les achats énormes de dette garantie par le gouvernement qu’elle effectue pour alimenter la demande. »
La Fed est immergée dans une erreur systémique, elle utilise des théories et des idéologies fausses, mais elle travaille bien en termes de gestion au jour le jour. Bravo !
Dès la montée de la phase spéculative grand public, elle a infléchi son discours. Elle a infléchi son discours non pas pour parler de taper (réduction de ses rachats de dette) ou de hausse des taux… mais pour les démentir.
Nier, c’est aussi admettre
La Fed sait que démentir quelque chose, c’est lancer une thématique, c’est débuter une nouvelle phase. En démentant le début des conversations sur un resserrement monétaire, elle savait très bien ce qu’elle allait faire : ouvrir une nouvelle période.
Les marchés ont pris conscience du fait qu’un jour ou l’autre, il se passerait quelque chose. C’est d’ailleurs la fonction des dénégations : faire venir à la conscience, faire advenir, tout en niant.
Chapeau ; bien vu, les artistes, bien fait.
Peu à peu, la Fed a implanté la thématique jusqu’au point où nous en sommes maintenant – à savoir que le taper, tout en n’étant pas d’actualité, est dans le paysage, en arrière-plan. Mine de rien, la Fed a changé la règle du jeu tout en ne changeant rien réellement.
Reste à savoir l’ampleur que ce non-changement va prendre dans la psychologie des marchés.
La psychologie des marchés est un processus d’actualisation : elle rend présent quelque chose qui n’est que futur. La psychologie des marchés « présentifie », sachez-le. Présentifier, c’est faire comme si quelque chose était déjà présent.
C’est toute la dialectique des rapports entre le réel et les perceptions qui est en action, c’est toute la dialectique des rapports entre le réel et ses signes.
Nier le début de quelque chose, c’est déjà le commencer !
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]