Par Sylvain Frochaux directeur de la recherche chez Straight from The Lab
▪ Fin d’année oblige, ce billet est consacré aux anomalies de janvier. Il ne s’agit ni du petit ventre qui redessinera ma silhouette après les agapes de Noël ni de la curieuse habitude que certains ont de vouloir absolument prendre de nouvelles résolutions, aussi bonnes soient-elles, en début d’année.
Non, je veux parler de deux anomalies boursières : l’"effet de janvier", qui affirme que les rendements de ce mois sont généralement plus élevés que ceux des autres mois, et du "baromètre de janvier ", qui permet de prédire les rendements boursiers sur les bases des performances du premier mois de l’année.
Mais que se passe-t-il donc entre décembre et janvier pour créer de telles anomalies ? Tout d’abord, de nombreux investisseurs modifient la composition de leurs portefeuilles en fin d’année pour des raisons fiscales. Ceci concerne notamment les investisseurs professionnels qui liquident sciemment leurs positions perdantes avant le 31 décembre pour apparaître moins fébriles dans leurs rapports annuels.
Effet de ce rééquilibrage, ces investisseurs disposent de nouveaux fonds à investir en janvier. Sans oublier que de nombreux salariés reçoivent leurs primes annuelles en décembre. Ces phénomènes combinés, et largement répandus, ont pour conséquence d’altérer les rendements boursiers en début d’année, comme l’ont montré différentes études au cours des décennies passées. Je vais vous en livrer cinq ci-dessous.
▪ Merci monsieur le percepteur !
L’effet de janvier peut être résumé simplement : les rendements du mois de janvier sont généralement plus élevés que ceux des autres mois, notamment pour les sociétés à plus faible capitalisation boursière. On dit merci qui ? Merci monsieur le percepteur !
Comme je vous l’ai dit, la fiscalité pourrait bien être au coeur de l’effet de janvier. Les investisseurs ont tendance à vendre à perte en fin d’année et à réinvestir dans des fonds similaires au début de l’année suivante pour bénéficier d’avantages fiscaux. Les Américains, par exemple, paient un taux d’imposition inférieur sur leurs plus-values boursières dès lors qu’une action est détenue au moins un an. Ce petit sport national incite dès lors les investisseurs américains à liquider des titres après un an et un jour — si possible avant la fin décembre. Ce qui crée ce nouveau souffle de début d’année.
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La première étude* que j’aimerais citer aujourd’hui dévoile l’influence de la fiscalité. Parue dans le célèbre Journal of Finance, elle démontre par ailleurs qu’il existe des pressions significatives à la vente en décembre et à l’achat en janvier ; et plus spécialement durant les années où les obligations municipales (les fameux muni bonds) ont subi des pertes.
▪ +73,5% de surperformance par an
Pour ceux qui se demandent déjà comment profiter de l’effet janvier, sachez aussi qu’il est important de déterminer le ou les véhicules appropriés. Alors, actions américaines ? Européennes ? Cotées sur les grands marchés ou de gré à gré ? Il se trouve que l’effet de janvier est plus marqué pour les actions sans options.
Telle est du moins la conclusion de cette seconde étude*, qui montre de façon convaincante que les titres n’offrant pas d’options affichent des performances nettement plus élevées en janvier que celles ayant des options cotées, quelle que soit la taille de la société concernée. Sur les entreprises de plus petite taille, l’écart atteint 4,7 points de pourcentage uniquement sur le premier mois de l’année, ce qui équivaut à une différence de performance de 73,5% en termes annualisés.
Oui, l’effet de janvier est particulièrement puissant. Aussi est-il intéressant de se demander quel(s) type(s) de stratégie permet(-tent) d’en profiter le mieux. Cette troisième étude* démontre, par exemple, que la performance des stratégies contrariennes (qui consistent à agir à l’opposé de ce que font les autres, comme disait Sir John Templeton) est entièrement expliquée par l’effet de janvier (avec une performance à deux chiffres sur le seul mois de janvier) et qu’aucune plus-value ne peut être réalisée au cours des autres mois. Un résultat à faire trembler tous les contrariens…
A l’inverse, cette même étude révèle que le fait de ne pas investir pendant le premier mois de l’année permet d’améliorer significativement la performance des stratégies momentum (qui consistent à suivre la tendance récente des titres, à l’achat ou à découvert), pour atteindre un rendement annualisé compris entre 10% et 20%. Intéressant, non ?
▪ Si janvier est bon, l’année sera bonne
Passons maintenant à l’autre grande anomalie saisonnière du premier mois de l’année : les rendements observés en janvier déterminent largement ceux de février à décembre. Ce phénomène appelé le "baromètre de janvier" peut se résumer par l’adage boursier "As goes January, so goes the rest of the year" ("ainsi va janvier que va le reste de l’année").
En langage académique, cela donne : le rendement moyen entre février et décembre est significativement plus élevé lorsque la performance obtenue durant le mois de janvier est positive que lorsque cette dernière est négative. Ce phénomène a été observé 86% du temps depuis 1940.
Les chercheurs se sont bien sûr interrogés sur l’origine de cette anomalie. L’une des dernières explications provient du moral des consommateurs. Cette recherche* établit, en effet, que les fluctuations de l’indice de confiance des consommateurs (ICS) du mois de janvier permettent de prédire les rendements boursiers sur les onze mois suivants. Lorsque l’ICS de janvier s’améliore, le marché grimpe de 18,1% en moyenne sur les onze mois suivants, alors qu’il ne progresse que de 6,7% lorsque l’ICS se déprécie en janvier.
Les auteurs en concluent que ces résultats viennent soutenir l’existence d’un effet de confiance des consommateurs durant le premier mois de l’année, qui cause le fameux baromètre de janvier discuté dans la littérature académique.
▪ La sagesse boursière n’est qu’un bel oxymore
Pour profiter de ce baromètre, la sagesse boursière — vous me pardonnerez cet oxymore — voudrait qu’une stratégie long-short qui se positionne selon le signe du rendement du mois de janvier apporte de bons résultats. L’investisseur lambda se positionne alors à la hausse sur les actifs dont il anticipe une progression et vend à découvert ceux qui sont supposés baisser. Voilà qui semble logique, vu ce que je viens de vous révéler sur l’effet de janvier. Or une telle stratégie ne serait pas la plus appropriée, tranche cette cinquième et dernière étude*.
Les auteurs soulignent qu’une stratégie qui achète les actions après un mois de janvier positif et qui investit dans les T-Bills (les Bons du Trésor) dans le cas contraire (complétée par une position longue durant tous les mois de janvier pour bénéficier de l’effet classique de janvier) permet de générer des rendements substantiels et significatifs à long terme, avec un rendement annuel moyen là encore à deux chiffres depuis 1940.
▪ Janvier n’est pas la seule anomalie calendaire
En conclusion, les anomalies saisonnières que je viens de vous décrire présentent l’avantage évident d’offrir un signal d’investissement extrêmement clair. Mais elles gardent aussi le désavantage de forcer les investisseurs à tabler sur de très longues périodes avant d’encaisser leurs bénéfices. Appliquer les conclusions de l’effet de janvier ou du baromètre de janvier sur une seule année se révèle en effet très risqué.
Par exemple, après un mois de janvier 2008 négatif, le baromètre a suggéré aux investisseurs de miser sur les T-Bills, leur évitant de perdre 32% sur le S&P 500 durant les onze mois suivants. Bravo.
En revanche, même si ce baromètre a été correct dans 86% des cas du passé, il a envoyé le même signal baissier en 2009 et 2010, provoquant une perte pour l’investisseur…
En conséquence, la vigilance s’impose : les investisseurs doivent constamment diversifier leur portefeuille à travers différentes stratégies et classes d’actifs. Les personnes souhaitant composer avec d’autres anomalies saisonnières auront toutefois l’embarras du choix : effets liés aux jours fériés, au changement de mois, au week-end, au fameux adage "Sell in May and go away" ("vends en mai et va-t-en"), ainsi sur divers effets journaliers spécifiques, sans oublier certaines saisonnalités calendaires propres à chaque marché.
Comme les bonnes résolutions, ces effets reviennent (presque) chaque année. Dans le cas qui nous occupe, elles ont déjà fait l’objet d’articles complets dans notre revue scientifique et continueront (statistiquement parlant) à nous être profitables dans le cadre de notre stratégie. Raison pour laquelle, nous parvenons à garantir un profit de 50% sur n’importe quelle période de cinq ans.
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